Nouveau dispositif auto-injecteur pour l'administration de naloxone approuvé aux États-Unis

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Auteur(s)
Dafnée Brisebois-Tremblay
Candidate au D. Pharm., Université de Montréal Stagiaire en toxicologie clinique, Institut national de santé publique du Québec
Pierre-André Dubé
B. Pharm., Pharm. D., M. Sc., C. Clin. Tox., Pharmacien-toxicologue, Institut national de santé publique du Québec

Résumé

La Food and Drug Administration des États-Unis a approuvé, en avril 2014, un nouveau dispositif pour l’administration de naloxone visant à renverser une intoxication potentiellement fatale par les opioïdes. Cet auto-injecteur facilite la prise en charge des intoxications aiguës et incite à réfléchir sur la possibilité de prescrire la naloxone en prévention chez les individus à risque, tels les consommateurs de drogues illicites et les patients prenant des médicaments opioïdes pour des douleurs chroniques. Plusieurs programmes ont été mis sur pied aux États-Unis et au Canada afin d’encadrer la distribution de naloxone à des fins préventives. Un tel usage implique la formation non seulement du patient, mais également de ses proches qui seront chargés de lui administrer l’antidote s’ils sont témoins d’une situation d’urgence. Une intoxication par les opioïdes peut avoir des conséquences importantes pour la santé, voire causer la mort si elle n’est pas rapidement prise en charge. L’approbation d’un auto-injecteur de naloxone au Canada permettrait d’agir rapidement et de sauver des vies. 

Introduction

Les cas d’intoxications mortelles par les opioïdes sont en hausse constante depuis la fin des années 1990 en Amérique du Nord.(1-5) Le Québec ne fait pas exception à la règle.(6) En effet, de 2000 à 2009, on a observé une hausse du taux de mortalité en raison d’une augmentation significative du nombre d’intoxications par les opioïdes de 9,4 % en moyenne par année chez les hommes et de 10,2 %, chez les femmes. Ces données proviennent d’une analyse rétrospective des fichiers des décès du Registre des événements démographiques et de la base de données informatisée du Bureau du coroner en chef du Québec.(6) Ces événements concordent avec la propension à prescrire de plus en plus de médicaments opioïdes pour la prise en charge de douleurs de toutes sortes.(5,6) Le recours croissant à cette classe de molécules accentue le risque d’erreurs thérapeutiques, de mésusages, d’abus, d’intoxications, ou encore de détournements.

Naloxone

Pour remédier à cette problématique et pour répondre au besoin d’un dispositif sécuritaire sans aiguille, la Food and Drug Administration des États-Unis a approuvé en avril 2014 un auto-injecteur (Evziomd) permettant de simplifier la manipulation et de limiter les risques qui y sont associés.(7) Le produit a passé rapidement le processus d’homologation en moins de 15 semaines.(7) Il s’agit d’une injection unique sous-cutanée ou intramusculaire d’une dose fixe de 0,4 mg de naloxone.(8) Ce produit a été démontré bioéquivalent aux autres formulations disponibles. Des instructions visuelles et auditives accompagnent le dispositif afin de guider l’utilisateur.(8) De plus, un dispositif d’entraînement ainsi que deux auto-injecteurs sont présents dans la trousse.(8) L’utilisation de l’auto-injecteur n’exclut pas la communication immédiate avec un service d’urgence (911) en vue de diriger rapidement la victime vers un centre hospitalier. La distribution d’un tel dispositif implique la formation du patient et de son entourage sur sa bonne utilisation. Cet enseignement obligatoire incite les professionnels à se questionner sur le temps de rétention de toutes ces informations par les patients.(2,9,10) Il est possible toutefois de remettre en perspective les inquiétudes que certains professionnels pourraient avoir à ce propos en comparant cet auto-injecteur à celui employé pour l’épinéphrine, qui est offert sans ordonnance dans toutes les pharmacies pour une administration rapide en situation d’urgence.

La naloxone est un antagoniste compétitif des récepteurs des opioïdes.(5,11-16) Elle empêche ainsi la liaison à leurs récepteurs et, par le fait même, contrevient à leur action dépressive sur les systèmes respiratoire et nerveux central. Cette molécule est utilisée depuis plusieurs années en contexte hospitalier en tant qu’antidote lors d’intoxications avérées ou probables par les opioïdes. Son efficacité et son innocuité sont bien établies. La dose initiale recommandée est de 0,04 à 2 mg par voie intraveineuse et, si la réponse n’est pas optimale, cette dose peut être donnée de nouveau toutes les 2 à 3 minutes jusqu’à un maximum de 10 mg.(13,14,16,17) L’action survient dans les 1 à 5 minutes, selon la voie utilisée et dure de 30 à 80 minutes. Les effets indésirables répertoriés sont principalement en lien avec la précipitation d’un syndrome de sevrage suivant l’utilisation de fortes doses.(11,14) Ainsi, la plus petite dose possible permettant d’amener le patient à protéger ses voies respiratoires et à respirer sans assistance devrait être utilisée afin d’éviter l’alourdissement de la prise en charge. La naloxone ne présente pas de potentiel d’abus. On l’administre, entre autres, par voie intraveineuse, intramusculaire, sous-cutanée, intranasale et par nébulisation. Au Canada, seules les formulations pour administration parentérale sont offertes. L’usage de ce type de formulation implique donc la manipulation d’ampoules et de seringues, ce qui comporte un lot de risques pour les utilisateurs. Aux États-Unis, un dispositif atomiseur muni d’une seringue préremplie est proposé pour l’administration intranasale, mais il n’est pas approuvé.(14,16) Les volumes utilisés sont de 1 ml par narine, à raison d’une concentration de 1 mg/ml. Or, l’absorption d’une telle quantité de liquide par la muqueuse nasale n’est pas optimale.

Programmes de distribution et de prévention

Récemment, plusieurs programmes de distribution de naloxone portant sur la prévention des décès par intoxication aux opioïdes ont vu le jour aux États-Unis et au Canada – Colombie-Britannique, Alberta et Ontario.(3-5,18) Leur but est d’offrir de la naloxone aux patients à haut risque d’intoxication et de fournir à ces patients ainsi qu’à leur famille l’information nécessaire à sa bonne utilisation afin que l’antidote soit administré rapidement en attendant l’arrivée des ambulanciers. Aucun service semblable n’est actuellement offert au Québec. Une première piste de solutions serait d’autoriser les services d’urgence de première ligne, soit les ambulanciers et les policiers à utiliser ce dispositif, puisqu’ils sont régulièrement appelés à intervenir dans de telles situations.(19,20) Il est impératif que la santé publique évalue la place de la naloxone dans les programmes de prévention et de protection de la santé.

Conclusion

Evziomd est un nouveau dispositif auto-injecteur permettant l’administration sécuritaire et rapide de la naloxone lors d’intoxications aiguës par les opioïdes en vue de renverser leurs effets. Au Québec, peu d’actions ont été entreprises pour offrir un tel service à la clientèle à risque. Il faut malgré tout demeurer informé, puisque ce nouveau dispositif, approuvé récemment et uniquement par la Food and Drug Administration des États-Unis, sera peut-être un jour proposé au Canada.

Remerciements

Les auteurs souhaitent exprimer leur gratitude envers le Dr René Blais, directeur médical du Centre antipoison du Québec, pour la révision du présent document ainsi que pour ses précieux commentaires.

Pour toute correspondance

Pierre-André Dubé
Institut national de santé publique du Québec
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Références

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