L'utilisation de l'amiante chrysotile au Québec

En 1997, un Comité aviseur sur l'amiante a été mis sur pied par le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec compte tenu des développements internationaux dans le dossier de l'amiante. L'objectif de ce Comité était de faire des recommandations concernant les mesures appropriées d'information de la population et de protection de la santé publique à mettre en œuvre en rapport avec la situation de l'amiante au Québec. De nombreux travaux ont été effectués pour répondre à ce mandat. Ils ont été synthétisés dans trois documents qui peuvent être consultés sur le site Internet de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) (De Guire et al., 2003; Lajoie et al., 2003; De Guire et Lajoie, 2003).

En 2002, le gouvernement du Québec a adopté une Politique d'utilisation accrue et sécuritaire de l'amiante chrysotile. Comme son nom l'indique, elle vise à accroître l'utilisation de l'amiante chrysotile au Québec en stimulant la demande de produits en amiante et la fabrication de produits en amiante chrysotile (MNRQ, 2002).

Depuis la publication des rapports de l'INSPQ, des messages contradictoires sur l'amiante et sur sa gestion sécuritaire circulent dans les médias et dans la population. C'est pourquoi l'INSPQ a décidé de préparer un avis sur l'utilisation de l'amiante chrysotile au Québec. L'objectif de cet avis est de faire le point sur ces sujets.

Compte tenu des éléments suivants :

  • l’augmentation observée des mésothéliomes de la plèvre dans la population générale du Québec depuis plusieurs années et l’anticipation du maintien de cette tendance durant plusieurs années encore;
  • la survenue de maladies pulmonaires professionnelles reliées à l’amiante chez les travailleurs et les travailleuses québécois dans les années récentes, notamment chez les mineurs et chez les travailleurs de la construction et de la rénovation;
  • la prépondérance du nombre de personnes souffrant de l’une ou l’autre des maladies reliées à l’amiante dans la population générale du Québec par rapport au nombre documenté chez les travailleurs;
  • les problèmes de contrôle de l’exposition à l’amiante dans le secteur de la transformation de l’amiante dans les années 1990;
  • les problèmes d’identification des matériaux contenant de l’amiante dans les édifices publics, rendant difficile le contrôle de l’exposition à l’amiante des travailleurs de la construction;
  • le non-aboutissement des démarches visant à assurer la traçabilité des édifices publics et privés contenant de l’amiante afin d’assurer la protection des travailleurs et des résidants;
  • les limites de la traçabilité des ouvrages de génie civil contenant de l’amiante, notamment en dehors des autoroutes;
  • la cancérogénicité du chrysotile prouvée chez l’homme et considérée comme telle par les organismes internationaux, malgré sa moindre biopersistance;
  • la norme élevée d’exposition en milieu de travail au chrysotile au Québec qui devrait être diminuée;
  • la gestion non systématique des matériaux contenant de l’amiante dans les édifices publics autres que les écoles primaires et secondaires et dans les résidences privées;
  • l’application des principes mis de l’avant par l’INSPQ pour la gestion des risques;

parce que les travailleurs et la population sont exposés à de l’amiante (chrysotile et amphiboles) déjà en place, l’INSPQ est d’avis :

  • qu’il faut d’abord gérer cet amiante, notamment dans les écoles, les hôpitaux, les cégeps, les universités, les édifices publics et privés, les milieux de travail, etc.;
  • que toutes les mesures de protection édictées doivent être appliquées pour protéger les travailleurs, notamment dans les secteurs de la construction, de la rénovation et de la transformation de l’amiante;
  • qu’aucune des réglementations ou normes actuellement en vigueur ne doivent être atténuées (notamment le code de sécurité pour les travaux de construction et les normes d’exposition à l’amiante du Règlement sur la santé et la sécurité du travail);
  • que la norme d’exposition à l’amiante chrysotile en milieu de travail doit être révisée à la baisse;
  • que le Règlement sur les déchets solides doit être révisé pour avoir un nouveau règlement sur l’élimination des matières résiduelles respectant les éléments précédents;
  • que les travailleurs et la population doivent être mieux protégés en identifiant les produits contenant de l’amiante (chrysotile et amphiboles) et que cette information doit être conservée et qu’elle doit être accessible;
  • qu’il faut continuer à développer un système de surveillance de l’exposition à l’amiante et des maladies reliées à l’amiante;

parce que l’amiante chrysotile est un cancérigène prouvé chez l’homme et qu’il cause l’amiantose, et parce que son utilisation sécuritaire est en pratique difficile à réaliser, notamment dans les secteurs de la construction, de la rénovation et de la transformation de l’amiante, l’INSPQ est d’avis que la promotion et l’utilisation accrue de l’amiante chrysotile dans ses formes traditionnelles ne devraient pas être soutenues par le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Par ailleurs, considérant les particularités des produits contenant de l’amiante (dont l’amiante-ciment et les enrobés bitumineux) qu’entend promouvoir la Politique d’utilisation accrue et sécuritaire de l’amiante chrysotile, un rapport complémentaire sera préparé pour mieux revoir l’impact de l’utilisation de ces produits. Il serait cependant prudent d’en encadrer l’utilisation tant que l’évaluation des risques à la santé et des précautions nécessaires à leur usage n’aura pas été complétée.

Enfin, si la Politique d’utilisation accrue et sécuritaire de l’amiante chrysotile était maintenue, compte tenu qu’elle repose sur l’application de réglementations et de conditions de sécurité très strictes, tout comme la position canadienne face à la convention de Rotterdam touchant le volet de l’amiante chrysotile, l’INSPQ rappelle que les conditions énoncées plus haut doivent être respectées. De plus, toutes les mesures de protection des travailleurs et de la population face à l’amiante et de surveillance de cette substance confiées aux différents ministères dans la Politique, doivent être réalisées. Des mesures touchant les organismes autres que ceux cités dans la Politique et qui peuvent assumer une partie de la surveillance et du contrôle de l’exposition à l’amiante au Québec dans les sphères publiques et privées doivent également être instaurées.

Auteur(-trice)s
Louise De Guire
M.D., Institut national de santé publique du Québec
Maurice Poulin
Institut national de santé publique du Québec
Marc Dionne
Institut national de santé publique du Québec
Type de publication
ISBN (imprimé)
2-550-44728-X
Notice Santécom
Date de publication