Exposition des travailleuses et travailleurs québécois au bruit intense en milieu de travail : résultats de l’Enquête québécoise sur la santé de la population, 2020-2021
faits saillants
Environ 340 000 personnes travaillent dans des environnements bruyants au Québec potentiellement dangereux pour leur audition. Ainsi, l’exposition au bruit en milieu de travail est encore un enjeu préoccupant de santé publique.
En effet, 8,6 % des travailleuses et travailleurs de 15 ans ou plus, travaillant 15 heures ou plus par semaine pour l’ensemble de leurs emplois, rapportent être exposés souvent ou tout le temps à du bruit intense au travail1.
Ce rapport de surveillance est basé sur les données de l’Enquête québécoise sur la santé de la population (EQSP) 2020-2021. Cette enquête populationnelle d’envergure génère des données représentatives pour le Québec et permet, entre autres, de connaître le secteur d’activité économique et la profession de chaque répondant occupant un emploi.
Ce rapport fournit ainsi des estimations représentatives à l’échelle nationale de la prévalence de l’exposition au bruit intense en milieu de travail. Il identifie les industries et les professions les plus touchées par l’exposition au bruit intense en 2020-2021 en plus de présenter des comparaisons avec l’édition 2014-2015. Ces analyses, sans équivalent au Canada, montrent notamment que :
- L’exposition des travailleurs et travailleuses au bruit intense est en hausse depuis 2014-2015, passant de 7,7 % à 8,6 %.
- Les hommes sont davantage exposés que les femmes, soit 12 % des travailleurs et 4 % des travailleuses : 257 400 travailleurs et 83 000 travailleuses.
- L’exposition à du bruit intense au travail est associée à des inégalités sociales de santé :
- Pour l’ensemble des personnes en emploi, le fait de vivre dans un ménage dont le revenu n’est pas élevé, tout comme la perception d’être pauvre ou très pauvre ou de n’avoir que des revenus suffisants sont associés à une plus grande prévalence d’exposition à du bruit intense au travail comparativement à celles vivant dans un ménage à revenu élevé ou se percevant à l’aise financièrement;
- Chez les hommes, la défavorisation matérielle est également associée à une prévalence plus élevée d’exposition à du bruit intense au travail.
- Des régions sont davantage concernées par l’exposition au bruit intense en milieu de travail :
- Le Saguenay–Lac-Saint-Jean, l’Abitibi-Témiscamingue, la Côte-Nord et le Nord-du-Québec ont les plus fortes prévalences de travailleuses et travailleurs exposés au bruit intense en milieu de travail;
- Mais, en nombre, ce sont les régions de Montréal et de la Montérégie qui comptent le plus de personnes exposées (près de 148 500 travailleuses et travailleurs).
- Quinze catégories d’industries de l’étude se démarquent par une prévalence élevée d’exposition à du bruit intense en milieu de travail :
- Huit sous-secteurs de la fabrication : papier, première transformation des métaux, produits en plastique et en caoutchouc, aliments et boissons, produits minéraux non métalliques, meubles et produits connexes, produits en bois et produits métalliques;
- Les trois sous-secteurs de la construction : travaux de génie civil, entrepreneurs spécialisés, construction de bâtiments;
- Extraction minière, en carrière et extraction de pétrole et de gaz;
- Foresterie et exploitation forestière + activités de soutien et scieries;
- Activités de soutien au transport;
- Réparation et entretien.
- Dix-neuf groupes d’industries comptent une forte proportion de travailleuses et travailleurs exposés à du bruit intense en milieu de travail :
- Fonderies;
- Fabrication de verre et de produits en verre;
- Extraction de minerais métalliques;
- Activités de soutien à l’extraction minière et à l’extraction de pétrole et de gaz;
- Usines de pâte à papier, de papier et de carton;
- Fabrication de produits de viande;
- Scieries et préservation du bois;
- Réparation et entretien de véhicules automobiles;
- Autres entrepreneurs spécialisés (construction);
- Production et transformation d’alumine et d’aluminium;
- Réparation et entretien de machines et de matériel d’usage commercial et industriel;
- Groupes d’industries associés à l’extraction minière et extraction de pétrole et gaz;
- Fabrication de produits en plastique;
- Construction de routes, de rues et de ponts;
- Entrepreneurs en travaux de fondations, de structure, et d’extérieur de bâtiment;
- Fabrication d’autres produits en bois;
- Fabrication de meubles de maison et d’établissement institutionnel et d’armoires de cuisine;
- Construction résidentielle;
- Entrepreneurs en installation d’équipements techniques.
- Vingt professionsse démarquent par une prévalence élevée d’exposition à du bruit intense en milieu de travail :
- Personnel des opérations du transport ferroviaire : mécaniciens de locomotive et de cour de triage et chefs de train et serre-freins;
- Monteurs de charpentes métalliques;
- Surveillants dans la transformation des produits forestiers;
- Ouvriers en sylviculture et en exploitation forestière;
- Bouchers industriels, dépeceurs-découpeurs de viande, préparateurs de volaille et personnel assimilé;
- Mécaniciens de centrales et opérateurs de réseaux électriques;
- Mécaniciens d’équipement lourd;
- Mineurs d’extraction et de préparation, mines souterraines;
- Manœuvres dans le traitement des pâtes et papiers et la transformation du bois;
- Opérateurs de machines dans le traitement des métaux et des minerais;
- Mécaniciens de chantier et mécaniciens industriels;
- Conducteurs d’équipement lourd;
- Soudeurs et opérateurs de machines à souder et à braser;
- Mécaniciens et réparateurs de véhicules automobiles, de camions et d’autobus;
- Manœuvres en aménagement paysager et en entretien des terrains;
- Entrepreneurs et contremaîtres en mécanique;
- Charpentiers-menuisiers;
- Électriciens (sauf électriciens industriels et de réseaux électriques);
- Opérateurs de machines et de procédés industriels dans la transformation des aliments et des boissons;
- Aides de soutien des métiers et manœuvres en construction.
- Les résultats mettent en évidence plusieurs industries et professions touchées par une prévalence élevée d’exposition à du bruit intense qui devraient être considérées dans la priorisation et le ciblage des groupes devant faire l’objet de mesures de prévention
- Les différences entre les résultats de l’EQSP 2020-2021 et 2014-2015 soulignent l’importance de tenir compte des résultats issus des diverses éditions de l’enquête; certains groupes d’industries ou professions peuvent être absents des plus exposés en raison de faibles effectifs ou d’une trop grande variabilité de l’estimation de l’exposition.
- Les résultats sur l’exposition des travailleurs au bruit, obtenus dans le cadre de l’EQSP reposent sur une démarche robuste qui fournit des données de qualité. Ils montrent l’importance de disposer de données d’enquêtes couvrant l’ensemble des activités économiques et des professions dans la société québécoise pour établir un portrait plus représentatif de l’exposition actuelle au bruit que celle basée sur l’analyse des cas de surdité professionnelle acceptés par la CNESST.
- Enfin, les résultats de cette étude montrent que l’exposition au bruit intense est toujours un problème répandu dans les milieux de travail du Québec et que le nombre de travailleuses et travailleurs exposés est en augmentation. Cette situation soulève des questions en lien avec la prévention. Elle rappelle l’importance pour les milieux de travail et pour les ressources en santé-sécurité de poursuivre leurs efforts visant à protéger la santé auditive des travailleuses et des travailleurs et ainsi prévenir la surdité et les autres problèmes de santé et de sécurité. Cela aurait aussi le potentiel de réduire les inégalités sociales de santé liées au bruit au sein de la population québécoise en emploi.
1 Travailler souvent ou tout le temps dans un bruit si intense qu’il est difficile de tenir une conversation à quelques pieds de distance, même en criant. Ceci correspond à un niveau d’exposition au bruit estimé à au moins 85 dBA.