Les incidents et accidents transfusionnels signalés au système d’hémovigilance du Québec en 2014
Le présent rapport fait état des accidents qui sont survenus entre le 1er janvier et le 31 décembre 2014 et qui ont été signalés au Système d’hémovigilance du Québec. Il présente les nombres et les taux d’incidence des réactions transfusionnelles associées aux produits labiles et à certains produits stables ainsi que l’analyse des tendances des taux de réactions transfusionnelles au cours de la période 2000 à 2014. Les observations pertinentes sont illustrées dans divers tableaux et figures.
Un accident transfusionnel est défini comme étant soit une erreur de procédure ou de produit administré qui a été décelée après le début d’une transfusion, soit une réaction indésirable reconnue chez un receveur. Les déclarations d’accidents sont saisies par l’intermédiaire de l’application Lotus Notes « RIAT (Rapport d’incident ou d’accident transfusionnel) en ligne ». En 2014, tous les centres hospitaliers québécois dotés d’une banque de sang (98 centres au total, soit 29 centres relevant de 20 établissements « désignés » et 69 relevant de 65 établissements « associés ») ainsi que sept centres de transfusion « affiliés » (tous rattachés à l’une ou l’autre des banques de sang) ont produit des déclarations jugées suffisamment complètes pour qu’ils soient considérés comme centres « déclarant ».
Ces centres hospitaliers « déclarant » ont transfusé l’ensemble des 316 994 unités de produits sanguins labiles utilisées au Québec en 2014, ce qui représentait donc 100,0 % de l’activité transfusionnelle. Un peu plus de la moitié (54,2 %) des produits labiles transfusés en 2014 l’a été à des hommes et 45,8 % à des femmes. Jusqu’à 44,4 % des produits labiles ont été administrés à des personnes âgées de 70 ans et plus, 29,8 %, aux 18 à 59 ans, 22,0 % aux 60 à 69 ans, 2,1 % aux 6 à 17 ans et 1,7 % aux 0 à 5 ans. Les centres hospitaliers« déclarant » ont également administré 1 763 546 grammes d’immunoglobulines intraveineuses (IgIV). Entre 2010 et 2014, la quantité de produits labiles administrés annuellement au Québec a diminué de 12,6 % alors que la quantité de grammes d’IgIV administrés annuellement a augmenté de 29,7 %.
Ces centres hospitaliers« déclarant » ont effectué un total de 3 126 déclarations d’accidents transfusionnels dont 2 590 (82,9 %) étaient reliés à des produits sanguins labiles et 536 (17,1 %) étaient reliés à des produits sanguins stables. Parmi celles-ci, un total de 1 930/3 126 (61,7 %) déclarations portaient sur des accidents d’imputabilité possible, probable ou certaine (tous produits confondus). De ces 1 930 déclarations, 995 (51,6 %) accidents transfusionnels sont survenus chez des femmes et 935 (48,4 %) chez des hommes
Accidents reliés à la transfusion de produits sanguins labiles
- Un peu moins des deux tiers (57,8 %), soit 1 497 des 2 590 déclarations d’accidents transfusionnels associés à des produits sanguins labiles, étaient d’imputabilité « possible, probable ou certaine ».
- Le taux des erreurs à l’origine de l’administration d’un produit qui n’aurait pas dû l’être, accompagnées ou non d’une réaction transfusionnelle, a été de 12 par 100 000 unités transfusées (ratio de 1 erreur par 8 342 unités transfusées).
- Le taux de réactions transfusionnelles d’imputabilité « possible, probable ou certaine » a été de 441,0 par 100 000 unités transfusées (1 réaction pour 227 transfusions). Les réactions allergiques mineures et les réactions fébriles non hémolytiques totalisent 63,3 % (n = 885) des réactions signalées alors que les accidents graves comptent pour 13,6 % (n = 190). Parmi ces derniers, 113 cas d’œdème aigu pulmonaire post-transfusionnel ont été déclarés, ainsi que deux cas d’incompatibilité ABO reliés à l’administration de culots globulaires et de plasma; ces deux situations ont été jugées non sévères. Un décès possiblement imputable à la transfusion a été rapporté en 2014 (une réaction d’œdème aigu pulmonaire post-transfusionnel a été considérée comme un des facteurs contributifs de ce décès).
- Parmi les 1 497 déclarations d’accidents transfusionnels d’imputabilité « possible, probable ou certaine », 1 059 (70,7 %) ont été associées à la transfusion de culots globulaires. Les ratios les plus élevés d’accidents ont été observés suite à l’administration de plaquettes d’aphérèse (1 accident pour 110 unités transfusées), de plaquettes dérivées de sang total transfusées en mélange (pool) moyen de cinq unités (1 accident pour 117 unités transfusées) et de culots globulaires (1 accident pour 211 unités transfusées).
Accidents reliés à l’administration de produits sanguins stables
- Parmi les 536 déclarations d’accidents reliés à l’administration de produits sanguins stables, 80,8 % (n = 433), étaient d’imputabilité « possible, probable ou certaine ». Parmi celles-ci, 84,1 % (n = 364) étaient reliées aux IgIV, 6 % aux Ig anti-D et 4,4 % à l’albumine.
- Le taux de réaction transfusionnelle associée à l’administration d’IgIV a été de 21,3/100 000 (1 réaction pour 4 703 grammes d’IgIV administrés). Les réactions les plus fréquentes ont été : les réactions fébriles non hémolytiques (1 pour 16 796 grammes), les allergies mineures (1 pour 27 993 grammes), les céphalées post-IgIV (1 pour 32 064 grammes) et l’intolérance aux IgIV (1 pour 35 271 grammes). Aucun décès relié à l’administration de produits stables n’a été rapporté en 2014.
- Le taux le plus élevé de réactions transfusionnelles a été associé à l’administration des préparations d’IgIV Gammagard® (1 : 3 180 grammes) et Privigen® (1 : 4 595 grammes). Le plus faible taux a été associé à l’administration de Gamunex®/IGIVnex® (1 : 9 410 grammes); ainsi, le taux de réactions transfusionnelles (tous types de réaction confondus) associé à l’infusion de Gammagard® a été 1,4 fois plus élevé que celui associé à l’infusion de Privigen® et trois fois plus élevé que celui associé à l’infusion de Gamunex®/IGIVnex®.
Principaux constats et évolution temporelle
Produits labiles
- Après une hausse transitoire en 2011, le taux de déclaration de réactions transfusionnelles associé aux produits labiles est revenu à son niveau habituel en 2013 et s’y est maintenu en 2014.
- L’incidence de l’œdème aigu pulmonaire post-transfusionnel a été de 35,6 par 100 000 unités en 2014, affirmant une tendance à la hausse depuis un creux de 20,3 par 100 000 en 2010. Des efforts soutenus doivent être poursuivis pour réduire l’incidence de cette réaction.
- La très faible fréquence de cas d’infection bactérienne au cours des dernières années démontre que les mesures mises en place par Héma-Québec ont contribué à la réduction des risques de transmission d’une infection bactérienne par transfusion. Le nombre annuel moyen de cas a été de 0,4 pour la période 2007-2014. Aucun cas n’a été rapporté en 2014.
- Nonobstant les quatre décès observés au cours des trois dernières années (deux en 2012 et un respectivement en 2013 et 2014), le nombre de décès relié à la transfusion est en forte baisse depuis 2008.
- Le nombre annuel moyen de cas d’incompatibilité ABO a baissé de 5,3 cas pour la période 2000-2008 à 1,7 cas pour la période 2009-2014.
- Le taux de réaction hémolytique immédiate oscille quelque peu en dents de scie, mais la tendance globale est à la baisse; le taux de cette réaction est passé de 8,4 à 1,8 par 100 000 entre 2003 et 2014.
- Aucun cas de TRALI (Transfusion-Related Acute Lung Injury) n’a été déclaré en 2013 ni en 2014. L’incidence cumulée de cas de TRALI et de TRALI possible est demeurée faible (taux oscillant autour de 1,2 de 2009 à 2012 pour diminuer à 0,6 en 2013 et 2014). Près de la moitié (49,2 %) de tous les cas de TRALI déclarés au système d’hémovigilance du Québec entre 2000 à 2014 ont été associés à l’administration de culots alors que 50,8 % ont été associés à l’administration de plaquettes, de plasma et de cryoprécipités. En 2008, Héma-Québec[1] a mis en place une politique concernant l’utilisation exclusive de donneurs masculins et de femmes sans antécédent de grossesse pour la préparation de plaquettes et de plasma destinés à la transfusion. Le taux annuel moyen de TRALI associé à l’administration de plaquettes et plasma est passé de 4,0 par 100 000 durant la période 2000-2007 à 0,8 par 100 000 durant la période 2009-2014, soit une diminution de 78,9 %.
Produits stables
- En raison notamment de la grande quantité d’immunoglobulines intraveineuses utilisées, celles-ci sont en cause dans la majorité des accidents reliés à l’administration de produits sanguins stables. Le taux de déclarations d’accidents transfusionnels (excluant les erreurs de procédure) associés aux IgIV a bondi de 14,5 par 100 000 grammes infusés en 2012 à 21,0 en 2013 (soit une augmentation de 44,8 %). Il demeure élevé à 19,7 en 2014.
- Plus spécifiquement, le taux de réaction d’intolérance aux IgIV est passé de 0,4 par 100 000 en 2010 à 2,8 en 2014, ce qui équivaut à une augmentation de 600 %. Le taux de céphalées secondaires à l’administration d’IgIV a lui crû de 1,0 à 3,1 de 2010 à 2014 (une augmentation de 210,0 % (soit une multiplication par 3,1). Enfin, le taux de réactions hémolytiques (immédiate et retardée) est passé de 0,4 par 100 000 en 2010 à 1,7 en 2014 (une augmentation de 325 %).