6 avril 2009

Fréquence des appels pour intoxications au Centre antipoison du Québec, 1989-2007

Article
Auteur(s)
Germain Lebel
M. A., M. Sc., conseiller scientifique, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie
Fassiatou O. Tairou
Institut national de santé publique du Québec
Lyse Lefebvre
B. Pharm., Pharmacienne, Institut national de santé publique du Québec

Introduction

Le Centre antipoison du Québec (CAPQ) est un organisme provincial qui offre un service de réponse téléphonique, de consultation médicale spécialisée et d’analyses toxicologiques à la population et aux professionnels de la santé, 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Une équipe d’infirmières et de médecins spécialisés en toxicologie dans les situations urgentes d’empoisonnement répond aux questions concernant les événements suivants : empoisonnements aigus, réels ou suspectés; exposition à des produits domestiques ou industriels, à des pesticides, des plantes, des champignons, des drogues ou des animaux venimeux; mauvaise utilisation d’un médicament; accidents de travail impliquant une exposition aiguë à un produit toxique; et enfin, demandes de renseignements concernant un produit toxique. Le CAPQ n’a pas le mandat de répondre aux questions concernant les infections, les électrocutions, les morsures d’animaux non venimeux, les allergies, les animaux empoisonnés et les intoxications chroniques.

L’objectif de cet article est de mettre à jour et de présenter de façon plus détaillée les statistiques des appels pour intoxication au CAPQ publiées en 2006 dans le « Portrait de santé du Québec et de ses régions 2006 »1. Ces données provinciales agrégées seront éventuellement disponibles par région dans le portail de l’Infocentre de santé publique et mises à jour annuellement. En attendant le déploiement de cet indicateur dans le portail, les données agrégées par région sociosanitaire sont disponibles en s’adressant au premier auteur du présent article.

Méthodologie

Définitions

Pour chaque appel reçu au CAPQ, les données sont codifiées sur une fiche préencodée et transférées dans la base de données centrale du CAPQ (TOXIN). Les appels pour intoxication compilés pour le présent article ont été extraits de cette base de données au cours de l’été 2008. Ils excluent les demandes de renseignements, ainsi que les appels provenant de l’extérieur du Québec. Ces données ont été obtenues dans le cadre du Plan commun de surveillance du réseau de santé publique québécois2.

Plusieurs produits peuvent être combinés lors d'un appel pour intoxication au CAPQ. Aux fins d’analyses statistiques et de comparaison avec les données publiées antérieurement, les appels ont été regroupés en cinq catégories de produits :

  • Pesticides : tous les produits soumis à la Loi sur les produits antiparasitaires3 possédant un numéro d’homologation. Les engrais associés à un pesticide sont inclus dans cette catégorie, de même que les désinfectants. Cette définition est différente de celle utilisée par le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP) qui elle, exclut les désinfectants. Il n’a pas été possible d’extraire les appels correspondant à la définition québécoise des pesticides simultanément à ceux concernant les autres catégories de produits;
  • Médicaments : tous les produits soumis à la Loi sur les aliments et drogues4 à l’exclusion des cosmétiques et des aliments qui ne possèdent pas de numéro DIN(a);
  • Produits industriels : tous les produits dont l’usage est industriel ou commercial et qui sont soumis au Système d’information sur les matières dangereuses utilisées au travail (SIMDUT);
  • Produits domestiques : tous les produits destinés aux consommateurs canadiens et qui sont soumis à la Loi sur les produits dangereux5. Les plantes, les champignons, les aliments, les cosmétiques (sauf ceux qui possèdent un numéro DIN), les engrais et les vitamines pour plantes sont inclus dans cette catégorie.
  • Monoxyde de carbone (CO) : gaz fréquemment responsable d’intoxications.

Le type d’exposition est défini comme la circonstance ou le contexte dans lequel une personne a été exposée à un produit donné. Les types d’exposition sont classés de la façon suivante : involontaire, volontaire, toxicomanie, erreur thérapeutique, professionnelle, alimentaire, effet secondaire, autre et inconnue.

La voie d’exposition est définie comme le mode de pénétration du produit dans l’organisme de la personne exposée. Les voies d’exposition utilisées par le CAPQ sont : orale, inhalation, cutanée, oculaire, multiple, autre et inconnue.

Plan d’analyse

Dans un premier temps, les données reçues à l’été 2008 ont été validées à l’aide des statistiques annuelles antérieures du CAPQ. Par la suite, ces données ont été analysées pour les années civiles de 1989 à 2007 à l’aide de tableaux de fréquence simple des principales variables de croisement suivantes : le groupe d’âge et le sexe du sujet, l’année de l’appel, la région de résidence, la catégorie de produits, le type d’exposition et la voie d’exposition. Finalement, nous avons procédé spécifiquement à l’analyse statistique des répartitions selon les catégories de produits.

La comparaison des fréquences régionales des appels pour intoxication au CAPQ a été effectuée en utilisant le taux brut. En effet, dans une grande proportion des appels (19,9 %), l’âge exact des personnes atteintes n’est pas déterminé. Nous avons donc été contraints de ne pas standardiser les taux pour la structure d’âge. Les taux bruts d’appels par région et pour l’ensemble de la province ont été calculés par année, ainsi que par période de cinq ans (1989-1993, 1994-1998, 1999-2003 et 2004-2007). Il se définit comme le rapport du nombre d’appels pour intoxication au CAPQ pendant une période (année ou période de 5 ans) sur la population totale de la région concernée ou de la province de Québec au milieu de la période (exprimé par 100 000 personnes-années). Notons que la dernière période ne comprend que 4 années, les données pour l’année 2008 n’étant pas encore disponibles lors des analyses. Les appels pour intoxication dont les âges sont inconnus ont été inclus dans le calcul du taux provincial pour tous les âges confondus. Enfin, les appels pour intoxication dont la région de résidence de l'individu est inconnue ont aussi été inclus dans le calcul du taux provincial. Les données ont été analysées à l’aide du logiciel SAS, version 9.1.3.

Résultats

Fréquence provinciale des appels pour intoxication

Selon le sexe et le groupe d’âge

De 1989 à 2007, 891 973 appels pour intoxication au CAPQ ont été recensés au Québec. La répartition selon le sexe révèle une distribution équitable des appels entre les femmes (49,3 %) et les hommes (48,4 %); le sexe est inconnu dans 2,3 % des appels. La répartition selon le groupe d’âge révèle que les enfants âgés de 4 ans et moins représentent 42 % des appels pour intoxication au CAPQ (tableau 1). Les appels concernant les enfants(b) et les personnes de moins de 17 ans constituent plus de la moitié de l’ensemble des appels pour intoxication (52,5 %). Finalement, le regroupement des catégories des adultes et des personnes de 18 ans et plus représentent 44,8 % du nombre total d’appels reçus.

Tableau 1. Répartition des appels pour intoxication au CAPQ selon la catégorie de produits et le groupe d’âge

Selon l’année

Sur l’ensemble de la période de 1989 à 2007, le nombre annuel moyen d’appels pour intoxication au CAPQ est de 46 946. On observe une augmentation du nombre total d’appels lors de la première partie de cette période, soit entre 1989 et 1997. Par la suite, ce nombre diminue légèrement pour se stabiliser en 2002 à un peu moins de 50 000 appels par année. Pour tous âges confondus, on observe une augmentation des taux annuels d’appels de 1989 à 1997, suivie d’une diminution de 1998 à 2002. De 2003 à 2007, ces taux sont assez stables. L’augmentation des taux d’appels pour intoxication de 1989 à 1997 est plus prononcée chez les enfants âgés de 4 ans et moins (données non présentées).

Selon la région sociosanitaire, 2004-2007

Malgré l'importance du nombre d’appels provenant de la région de Montréal, cette région enregistre le taux régional d’appel pour intoxication au CAPQ le plus faible au Québec (511,8/100 000 personnes-années). Ce sont les trois régions nordiques du Québec qui présentent les taux les plus élevés (Terres-Cries-de-la-Baie-James 1 088,2/100 000 personnes-an-nées, Nord-du-Québec (1 008,9) et Nunavik (917,7)) (figure 1).

Figure 1. Taux annuels d’appels pour intoxication au CAPQ selon la région sociosanitaire, Québec, 2004-2007

Selon la catégorie de produits

La grande majorité des appels pour intoxication au CAPQ ne comprend qu’un seul produit (86,4 %, 770 761/891 973). Les produits domestiques (46,8 %) et les médicaments (42,5 %) sont les catégories de produits les plus fréquemment rapportées (figure 2, tableau 1).

Figure 2. Répartition des appels pour intoxication au CAPQ selon les catégories de produits, 1989-2007

Selon le type d’exposition et le sexe

L’analyse de la fréquence des appels pour intoxication au CAPQ selon le type d’exposition révèle que la très grande majorité des appels (70,6 %, 629 980/891 973) sont consécutifs à une exposition de type involontaire (tableau 2). Par ailleurs, les appels pour intoxication de type volontaire représentent 15,6 % (n=139 023) des appels et les erreurs thérapeutiques pour 5,5 % (n=48 798). Chez les hommes, les appels pour intoxication, consécutifs à une exposition occupationnelle (6,2 %, 26 630/431 777) sont plus fréquents que chez les femmes (2,3 %, 10 066/440 122). Chez les femmes, les appels pour intoxication de type volontaire (19,2 %, 84 429/440 122) sont plus fréquents que chez les hommes (12,1 %, 52 284/431 777).

Tableau 2. Répartition des appels pour intoxication au CAPQ selon la catégorie de produits et le type d’exposition, 1989-2007

  Pesticides Médicaments Produits domestiques Produits industriels Monoxyde de carbone Total
Type d'exposition n (%) n (%) n (%) n (%) n (%) n (%)

Effet secondaire

51

(0,1)

2 208

(0,6)

434

(0,1)

16

(0,1)

1

(0,0)

2 710

(0,3)

Toxicomanie

149

(0,3)

1 977

(0,5)

5 334

(1,3)

32

(0,1)

4

(0,0)

7 496

(0,8)

Alimentaire

28

(0,1)

196

(0,1)

16 423

(3,9)

35

(0,1)

3

(0,0)

16 685

(1,9)

Professionnelle

4 202

(8,2)

2 516

(0,7)

18 140

(4,3)

9 166

(30,1)

3 213

(23,6)

37 237

(4,2)

Erreur thérapeutique

199

(0,4)

47 288

(12,5)

1 145

(0,3)

148

(0,5)

18

(0,1)

48 798

(5,5)

Volontaire

2 412

(4,7)

119 242

(31,4)

15 425

(3,7)

834

(2,7)

1 110

(8,2)

139 023

(15,6)

Involontaire

44 024

(85,7)

202 129

(53,3)

354 694

(85,0)

20 010

(65,7)

9 123

(67,1)

629 980

(70,6)

Autre et inconnu

319

(0,6)

3 801

(1,0)

5 596

(1,3)

210

(0,7)

118

(0,9)

10 044

(1,1)

Total

51 384

(100,0)

379 357

(100,0)

417 191

(100,0)

30 451

(100,0)

13 590

(100,0)

891 973

(100,0)

Selon la voie d’exposition

La répartition des appels selon la voie d’exposition (tableau 3) montre que les appels consécutifs à une exposition par la voie orale sont les plus fréquents (73,2 %), suivie de la voie respiratoire (10,9 %). Chez les enfants de 4 ans et moins, les appels consécutifs à une exposition par voie orale représentent 89,9 % (336 849/374 756) des appels pour intoxication au CAPQ (données non présentées).

Tableau 3. Répartition des appels pour intoxication au CAPQ selon la catégorie de produits et la voie d’exposition, 1989-2007

Fréquence des appels pour intoxication au CAPQ selon les catégories de produits

On observe que les appels pour intoxication au CAPQ concernant des produits industriels et le monoxyde de carbone (CO) sont plus fréquents chez les hommes, représentant respectivement 63,0 % et 62,3 % des appels. Par ailleurs, les médicaments sont plus fréquemment rapportés dans les appels pour intoxication chez les femmes que chez les hommes (44,0 %) (données non présentées).

La répartition des appels selon la catégorie de produits et le groupe d’âge indique, chez les personnes âgées de 18 ans et plus, une nette prédominance des appels consécutifs à une exposition au monoxyde de carbone et aux produits industriels (tableau 1). Pour les appels consécutifs à une exposition aux pesticides, aux médicaments et aux produits domestiques, ils sont répartis de manière plus équilibrée entre les différents groupes d’âge.

Les taux annuels d’appels pour intoxication consécutifs aux expositions par médicaments et par produits domestiques sont en hausse de 1989 à 1997, diminuent jusqu’en 2002, puis se stabilisent par la suite. Pour les appels associés à une exposition aux pesticides, les taux annuels augmentent de 1989 à 1994, et sont assez stables jusqu’en 1999. On assiste à une diminution importante des taux d'appels pour les pesticides entre 1999 et 2003, qui se stabilisent par la suite. Pour les produits industriels, les taux annuels d’appel pour intoxication au CAPQ augmentent rapidement de 1989 à 1999, puis diminuent légèrement par la suite. Les taux d’appel pour intoxication au CAPQ par le monoxyde de carbone (CO) augmentent de 1989 à 1998 (avec une augmentation prononcée en 1998), puis diminuent par la suite (données non présentées).

L’analyse du nombre d’appels par mois, pour l’ensemble de la période au niveau provincial, révèle des tendances saisonnières différentes selon la catégorie de produits (figure 3). Les appels pour intoxication par le monoxyde de carbone et pour les médicaments sont plus fréquents pendant les mois d’hiver (novembre à mars). À l’inverse, les appels pour intoxication concernant les pesticides et les produits domestiques sont plus élevés pendant la saison estivale (mai à septembre). Aucune tendance saisonnière marquée n’est observée pour les appels pour intoxication au CAPQ reliés aux produits industriels.

Figure 3. Nombre mensuel d’appels pour intoxication au CAPQ selon la catégorie de produits, 1989-2007

La répartition des appels pour intoxication au CAPQ selon le type d’exposition et la catégorie de produits (tableau 2) indique que, pour les expositions aux pesticides et aux produits domestiques, plus de 85,0 % des appels sont consécutifs à une exposition de type involontaire. Pour les médicaments, environ le tiers (31,4 %) des appels est associé à une exposition de type volontaire. En ce qui concerne les expositions de type professionnel, les appels les plus fréquemment rapportés sont consécutifs à une exposition aux produits industriels (30,1 %), au monoxyde de carbone (23,6 %) et aux pesticides (8,2 %) (tableau 2).

La répartition des appels selon la voie d’exposition et la catégorie de produits est présentée au tableau 3. La proportion des appels pour intoxication consécutifs à une exposition aux médicaments (93,3 %), aux pesticides (51,8 %) et aux produits domestiques (63,3 %) surviennent à la suite d’une exposition par voie orale. En ce qui concerne les appels pour intoxication par le monoxyde de carbone, ils sont très majoritairement (96,3 %) consécutifs à une exposition par inhalation ou mixte. Les appels pour intoxication par produits industriels (31,8 %) résultent le plus souvent d’une exposition par voie respiratoire.

Discussion

Les appels pour intoxication au CAPQ sont fréquents. En effet, on dénombre au total près d’un million d’appels pour intoxication entre 1989 et 2007. Le taux d’appel pour intoxication est de l’ordre de 634,9/100 000 en 2007, ce qui se rapproche du taux d’appel enregistré aux États-Unis (810/100 000)6. L’interprétation de ces données doit être effectuée avec circonspection. Les appels au CAPQ sont par définition des intoxications suspectées. Les informations relatives aux appels des citoyens ou des professionnels de la santé ne peuvent pas être vérifiées. Pour une bonne proportion des appels, l'âge exact n'est pas connu, l'infirmière n'indiquant alors que la catégorie d'âge. De ce fait, il n’est pas possible d’ajuster les taux des régions pour la structure d’âge et de procéder à des comparaisons régionales des taux d’appels ajustés pour la structure d’âge. Pour toutes les raisons énoncées ci-dessus, les appels au CAPQ ne peuvent être utilisés pour établir la prévalence ou l’incidence des intoxications.

La répartition régionale des taux bruts d’appels pour intoxication au CAPQ, pendant la période de 2004 à 2007, révèle que les régions de Montréal et de Laval présentent des taux plus bas que celui de la province. Bien que cette situation demeure difficile à interpréter pour le moment, il est probable que la présence de ressources médicales spécialisées dans la région métropolitaine de Montréal explique ces plus faibles taux. Par ailleurs, les trois régions nordiques que sont les Terres-Cries-de-la-Baie-James, le Nord-du-Québec et le Nunavik présentent les taux les plus élevés au Québec. Cette répartition est similaire à celle documentée dans le Portrait de santé 20061. Considérant l'imprécision des données concernant l'âge des individus potentiellement intoxiqués et l'impossibilité d'ajuster les taux des régions pour l'âge, nous suggérons aux directions régionales de santé publique de stratifier les données par groupes d'âge pour les comparaisons régionales.

La base de données TOXIN du CAPQ couvre une période de 19 ans. Les données qui en sont issues constituent une bonne indication des expositions individuelles de la population québécoise. Il s’agit d’une source d’information d’intérêt pour les intervenants de santé publique, même si la prudence est de mise pour l’interprétation des données. La qualité des données dans TOXIN s’est améliorée au fil du temps à la suite de l’instauration de procédure de validation. Par exemple, la proportion de répondants pour laquelle il a été impossible de déterminer l'âge est passée de 14,8 % en 1989 à 0,5 % en 2007. La proportion de données manquantes pour l’âge est maintenant du même ordre de grandeur que pour les appels de 2007 rapportés par les 61 centres antipoison des États-Unis6. Les mêmes constats sont effectués en ce qui concerne l’identification du sexe ou de la région de résidence des personnes touchées par les intoxications. Ainsi, la proportion de régions inconnues passe de 29,9 % en 1989 à 2,8 % en 2007. Dans près de 3,3 % des appels reçus en 1989, le sexe n’était pas précisé; cette même proportion diminue à 0,2 % en 2007.

On observe une augmentation des appels pour intoxication au CAPQ de 1989 à 1997, suivie d’une diminution jusqu’en 2002. Par la suite, de 2003 à 2007, les taux d’appel pour intoxication au CAPQ sont stables. L’augmentation observée jusqu’en 1997 pourrait être attribuable aux multiples activités de promotion du CAPQ. À partir de 1998, ces activités ont diminué de manière significative, compte tenu de contraintes administratives et de la pénurie d’infirmières. L’évolution temporelle des taux d’appels pour intoxication doit aussi être analysée selon la catégorie de produits. Ainsi, l’année 1998 est marquée par le plus grand nombre d’appels d’intoxication par le monoxyde de carbone. Cette situation est vraisemblablement attribuable à la crise du verglas de 1998 et la perte d’électricité qui a surtout affecté les régions de Montréal et de la Montérégie. Cette panne de courant, qui a duré plusieurs jours d'hiver, a conduit certains résidants à utiliser des équipements inadéquats de chauffage d’appoint, souvent dans des conditions inappropriées, entraînant ainsi un nombre anormalement élevé d’intoxications au monoxyde de carbone, mesurées par les consultations aux salles d’urgence des hôpitaux de Montréal7. Il est intéressant de constater que la distribution des appels pour intoxication au CAPQ au CO reflète la survenue de cet évènement, indiquant de ce fait la qualité de la base de données TOXIN. De plus, une importante campagne de sensibilisation du grand public sur les risques reliés au CO a été entreprise de 1998 à 2002. Bien que la portée de cette campagne n’ait pas été évaluée, il est possible qu’elle ait eu un certain impact.

Par ailleurs, on assiste de 1999 à 2003 à une diminution importante du nombre d’appels pour intoxication au CAPQ consécutifs à l’utilisation de pesticides. Cette diminution pourrait être attribuable aux campagnes de sensibilisation sur les effets des pesticides sur la santé menées à partir de 1999, ainsi qu’à la diminution de l’utilisation des pesticides à des fins domestiques. Les interdictions de vente des pesticides pour les usages domestiques instaurées progressivement entre 2004 et 2006 devraient entraîner une autre diminution des appels associés aux pesticides au cours des années à venir. Rappelons que, dans la présente analyse, la définition des pesticides inclut les antiseptiques et les désinfectants (ex. le chlore et l’eau de javel)8 et que cette définition ne correspond pas à la définition québécoise des pesticides.

Au regard de la répartition mensuelle, un nombre important d’appels pour intoxication au CAPQ est observé en période estivale (mai à septembre) pour les produits domestiques et les pesticides. L’utilisation intensive d’insecticides et d’herbicides pour l’agriculture, les potagers et l’entretien des pelouses, associée à l’utilisation des produits de désinfection pour les piscines pendant cette période de l’année, pourraient expliquer cette hausse estivale des appels pour intoxication aux pesticides. Par ailleurs, il est plausible d’observer une augmentation des appels pour intoxication consécutifs à une exposition au monoxyde de carbone (CO) d’octobre à janvier, étant donné que ce type d’intoxication survient généralement dans les endroits clos et mal ventilés, situation généralement observée pendant la saison froide.

Conclusion

Un nombre important d’appels pour intoxication au CAPQ est enregistrés chaque année. Ces données sont importantes à considérer en santé publique, notamment dans les domaines de la santé environnementale et de la santé au travail. Ces données peuvent être analysées sous plusieurs aspects. Cet article ne présente que quelques-uns des multiples angles d'analyse possibles. Des analyses détaillées pourraient être éventuellement effectuées par région (ex. répartitions selon les catégories de produits, le type d’exposition, la voie d’exposition, le groupe d’âge, l’année et le mois) afin de mieux caractériser les circonstances d’exposition. Compte tenu de la fréquence élevée des appels chez les 4 ans et moins et du caractère involontaire de ces intoxications, nous suggérons aux directions régionales de santé publique de porter une attention particulière à ce groupe d’âge. Ces données permettent d’orienter et de planifier des activités de promotion et des mesures de protection afin de minimiser la fréquence de ces expositions. En effet, la majorité de ces appels pour intoxication sont évitables, et dans plusieurs cas, des mesures de protection sont disponibles. Nous proposons aussi de poursuivre la surveillance et l’analyse périodique de ces données et de les intégrer au portail de l’Infocentre de santé publique afin d’en faciliter leur diffusion.

Références

  1. Institut national de santé publique du Québec en collaboration avec le Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec et de l’Institut de la Statistique du Québec, 2006. Portrait de santé du Québec et de ses régions 2006 : les statistiques- Deuxième rapport national sur l’état de santé de la population, gouvernement du Québec
  2. Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (Direction générale de la santé publique), 2005. Plan commun de surveillance de l’état de santé de la population et de ses déterminants 2004-2007 Québec, 599 p.
  3. Ministère de la Justice du Canada, 1985. Loi sur les produits antiparasitaires (L.R., 1985, ch. P-9).
  4. Ministère de la Justice du Canada, 1985. Loi sur les aliments et drogues (L.R., 1985, ch. F-27).
  5. Ministère de la Justice du Canada, 1985. Loi sur les produits dangereux (L.R., 1985, ch. H-3).
  6. Bronstein A.C., Spyker D.A., Cantilena JR, L. R., Green J.L., Rumack B.H., Heard S.E., 2008. 2007 Annual Report of the American Association of Poison Control Centers, National Poison Data system (NPDS): 25th Annual Report, Clinical Toxicoloy, Vol. 46, No. 10, pp. 927-1057.
  7. Provencher, S., 1999. Intoxications au monoxyde de carbone reliées au verglas de janvier 1998, Région de Montréal-Centre, Direction de la santé publique de la région de Montréal-Centre.
  8. Lefebvre, L., 2006. Les intoxications au Québec en 2005, Bulletin d’Information Toxicologique, Vol. 22, No. 2, pp. 1-7.

(a) DIN (Drug Identification Number) : Le numéro d’identification d’un médicament est le numéro inscrit sur l’étiquette du médicament de prescription ou en vente libre qui a été évalué par la Direction des produits thérapeutiques (DPT) de Santé Canada et homologué pour la vente au Canada.

(b) La catégorie « enfants » correspond à un appel lors duquel l'âge précis de celui-ci n'est pas rapporté (1,2 %).

Remerciements : Les auteurs remercient les responsables du Centre antipoison du Québec (CAPQ) pour leur avoir fourni les données relatives aux appels reçus ainsi que pour la révision du présent article.