Surveillance

Les hydrocarbures aromatiques polycycliques, de la recherche à la prévention

Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) comptent parmi les substances les plus étudiées dans la littérature scientifique. Une recherche avec « polycyclic aromatic hydrocarbon » dans la base de données Pubmed donne environ 12 000 références entre les années 1960 et 2008. Le benzo(a)pyrène (BaP) lui-même génère plus de 10 000 notices bibliographiques. Dans la base TOXNET, les nombres correspondants sont de près de 20 000 et de plus de 26 000. Tout n’a-t-il donc pas déjà été dit ou écrit sur ces polluants ubiquistes? Il semble bien que non. Ce n’est d’ailleurs qu’à la fin de 2005 que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a revu la classification du BaP de 2A à 1 notamment sur la base d’informations récentes sur les mécanismes d’action (International Agency for Research on Cancer, 2008).

Les outils d’analyse chimique permettent maintenant de mesurer des concentrations d'HAP de moins de 1 ng/m3 dans l’air et des concentrations de leurs métabolites urinaires inférieures au ng/L (Simon et al., 2000; Wauters et al., 2008). Les techniques d’étude in vivo et in vitro des mécanismes d’action ont fait des bonds prodigieux notamment avec le développement de la biologie moléculaire, des approches de génomique, de protéomique et de métabonomique. Ces avancées sont en train de redéfinir nos paradigmes toxicologiques (Committee on Toxicity Testing and Assessment of Environmental Agents - National Research Council, 2007).Les approches épidémiologiques se sont raffinées notamment avec la contribution des méta-analyses (Weed, 2002).

Méthodes d’évaluation de l’exposition aux hydrocarbures polycycliques (HAP) et étude des mélanges

Les hydrocarbures aromatiques polycycliques sont une famille de composés dont le potentiel cancérogène est reconnu depuis de nombreuses années. Ainsi de nombreux HAP particulaires, avec comme chef de file le benzo(a)pyrène (BaP), sont classés parmi les substances cancérogènes par l’Union européenne ou le Centre International de Recherche sur le Cancer (Straif et al., 2005). Alors que des preuves définitives et robustes, notamment pour les cancers du poumon et de la vessie, ont été publiées pour certains secteurs industriels (cokerie, aluminium, fonderies de fer et d’acier, bitumes) (Bosetti et al., 2007), très peu de maladies professionnelles pour ces types de cancer sont déclarées chaque année en France. Cette importante sous-déclaration est due au manque de spécificité, aux nombreux facteurs étiologiques (tabac), à la survenue tardive de ces types de cancer, à la méconnaissance des pathologies professionnelles par les médecins, mais surtout au manque de connaissances des expositions professionnelles.

Afin de prévenir la survenue de pathologies cancéreuses dans les 20 à 40 prochaines années, il est nécessaire d’évaluer les risques sanitaires des populations exposées actuellement, de définir des groupes de sujets à risques et de mettre en place au sein de ces groupes des mesures de prévention adaptées (substitution si possible, diminution des niveaux d’exposition). Cette évaluation des risques sanitaires (ERS) repose pour une large part sur l’estimation des expositions individuelles, ce qui souligne toute l’importance de la traçabilité de l’exposition rappelée récemment en France par plusieurs réglementations (ERS et CMR, Cancérogènes, Mutagènes et Reprotoxiques en 2001), plans (Santé-Environnement 2004 et 2008, Santé-Travail 2005) et organismes nationaux (AFSSET, IGAS 2008).

Incidence du mésothéliome de la plèvre au Québec (1982-2002)

Le mésothéliome de la plèvre est une forme rare de cancer. La survie médiane des personnes atteintes est de 9 à 13 mois à partir de la date du diagnostic. L’exposition professionnelle à l’amiante est le principal facteur de risque de ce cancer. En effet, il est possible de documenter une exposition professionnelle antérieure à cette substance chez 70 % à 90 % des individus atteints. Les autres facteurs de risque connus du mésothéliome de la plèvre sont l’exposition à un autre type de fibre, la zéolite (ou érionite) chez des populations vivant à proximité des gisements de surface (fibre n’étant pas présente à l’état naturel au Québec) ainsi que l’exposition aux radiations ionisantes et à la radiothérapie.

Lorsqu’elles sont inhalées, les fibres d’amiante peuvent causer les trois principales maladies suivantes : l’amiantose, le mésothéliome et le cancer pulmonaire. Ces trois maladies apparaissent en général après une période de latence qui varie de 20 à 40 ans. Rappelons que le mésothéliome est un cancer qui peut affecter l’enveloppe des poumons (la plèvre), de la cavité abdominale (le péritoine) ou encore celle du cœur (le péricarde). Tous les types d’amiante ont été associés à ces trois maladies, mais il ressort de la littérature scientifique que le risque de développer un mésothéliome de la plèvre est plus élevé chez les travailleurs qui ont été exposés à des amphiboles que chez ceux ayant été exposés au chrysotile. L’incidence du mésothéliome de la plèvre est notamment fonction du temps écoulé depuis la première exposition à l’amiante, lequel doit être élevé à la puissance trois ou quatre.

Le présent article est issu d’une étude qui s’inscrit dans la suite des travaux du Programme de développement de la surveillance et des connaissances en lien avec la Politique d’utilisation accrue et sécuritaire de l’amiante chrysotile au Québec initié par le gouvernement du Québec. Dans cet article nous faisons état : 1) de l’incidence du mésothéliome de la plèvre au Québec pour les années 1982 à 2002; 2) de l’incidence régionale du mésothéliome de la plèvre selon l’âge et le sexe; 3) des tendances annuelles provinciales de l’incidence du mésothéliome de la plèvre, selon le sexe. Le lecteur intéressé par l’ensemble des résultats sur l’incidence et la mortalité pour les cancers de la plèvre et du péritoine, du mésothéliome du péritoine et de l’amiantose, incluant les comparaisons internationales, est invité à consulter le rapport intégral de l’étude.