Veille scientifique en santé des Autochtones, janvier 2025
Dans ce numéro :
- Publications récentes
- Résumés d’articles par thématiques
- Sécurisation culturelle
- Inégalités et déterminants sociaux de la santé
- Savoirs traditionnels
- Guérir grâce aux traditions : le rôle du soutien des Aînés dans la santé mentale des enfants et des adolescents autochtones au Canada
- Accoucher à la maison : perspectives de prestataires de services et de la communauté pour un mieux-être périnatal et une continuité de l’accouchement chez les Inuit au Nunavik
Publications récentes
Nouvelles publications scientifiques répertoriées
Chapola, J., Datta, R., Waucaush‐Warn, J. et Subroto, S. (2024). Climate change and its impact on the mental health well‐being of Indigenous women in Western cities, Canada. Journal of Community & Applied Social Psychology, 34(3), e2807.
Datta, P., Datta, R., Lewis, K. et Hurlbert, M. (2024). Youth response to climate change: Learning from Indigenous land-based camp at the Northern Saskatchewan Indigenous Communities, Canada. EXPLORE, 20(5), 102985.
Hatala, A. R., Morton, D., Deschenes, C. et Bird-Naytowhow, K. (2024). Access to land and nature as health determinants: a qualitative analysis exploring meaningful human-nature relationships among Indigenous youth in central Canada. BMC Public Health, 24(1), 2540.
Kolahdooz, F., Zakkar, M., Jang, S. L., Deck, S., Wagg, A., Corriveau, A., Kandola, K., Irlbacher-Fox, S. et Sharma, S. (2024). Indigenous Mothers’ Perspective on Sexual Health in Northwest Territories, Canada: Results from the Maternal and Infant Health Project. Journal of Community Health.
Kuijper, L. E. N., Lacroix, E., Singh, G., Champagne, M., Beardy, B., Dubois, R., Wood, L., Harper, M. J., Muench, K., Kisselgoff, M., Mann, K., Waugh, A., Thériault, C., Tait, M., Bombak, A. et Riediger, N. D. (2024). Experiences and perspectives of sugar-sweetened beverage consumption among Indigenous adults living in Manitoba. Appetite, 202, 107637.
McConkey, S., Iannace, J., Snyder, M., Bourgeois, C. et Smylie, J. (2024). Measuring Indigenous homelessness: Findings from Our Health Counts Toronto. Canadian Journal of Public Health, 115(Suppl 2), 227-238.
Ng, R. D., Zhu, J., Kovesi, T., Ing, A., Fusco, M. N., Odele, V., Mallach, G., Kulka, R., Barwin, L. et Chan, H. M. (2024). A participatory study of indoor environment quality in homes of children and youth in Kanehsatake First Nation. Scientific Reports, 14(1), 26022.
Owais, S., Ospina, M. B., Ford, C. D., Hill, T., Lai, J., Krzeczkowski, J., Burack, J. A. et Van Lieshout, R. J. (2024). Determinants of socioemotional and behavioral well‐being among First Nations children living off‐reserve in Canada: A cross‐sectional study. Child Development, 95(6), 1879-1893.
Snyder, M., McConkey, S., Brar, R., Anilniliak, J., Bourgeois, C., Dokis, B., Hardy, M., Joseph, S., Kilabuk, A., Mattina, J. A., McKnight, C. et Smylie, J. (2024). Unmasking population undercounts, health inequities, and health service access barriers across Indigenous populations in urban Ontario. Canadian Journal of Public Health, 115(Suppl 2), 209-216.
Zambrano-Alvarado, J. I. et Uyaguari-Diaz, M. I. (2024). Insights into water insecurity in Indigenous communities in Canada: assessing microbial risks and innovative solutions, a multifaceted review. PeerJ, 12, e18277.
Nouvelle publication de l’INSPQ
Bergeron, A. et Lefebvre, J. (2024). Déterminants de l’alimentation des Premières Nations et des Inuit au Québec. Institut national de santé publique du Québec.
Résumés d’articles par thématiques
Sécurisation culturelle
Le racisme anti-autochtone dans les soins de santé au Canada : une étude de la portée
Cooke, M. et Shields, T. (2024). Anti-Indigenous racism in Canadian healthcare: a scoping review of the literature. International Journal for Quality in Health Care, 36(3), mzae089.
Contexte
La discrimination et le racisme vécus par les Autochtones dans les soins de santé sont liés à des soins de moindre qualité et à des effets néfastes sur la santé. La littérature disponible sur les diverses dimensions du racisme anti-autochtone dans les soins de santé au Canada est inconnue, et ce, malgré une littérature abondante sur le racisme dans d’autres contextes.
Objectifs
1) Identifier les types de racisme anti-autochtone vécus dans les soins de santé (lieux géographiques, effets sur les sous-populations, contextes cliniques).
2) Déterminer les intersections sociales (sexe/genre, âge, statut socioéconomique, handicap, etc.) pouvant influencer les expériences de racisme.
3) Rapporter les données sur la prévalence du racisme anti-autochtone et ses effets sur la santé.
Méthodologie
Une recherche documentaire de la littérature scientifique et grise, en anglais et en français entre 2000 et avril 2024 a été menée dans plusieurs bases de données biomédicales et d’études autochtones. Les concepts utilisés sont : Autochtones; Canada; utilisation des soins de santé; et expériences du racisme. La sélection des articles s’est faite à l’aide du logiciel Covidence et l’analyse thématique des données à l’aide de NVivo V14.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
Le corpus comprend un total de 66 articles scientifiques et de 9 rapports de littérature grise. La majorité des devis était qualitatif, soit huit études qualitatives et onze devis mixtes. Les données proviennent en majorité de patients, mais vingt-sept études ont rapporté les perspectives de prestataires de soins. La majorité concerne les milieux urbains, les membres des Premières Nations, et les provinces de l’Ouest, notamment la Colombie-Britannique.
La plupart des expériences rapportées étaient du racisme « invisible » : c’est-à-dire que les patients se sentaient :
- Moins bien traités que les patients non-autochtones;
- Ignorés, traités différemment ou moins rapidement;
- Peu ou pas écoutés et crus par les cliniciens, notamment concernant la douleur.
Dans quarante études, les participants disent avoir entendu des stéréotypes sur les patients autochtones de la part des prestataires de soins, notamment :
- Les suppositions à tort que les patients avaient consommé de l’alcool ou des drogues;
- Les suppositions que les patients étaient potentiellement violents;
- Qu’ils sont des patients difficiles, peu éduqués sur la santé ou réticents aux traitements;
- Qu’ils « profitent du système », et qu’ils sont là que pour obtenir de la médication;
Qu’ils sont scrutés comme parent, entrainant des craintes qu’une consultation médicale mène au retrait de leurs enfants par les services de protection de la jeunesse.
Aucune incidence d’injures racistes n’a été rapportée de la part du personnel autre que des commentaires du type « les gens de votre espèce » ou « vous autres ». D’ailleurs, il apparaît difficile de cerner les expériences de racisme dit invisible; par exemple, une personne ne peut être certaine qu’un long temps d’attente est attribuable au racisme.
Des patients ont dit avoir vécu des refus d’inclure la médecine ou les cérémonies autochtones liées à la santé lorsqu’ils ont voulu s’en prévaloir.
En termes d’intersections sociales, le genre fait que les femmes et les filles courent un plus grand risque, notamment en contexte périnatal : elles seraient considérées comme de mauvaises mères, sexuellement permissives ou passives. Le statut socioéconomique défavorisé serait aussi lié à un plus grand risque de discrimination dans les soins.
Dix études mixtes incluent des mesures de prévalence du racisme. Toutefois, elles n’utilisent pas les mêmes instruments de mesure, ces données ne permettent donc pas de tirer des estimations de l’incidence dans une population. Les études qualitatives ne permettent pas d’association entre le racisme et les résultats de santé ou l’incidence de maladie. Cela dit, plusieurs études (23) ont rapporté une réticence des patients autochtones à aller consulter. Parmi les perceptions des patients des impacts du racisme sur leur santé, les auteurs rapportent : des complications d’une condition existante, des erreurs de diagnostic, des douleurs dues à une mauvaise prise en charge ou un traitement trop brutal et même des décès.
Les auteurs concluent que d’avoir subi du racisme dans les soins de santé ou de connaitre des Autochtones qui en ont subi peut entraver l’accès aux soins, car les personnes finissent par s’attendre à en vivre en consultant. Les auteurs qualifient la situation comme une forme de violence structurelle, peu importe si les prestataires de soins font ouvertement preuve de croyances racistes ou non.
Limites
La littérature qualitative recensée ne différencie pas les expériences du racisme en fonction de l’appartenance aux Premières Nations, Inuit ou Métis, contrairement à la littérature quantitative. En outre, certains articles peuvent ne pas avoir été repérés par la stratégie de recherche documentaire. L’interprétation des résultats est sujette aux biais personnels de l’auteur. La présence de deux réviseurs peut atténuer ce biais, mais le codage a été réalisé par une seule personne.
Inégalités et déterminants sociaux de la santé
« Ils en parlent comme d’une crise des surdoses, alors qu’il s’agit carrément d’un génocide » : les expériences des personnes autochtones qui consomment des drogues illicites dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver
Lavalley, J., Steinhauer, L., Bundy, D. B., Kerr, T. et McNeil, R. (2024). “They talk about it like it's an overdose crisis when in fact it's basically genocide” : The experiences of Indigenous peoples who use illicit drugs in Vancouver's Downtown Eastside neighbourhood. International Journal of Drug Policy, 134, 104631.
Contexte
Au Canada, un apport en drogues de plus en plus toxiques est à l’origine d’une crise de surdoses sans précédent affectant les Autochtones de manière disproportionnée. Avec la pandémie de COVID-19, les taux de mortalité par surdose chez les Autochtones de la Colombie-Britannique ont augmenté de 93 % entre janvier et mai 2020. En 2023, le taux de mortalité des membres des Premières Nations était six fois supérieur au reste de la population. Ce taux élevé de surdoses est alimenté par les inégalités sociales et de santé vécues par les peuples autochtones résultant du colonialisme, du racisme et des traumatismes intergénérationnels.
Objectif
Examiner les expériences et les perspectives des Autochtones qui consomment des drogues illicites dans le Downtown Eastside de Vancouver concernant la crise des surdoses et l’adéquation des services de réduction des méfaits dans le cadre des pratiques colonialistes au Canada. Ce cadre permet de comprendre les structures qui perpétuent les inégalités sociales de santé.
Méthodologie
Réalisé à Vancouver, ce projet de recherche communautaire et participatif est une collaboration entre des chercheurs et une organisation de réduction des méfaits dirigée par des Autochtones du quartier Downtown Eastside. Le recrutement et les entrevues qualitatives ont été effectués par des pairs chercheurs autochtones. En tout, 16 participants autochtones qui consomment des drogues illicites ont pris part à l’étude. Des méthodologies autochtones ont été intégrées dans la conception de l’étude. Un guide d’entrevue basé sur le récit de vie a été utilisé. Les transcriptions des entrevues ont été analysées thématiquement.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
- La crise des surdoses est perçue comme une forme de génocide envers les peuples autochtones.
Les participants perçoivent la crise des surdoses comme de la négligence intentionnelle et une oppression systémique visant à faciliter l’embourgeoisement du quartier par l’évincement des Autochtones qui consomment des drogues illicites. Ils conçoivent la crise des surdoses comme un génocide, soulignant leur conviction qu’elle a été fabriquée afin de les éliminer. Ils présentent ainsi la crise comme un complot ciblant les pauvres, et que dans le quartier Downtown Eastside les gens « tombent comme des mouches » en raison des surdoses et de la violence touchant de manière disproportionnée les Autochtones.
- La crise des surdoses est liée à un climat de méfiance et de relations conflictuelles avec les forces policières.
Les participants décrivent avoir des interactions négatives avec la police, lesquelles renforcent l’idée selon laquelle les policiers se livrent délibérément à l’intimidation et à la négligence lorsque les consommateurs de drogues sont en détresse. Ces interactions étaient également mises en relation avec l’embourgeoisement, en raison de la surveillance disproportionnée des autorités de la consommation de drogues à l’extérieur, du démantèlement des campements d’itinérants et de la destruction de leurs biens matériels par les policiers. Les participants indiquent tenter de limiter leur probabilité d’affrontement avec la police en modifiant leurs pratiques de consommation de drogues, ce qui réduirait la capacité de s’injecter en toute sécurité et augmenterait par le fait même le risque de surdose.
- Des soins culturellement sécurisants axés sur la réduction des méfaits sont souhaités.
Les participants ont souligné la nécessité d’offrir des services de réduction des méfaits culturellement sécurisants, incluant des pratiques culturelles et traditionnelles. Leur vision d’un tel service met de l’avant du personnel autochtone. Ils souhaiteraient également recevoir d’autres options de traitement que celles basées sur l’abstinence, cette approche étant perçue comme coloniale et ne fonctionne pas pour tout le monde.
Limites
Premièrement, l’étude s’est concentrée sur les Autochtones qui consomment des drogues illicites et qui vivent dans le quartier Downtown Eastside et, par conséquent, les résultats ne peuvent pas être transférables à d’autres populations autochtones ou à d’autres contextes. Deuxièmement, cette étude n’a pas tenu compte des expériences uniques des femmes, et des personnes trans et bispirituelles autochtones. Enfin, la collecte de données a été interrompue en mars 2020 et n’évalue donc pas les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les Autochtones qui consomment des drogues illicites.
Savoirs traditionnels
Guérir grâce aux traditions : le rôle du soutien des Aînés dans la santé mentale des enfants et des adolescents autochtones au Canada
Doucette, M., Bove, C. A. et Hill, S. (2024). Healing through tradition: the role of Indigenous Elder support in child and youth mental health in Canada. AlterNative: An International Journal of Indigenous Peoples, 20(4).
Contexte
La transmission intergénérationnelle des connaissances, des savoirs et des traditions des Aînés aux jeunes est centrale au mieux-être des peuples autochtones. Toutefois, les pratiques coloniales et assimilatrices ont perturbé ce processus, notamment par le biais du système des pensionnats autochtones et de la rafle des années 60. De nombreuses communautés autochtones soulèvent l’importance d’une approche holistique de la santé mentale des jeunes tenant compte des besoins individuels, culturels et familiaux. Les Aînés jouent un rôle essentiel dans les communautés autochtones en tant que gardiens du savoir et guides spirituels. L’intégration des valeurs et traditions autochtones dans les services de santé mentale grâce à la participation des Aînés pourrait constituer une étape importante vers la prestation de services plus sécurisants pour les jeunes autochtones.
Objectif
Analyser de manière critique la littérature scientifique et grise portant sur le mieux-être mental des enfants et des adolescents autochtones du Canada pour comprendre le rôle des connaissances et des pratiques des Aînés dans l’amélioration des services.
Méthodologie
En mars 2023, sept bases de données ont été scrutées pour recenser des études canadiennes sur la santé mentale des enfants et des adolescents autochtones. Les études devaient avoir été menées par des universitaires autochtones ou en collaboration avec des communautés autochtones. Les résultats extraits ont été partagés et ont mené à des discussions avec l’une des autrices, une Aînée. Une analyse thématique des données des 22 études incluses extraites a été effectuée.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
- Les Aînés sont des gardiens du savoir qui partagent leur sagesse.
Les études mettent en évidence le désir des enfants et des adolescents autochtones d’établir de meilleurs liens avec leurs Aînés. Ces derniers leur transmettent des connaissances et des conseils, mais pas nécessairement de façon directe ou explicite. Ils utilisent des histoires colorées qui aident les enfants et les adolescents à mieux se connaître et les guident dans l’expérimentation du monde réel.
- Le besoin d’enseignements culturels et de guérison par le territoire dirigés par des Aînés.
La littérature souligne l’importance des Aînés dans la promotion de la résilience et de la fierté culturelle grâce à leur rôle dans l’apprentissage de la langue, des coutumes et des savoirs traditionnels. Ces traditions varient dans chaque communauté autochtone, mais peuvent inclure des cérémonies du calumet, des huttes de sudation, et des activités de fabrication de tambours et de tressage de paniers. De plus, les cultures autochtones sont profondément enracinées dans le territoire, et les Aînés œuvrent à renforcer les liens des enfants et des adolescents avec celui-ci.
- L’importance des relations pour accroître le mieux-être mental des jeunes.
Les Aînés sont décrits comme incarnant l’amour, l’acceptation et la patience. La création de relations authentiques avec les Aînés encourage les enfants et les adolescents à participer à davantage d’activités culturelles et à croire qu’ils méritent d’être aimés et respectés. Ces relations sont associées à un sentiment de croissance personnelle et le développement d’une identité autochtone.
- Les obstacles à la participation des Aînés au mieux-être mental des jeunes.
Les difficultés de financement pour les programmes de guérison basés sur le territoire dirigés par les Aînés ressortent comme un obstacle majeur. Un second obstacle signalé est la difficulté d’être reconnus au sein des institutions de santé; certains Aînés peuvent s’y sentir mal à l’aise ou qu’on leur manque de respect. Un autre obstacle est lié au fait que les approches autochtones en matière de mieux-être mental sont holistiques, et qu’elles s’intègrent difficilement au système de services de santé mentale, plus centré sur l’individu. Un dernier obstacle est la forte demande pour que des Aînés participent à divers événements communautaires, limitant alors leur disponibilité pour s’impliquer dans des services de santé mentale.
Limites
Bien que les auteurs aient effectué une recherche documentaire approfondie, il est possible que certaines études pertinentes aient été omises. De plus, ces résultats peuvent ne pas être pertinents pour toutes les communautés autochtones, car elles sont toutes distinctes et uniques, avec des conceptions propres de la santé mentale, du mieux-être et du rôle des Aînés.
Accoucher à la maison : perspectives de prestataires de services et de la communauté pour un mieux-être périnatal et une continuité de l’accouchement chez les Inuit au Nunavik
Silver, H., Padlayat, E., Saviakjuk, P., Sarmiento, I., Budgell, R., Cockcroft, A., Vang, Z. M. et Andersson, N. (2024). Keeping birth at home: Community and service provider visions for perinatal wellness and continued Inuit childbirth in Nunavik. Women and Birth, 37(6), 101839.
Contexte
Au Nunavik, les services de sage-femme ont contribué à ce qu’un plus grand nombre de naissances se déroule dans les communautés, apportant des bénéfices culturels, sociaux et sanitaires. Cependant, la croissance rapide de la population inuit pourrait dépasser les capacités locales. Déjà depuis les années 1970, des femmes enceintes sont transférées à plusieurs milliers de kilomètres de leur demeure pour accoucher dans des centres urbains du sud de la province. Des solutions locales pour conserver les accouchements dans les communautés sont réclamées.
Objectifs
Explorer les perspectives des membres de la communauté et des prestataires de services concernant : 1) les facteurs favorisant de bonnes conditions d’accouchement au Nunavik, 2) le mieux-être périnatal des mères et de leur famille et 3) les stratégies pour maintenir les accouchements dans les communautés.
Méthodologie
Cette recherche participative met de l’avant l’utilisation de cartes cognitives floues (fuzzy cognitive mapping), une méthode de représentation visuelle des causes et des conséquences reliées par des flèches. Entre 2021 et 2023, deux partenaires de recherche inuit ont animé des sessions de cartographie concernant les trois thématiques de l’objectif de recherche. Les participants étaient invités à partager leurs perspectives sur celles-ci et les animateurs dessinaient les cartes. Ces dernières ont été synthétisées de manière inductive. La force des associations décrites par les participants était calculée en fonction du nombre de fois qu’un thème était mentionné, par rapport à l’ensemble des thèmes abordés.
Qu’est-ce qu’on y apprend?
Un total de 54 cartes a été créé par 72 participants soit 23 femmes, 16 hommes, 16 prestataires de services périnataux (par exemple des infirmières et des sages-femmes) et 17 jeunes de 14 à 17 ans.
Concernant les perspectives sur les accouchements dans de bonnes conditions au Nunavik, toutes cartes confondues, ce sont les installations et les services médicaux bien équipés qui exerceraient la plus forte influence. Les participants ont souligné un besoin important de nouvelles installations médicales dans la région, particulièrement des hôpitaux où des chirurgies peuvent être réalisées. Le second facteur avec la plus grande influence est la présence de services locaux de sages-femmes, gérés par des Inuit. Les participants ont dénoté de nombreux bénéfices au niveau individuel, familial et communautaire. Par exemple, au niveau familial, les participants ont mis de l’avant une plus grande présence de la famille pendant la grossesse et l’accouchement et une diminution du fardeau financier lié à l’évacuation vers les centres urbains.
Les perspectives des jeunes sur le mieux-être périnatal des mères et de leur famille ont aussi été recueillies. Le facteur avec la plus grande influence était celui regroupé sous le thème du soutien offert aux mères. Par exemple, sous ce thème, on y retrouve des éléments comme appuyer les femmes dans les tâches domestiques, le soutien social et une attention particulière à ce que les femmes soient bien.
Enfin, pour favoriser les accouchements dans les communautés, trois facteurs d’influence principaux ressortent : des services de maternité gérés par des Inuit, des équipements adéquats et du personnel qualifié. D’ailleurs, les services gérés par les Inuit influenceraient positivement l’affectation des ressources aux programmes périnataux, l’embauche et la rétention de personnel ainsi que l’intégration de pratiques traditionnelles.
Limites
L’équipe de recherche souligne que bien que les sessions de cartographies se soient déroulées en anglais et en inuktitut, les cartes ont été entièrement traduites en anglais pouvant limiter l’interprétation de certains concepts. Par ailleurs, un souci de représentativité des différentes communautés et réalités du Nunavik était présent, mais les résultats de la recherche ne peuvent pas être appliqués plus largement, dans le reste du Canada par exemple. Enfin, des contraintes logistiques ont fait qu’il n’a pas été possible pour les participants de participer à l’analyse thématique finale, une pratique fortement encouragée avec la méthodologie des cartes cognitives floues.
Si vous vivez de la détresse, vous pouvez appeler la Ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être (1‑855‑242‑3310) ou clavarder en ligne. Ce service est disponible en tout temps pour tous les Autochtones du Canada.
D’autres ressources existent, consulter la liste des centres d’écoute par région.
L’inclusion des articles présentés dans ce bulletin de veille ne signifie pas leur endossement par l’Institut. Le jugement professionnel demeure essentiel pour évaluer la valeur de ces articles pour votre pratique. Vous pouvez également consulter la méthodologie de la veille scientifique en santé des Autochtones.