Caractéristiques des souches de Clostridium difficile au Québec en 2005 : impact sur l'incidence et la fréquence des complications des diarrhées associées au Clostridium difficile
L'augmentation des diarrhées associées au Clostridium difficile (DACD) observée dans plusieurs centres hospitaliers (CH) de Montréal et de ses régions environnantes a été associée à la prédominance d'un génotype nommé NAP1. Ce génotype possède une toxine additionnelle appelée « toxine binaire » (codée par les gènes cdtA et cdtB) et une délétion partielle du gène tcdC qui assurerait une régulation négative de la production des toxines A et B. NAP1 est également résistant à la clarithromycine et aux fluoroquinolones. En 2005, la surveillance provinciale des DACD au Québec a montré une hétérogénéité géographique des taux d'incidence et des taux de létalité des DACD. Afin d'interpréter ces résultats, nous avons étudié la répartition des différents génotypes de C. difficile dans les CH québécois, l'impact sur l'incidence des DACD ainsi que le risque de forme sévère lié aux caractéristiques des souches responsables d'infection.
L'étude a porté sur 478 souches de C. difficile d'acquisition nosocomiale isolées au début de l'année 2005 dans les CH québécois. Les souches de chaque patient ont fait l'objet d'un génotypage par électrophorèse en champ pulsé, d'une analyse du profil de sensibilité aux antibiotiques et de l'étude des gènes tcdC, cdtA et cdtB. Des informations individuelles ont été recueillies sur l'âge des patients et la survenue de complications.
Résultats
Cette étude permet de mesurer l'impact majeur de la diffusion de la souche NAP1 sur l'incidence et la sévérité des DACD au Québec en 2005.
L'électrophorèse sur gel en champ pulsé réalisée sur 478 souches de C. difficile a permis d'identifier 61 profils électrophorétiques. Les génotypes A (57 %), B (10 %) et B1 (8 %) étaient prédominants. Au total, 64 % des souches, majoritairement du génotype A, ont à la fois une délétion partielle de tcdC et des gènes de toxine binaire.
Le profil électrophorétique A est identique à celui de NAP1. Il présente 67 % de similarité avec 15 autres génotypes parmi lesquels 11 possèdent également des gènes de toxine binaire et une délétion partielle de tcdC, mais avec des profils variés de sensibilité aux antibiotiques. Le génotype A est résistant à la clarithromycine et aux fluoroquinolones et sensible à la clindamycine.
Les génotypes B et B1 ne possèdent ni gènes de toxine binaire, ni délétion partielle de tcdC. Ils sont résistants aux macrolides, aux fluoroquinolones et à la clindamycine. Ils sont identiques à NAP2, génotype antérieurement responsable d'éclosions en Amérique du Nord et au Royaume-Uni.
Le génotype A prédomine dans les régions voisines de Montréal et les génotypes B et B1 dans les régions de Québec et de Chaudière-Appalaches. Les taux d'incidence de DACD sont respectivement 2 fois et 1,3 fois plus élevés dans les CH ayant une prédominance clonale du génotype A et des génotypes B-B1 que dans les CH sans situation clonale.
Les formes sévères (décès directement ou indirectement lié à la DACD ou colectomie ou transfert en USI en raison de la DACD) sont 2,4 fois plus fréquentes chez les personnes âgées de 75 ans et plus et 2,1 fois plus fréquentes en présence d'une délétion de tcdC et de gènes de toxine binaire (p = 0,055).