COVID-19 : Concepts de base concernant le dioxyde de carbone (CO2) et sa mesure dans les bâtiments

Ce document, rédigé dans le contexte de la pandémie de COVID-19, s’adresse d’abord aux gestionnaires de bâtiments publics, aux propriétaires d’immeubles ainsi qu’à l’ensemble des organismes et individus souhaitant en connaître davantage sur les thèmes couverts par ce survol de la littérature scientifique et grise. Ce document fait état des connaissances actuelles sur le dioxyde de carbone (CO2), ses effets sur la santé, ses sources, son lien avec la ventilation des bâtiments ainsi que sur les différentes approches de mesure de ce paramètre et les façons d’interpréter les résultats obtenus. La méthodologie appliquée pour réaliser cette synthèse rapide des connaissances est présentée à l’annexe 1.

Ce document vise à fournir des informations clés qui pourront éventuellement guider les organisations concernées dans le choix d’un protocole de mesure approprié et d’une approche d’interprétation cohérente des résultats obtenus. Qu’il s’agisse du choix du type d’appareil à utiliser; des résultats de mesures ponctuelles, répétées ou en continu; du contexte de mesure et de la méthodologie à utiliser, ces éléments doivent répondre à des objectifs clairs et être interprétés avec prudence. En effet, la mesure du CO2 correctement effectuée peut être utilisée à différentes fins, soit à titre d’indicateur d’émission de produits métaboliques (bioeffluents) par les occupants ou d’indicateur de ventilation, ou encore pour produire une analyse quantitative de l’intensité de la ventilation appliquée dans un milieu intérieur donné. À cet effet, le présent document mentionne différentes approches évaluatives, des lignes directrices et des recommandations actuellement en vigueur. Il faut toutefois noter que le présent document ne constitue ni un protocole de mesure du CO2 en milieu intérieur ni un guide de bonnes pratiques destiné à cette fin.

Il est par ailleurs important de souligner que le Comité COVID-19 en santé environnementale, regroupant les principaux auteurs du présent document, a pour rôle d’assurer la veille scientifique, d’analyser son contenu et de rapporter les grands constats qui en ressortent. Puis, lorsque cela est requis, ce comité rédige des avis d’experts. Il n’a en aucun cas le mandat de se substituer aux décideurs ou aux gestionnaires de bâtiments pour déterminer les options à privilégier, ou encore pour dénouer les situations problématiques susceptibles de découler de la mise en application des options retenues.

Faits saillants

Le dioxyde de carbone (CO2) est un gaz chimiquement stable dans des conditions environnementales dites normales. Le CO2 est un constituant omniprésent de l’air ambiant dont la concentration est en augmentation depuis le début de l’ère industrielle en raison de la combustion de carburant fossile. En milieu intérieur, il provient essentiellement de l’air expiré lors de la respiration des occupants. Alors que sa concentration dans l’air extérieur est assujettie à de faibles variations locales, la concentration de CO2 en milieu intérieur peut varier de façon importante, selon la densité d’occupation, le volume de la pièce, le type d’activité pratiquée, la durée d’occupation, la ventilation appliquée au milieu et, dans une moindre mesure, l’utilisation d’appareils à combustion. Ce sont majoritairement les échanges d’air avec le milieu extérieur, tant par l’entremise de la ventilation naturelle que de la ventilation mécanique, qui contribuent à moduler les concentrations de ce gaz dans les milieux intérieurs occupés.

En milieu intérieur, la présence de CO2 aux concentrations usuellement rencontrées n’occasionne généralement pas d’effets sur la santé des occupants. Par ailleurs, les premières manifestations physiologiques associées à une exposition au CO2, comme l’augmentation de l’acidité sanguine, la dilatation des bronches et l’augmentation du débit respiratoire, sont généralement observées lorsque les concentrations ambiantes atteignent 10 000 ppm sur une période d’au moins 30 minutes. Les résultats de nombreuses études suggèrent également que l’exposition au CO2 à des concentrations bien inférieures (avoisinant les 1 000 ppm) pourrait engendrer des effets indésirables chez certains individus (étourdissements, fatigue, maux de tête, etc.). Les associations suggérées entre la manifestation de certains symptômes et l’exposition spécifique au CO2 à des concentrations plus basses mériteraient cependant d’être davantage documentées, notamment au regard des processus biologiques sous-jacents. D’ailleurs, dans le but d’expliquer les effets observés, plusieurs auteurs font référence au syndrome du bâtiment malsain, ou sick building syndrome, affection mal définie, de sources potentiellement multifactorielles, qui se manifeste par des symptômes non spécifiques.

En ce qui concerne plus spécifiquement le lien possible entre la présence de concentrations élevées de CO2 dans un milieu donné et le risque de transmission de la COVID-19, il est généralement convenu que des facteurs environnementaux et comportementaux de même nature (ventilation inadéquate, densité d’occupation élevée, etc.) sont susceptibles de mener à une augmentation des concentrations de ce gaz et d’aérosols infectieux dans l’air intérieur. Cependant, toute association directe entre une concentration de CO2 élevée et la présence d’un risque accru de transmission de l’agent viral doit être interprétée avec prudence, considérant que le principal mode de transmission du SRAS-CoV-2 demeure les contacts directs ou rapprochés entre individus sur une période prolongée. Il est toutefois de plus en plus reconnu qu’une ventilation déficiente des milieux intérieurs occupés peut engendrer un risque accru d’accumulation d’aérosols et, incidemment, de transmission potentielle de la COVID-19.

C’est dans ce contexte que l’évaluation des concentrations de CO2 en milieu intérieur, sur la base de protocoles conçus à cette fin, peut constituer une intéressante approche de caractérisation de l’intensité de la ventilation appliquée dans un milieu donné. En effet, la mesure du CO2, correctement effectuée, peut être utilisée à différentes fins, soit à titre d’indicateur relatif d’émission de produits métaboliques (bioeffluents) par les occupants, d’indicateur de l’intensité de la ventilation (c.-à-d. si un milieu est sous-ventilé ou s’il bénéficie d’une ventilation suffisante) ou encore pour produire une analyse quantitative de l’intensité de la ventilation appliquée dans un milieu intérieur donné. Quelle que soit la situation, la mesure du CO2 peut offrir de l’information indirecte sur les volumes d’air frais (apport d’air provenant de l’extérieur) délivrés dans un milieu intérieur donné, que ce milieu soit ventilé naturellement, mécaniquement ou encore de façon hybride (naturellement et mécaniquement).

En cohérence avec l’application d’un protocole de mesure validé, divers organismes reconnus ont élaboré des critères qui constituent différents outils d’interprétation et de gestion des mesures de concentration de CO2, et ce, tant en contexte d’occupation usuelle des bâtiments qu’en période de pandémie. Bien qu’ils n’aient généralement pas force de loi, sauf dans les milieux de travail, ces critères font office de valeur guide pour l’application d’une ventilation adéquate dans les milieux intérieurs (voire optimisée en temps de pandémie). Ces organismes proposent d’ailleurs l’application de mesures correctives lorsque lesdits critères ne sont pas respectés. En somme, le recours à une ventilation adéquate ou optimisée des milieux intérieurs s’avère une mesure de suivi ou de contrôle environnementale complémentaire jugée efficace pour réduire le risque d’exposition aux contaminants de l’air intérieur, incluant certains agents pathogènes susceptibles de s’y retrouver.

COVID-19 : Concepts de base concernant  le dioxyde de carbone (CO2) et sa mesure  dans les bâtiments
Auteur(-trice)s
Patrick Poulin
Ph. D., conseiller scientifique spécialisé, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie, Institut national de santé publique du Québec
Jean-Marc Leclerc
M. Sc., conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Caroline Huot
M.D., M. Sc., FRCPC, médecin spécialiste, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie
Stéphanie Potvin
M. Sc., conseillère scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Sujet(s)
COVID-19
Date de publication