Le régime du cannabis à des fins non médicales au Québec : une analyse de santé publique

  • Ce document examine, dans une perspective de santé publique, le régime qui encadre la production, la distribution, l’usage et la possession du cannabis à des fins non médicales au Québec. L’analyse décrit les principales caractéristiques de ce régime et examine les principaux enjeux de santé publique qu’il soulève. L’analyse dégage ainsi des éléments susceptibles d’éclairer les exercices de révision des lois prévus dès 2021.
  • Comparativement à ce qui a été mis en place dans les autres provinces canadiennes et dans d’autres pays, le régime québécois comporte des caractéristiques distinctives :
  • Le caractère entièrement public du système de distribution et de vente est peu commun. La Société québécoise du cannabis, une société d’État à but non lucratif, détient un monopole sur l’achat et la vente aux particuliers des produits de cannabis à des fins non médicales au Québec. Comparativement aux régimes partiellement ou totalement privés, ce monopole permet un contrôle plus direct des produits du cannabis et de leurs prix, de l’environnement de détail et de la promotion publicitaire.
  • Le régime d’encadrement de la distribution québécois privilégie la prévention et la réduction des méfaits, plutôt que la recherche de profits privés ou pour l’État. Seul l’Uruguay, dans les juridictions à l’étude, dispose d’objectifs similaires. Ainsi, le mandat de la Société québécoise du cannabis comporte des objectifs explicites visant la protection de la santé de la population et fait en sorte que le marché licite du cannabis n’en favorise pas la consommation à la hausse. Dans la plupart des autres juridictions, les mentions explicites de limitation de consommation concernent uniquement les jeunes.
  • La façon de gérer les interdits de distribution constitue également une caractéristique du régime québécois. Selon la Loi sur le cannabis fédérale, la distribution à une autre personne de plus de 30 grammes de cannabis séché ou son équivalent, par exemple, est passible d’une sanction criminelle. Le Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec a par contre déterminé que plusieurs infractions fédérales de cette nature pouvaient être traitées de façon non judiciaire par ses procureurs.
  • Le régime québécois d’encadrement du cannabis a déjà évolué significativement depuis l’entrée en vigueur de la légalisation en octobre 2018. Il continuera vraisemblablement à le faire, que ce soit sur le plan de l’encadrement réglementaire, des politiques ou des pratiques de mise en vente. Ce régime devra être surveillé afin de s’assurer qu’il demeure cohérent avec ses objectifs de santé publique. Trois éléments importants à surveiller ressortent de l’analyse :
  • Des études sur les monopoles publics en matière d’alcool tendent à démontrer que ce modèle est celui qui est le plus susceptible de limiter la hausse de consommation. Cela invite à considérer la pérennité du modèle québécois, malgré les diverses manifestations d’intérêts à sa privatisation.
  • Les voies à emprunter pour concilier les tensions entre les objectifs de ne pas intensifier l’usage du cannabis et de rediriger vers l’achat légal les usagers s’approvisionnant dans les réseaux clandestins devront faire l’objet d’une réflexion constante et minutieuse. Comme le montre la situation dans d’autres juridictions, la baisse généralisée des prix du cannabis et l’offre étendue de produits de cannabis ont participé à une hausse de la prévalence d’usage du cannabis. Cela indique un équilibre précaire entre ces deux objectifs.
  • Le régime québécois comporte un nombre relativement important de restrictions et interdictions, par exemple l’interdiction générale de fumer en public. La Loi permet également à des tiers d’introduire des interdictions dans un nombre important de lieux privés (logements locatifs, condominiums, etc.). La Loi fixe l’âge d’accès aux produits autorisés à 21 ans et l’interdiction de production personnelle à domicile. L’état des connaissances sur les effets des mesures de prohibition montre qu’ils sont susceptibles de générer des inégalités sociales de santé et que celles-ci peuvent être au moins en partie limitées par des mesures de réduction des méfaits. En outre, il sera important de suivre la fréquence, la nature et la distribution sociale des sanctions afin de s’assurer que certains groupes de personnes ne sont pas plus affectés que d’autres en raison de leurs caractéristiques (ex. : l’âge) ou du contexte de vulnérabilité dans lequel ils vivent.
Le régime du cannabis à des fins non médicales au Québec : une analyse de santé publique
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Notice Santécom
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