Les mesures alternatives à la criminalisation des personnes interpellées pour possession simple de drogues : une perspective de santé publique
Dans une perspective de santé publique, la criminalisation des personnes utilisatrices de drogues pour possession simple constitue l’un des principaux enjeux du régime actuel d’encadrement des substances psychoactives dites « illicites ». La criminalisation et les pratiques qui s’y rattachent sont en effet reconnues pour interférer, dans certains cas, avec différentes mesures de santé publique, notamment celles destinées à freiner les surdoses et les décès ou encore à limiter la transmission du virus d’immunodéficience humaine et autres infections transmissibles sexuellement et par le sang. La stigmatisation, qui atteint de manière particulière certains consommateurs (dont ceux désaffiliés ou marginalisés sur les plans social et économique), constitue également un motif important pour réfléchir à des mesures alternatives à la criminalisation. Au Québec comme dans le reste du Canada et ailleurs en Amérique du Nord, différentes instances et acteurs de la société civile proposent une réflexion collective sur ces enjeux afin d’explorer le potentiel d’avenues telles que la décriminalisation pour contribuer à mitiger les méfaits communément associés au régime actuel de prohibition. L’ampleur prise par la crise des surdoses d’opioïdes est d’ailleurs un des motifs justifiant la nécessité de reconsidérer le régime actuel.
Dans le cadre de la Stratégie nationale 2018-2020 pour prévenir les surdoses d’opioïdes et y répondre du ministère de la Santé et des Services sociaux, l’Institut national de santé publique du Québec a été mandaté pour produire un rapport en vue d’amorcer une réflexion quant aux changements à apporter à l’actuel régime d’encadrement des substances psychoactives illicites.
Ce document répond à un tel objectif. Il a été réalisé en vue d’identifier les mesures alternatives à la criminalisation des personnes utilisatrices de drogues pour possession simple s’inscrivant dans une perspective de santé publique et non implantées en contexte québécois. Au terme de l’analyse de la littérature, les constats suivants peuvent être dégagés :
- Les méfaits associés au régime d’encadrement actuel des substances psychoactives « illicites », tout comme ceux associés à la criminalisation des personnes faisant usage de ces mêmes substances, peuvent varier selon les juridictions. Malgré sa rigidité apparente, le régime d’encadrement au Québec a permis la mise en œuvre de plusieurs mesures contribuant à restreindre l’application de la loi criminelle en matière de drogues;
- Les mesures recensées dans le présent rapport peuvent s’inscrire dans une perspective de promotion de la santé, de prévention de la consommation à risque, ou encore de réorientation vers un traitement et la réadaptation;
- Le nombre d’évaluations menées dans une perspective de santé publique est peu élevé. Les résultats démontrent qu’en ce qui a trait à la mortalité et à la fréquentation des services hospitaliers, les résultats sont prometteurs. D’autres études sont nécessaires pour conclure à l’efficacité de ces mesures plus globalement sur la santé. De même, il est impossible de se prononcer sur l’effet des mesures alternatives sur la consommation;
- En ce qui a trait aux indicateurs liés à la sécurité publique, les résultats indiquent que les mesures alternatives sont efficaces pour réduire la récidive criminelle et les contacts avec le système de justice pénale. Toutefois, aucune conclusion ne peut être tirée sur leur efficacité à réduire l’accessibilité aux substances;
- Bien que les mesures considérées semblent prometteuses dans plusieurs cas, des conditions de mise en œuvre sont à prendre en compte pour contribuer à leur réussite. La collaboration intersectorielle, le soutien et la formation aux intervenants de sécurité publique, l’établissement de critères d’admissibilité et de réorientation clairs et connus de tous, l’implication des pairs, ainsi que l’accessibilité et la suffisance d’une diversité de programmes et services, que ce soit en vue d’agir sur la consommation ou sur l’ensemble des besoins sociaux, en sont des exemples;
- Ces mesures ne peuvent être considérées comme l’unique stratégie permettant de réduire les méfaits potentiels associés à l’usage de substances psychoactives. Elles doivent ainsi s’inscrire à l’intérieur d’une stratégie globale de promotion de la santé et de prévention des problèmes de santé associés à la consommation de substances psychoactives.