Étude exploratoire visant l'identification d'un réseau de médecins sentinelles pour la surveillance de l'asthme professionnel au Québec
Ce projet s'inscrit dans la suite de l'étude PROPULSE (PROjet PULmonaire SEntinelle), menée en 1992-1993, qui visait la surveillance des maladies professionnelles pulmonaires au Québec via un réseau de médecins sentinelles.
La présente étude avait pour objectifs : 1) d'identifier un réseau de médecins sentinelles susceptibles de rapporter un maximum de cas d'asthme professionnel parmi les allergologues et les pneumologues, de même que parmi les médecins des deux cliniques de maladies professionnelles du réseau public de santé au travail au Québec, 2) de connaître les raisons de l'absence de réclamation, par les sujets de l'étude, à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), s'il y a lieu, 3) d'évaluer quelques impacts de cette maladie sur la vie des sujets et 4) d'examiner le devenir des cas à la suite de leur réclamation à la CSST.
De mars 2009 à juin 2010, 18 des 225 médecins (8 %) participants potentiels ont réellement collaboré au projet en retournant au moins un formulaire. Douze d'entre eux ont déclaré, de façon anonyme, 79 cas d'asthme professionnel vus dans le cadre de leur pratique. Les cas avaient en moyenne 44 ans, 63 % étaient des hommes, 23 % étaient des fumeurs, 30 % des ex-fumeurs et 47 % des non-fumeurs. Les principaux agents allergènes rapportés étaient les isocyanates (68 %) et les principaux secteurs d'activité économique étaient les industries du matériel de transport et les commerces de détail des véhicules automobiles, pièces et accessoires.
Six mois après avoir consulté un des médecins sentinelles, 68 des 79 sujets ont répondu à un bref questionnaire téléphonique. L'enquête a révélé que 32 personnes n'avaient pas soumis de réclamation à la CSST. Les principales raisons invoquées étaient que les examens cliniques étaient non concluants ou que le sujet était en attente de résultats. La majorité des personnes contactées étaient demeurées chez le même employeur et 13 % étaient sans emploi. Chez les sujets toujours en situation d'emploi ou en congé de maladie, 18 % rapportaient une diminution de revenu.
Un an après la fin de la période de déclaration des cas, les 36 sujets qui avaient rapporté avoir soumis une réclamation ont fait l'objet d'un suivi à la CSST. Vingt-huit d'entre eux ont été retracés à la CSST. Leur âge moyen était de 44 ans et 68 % étaient des hommes. Les principales substances responsables possibles de l'asthme professionnel étaient les isocyanates (30 %), suivis de la farine, des résines époxy et des solvants (chacun 11 %). Les sujets avaient été exposés dans les commerces de détail des véhicules automobiles, pièces et accessoires (19 %), dans les industries du matériel de transport (15 %) et dans la restauration et les services personnels et domestiques (15 %). La durée de l'exposition à l'agent professionnel causal soupçonné variait de quelques heures à 36 ans, avec une moyenne de neuf ans. Selon les notes contenues au dossier, seulement deux personnes rapportaient le port d'équipement de protection respiratoire lors de leur exposition et sept autres sujets mentionnaient l'avoir parfois porté.
Vingt-cinq pour cent des sujets ayant soumis une réclamation ont été reconnus atteints d'asthme professionnel par le Comité spécial des maladies professionnelles pulmonaires : trois cas avec un diagnostic d'asthme professionnel avec latence et quatre cas avec un diagnostic de syndrome d'irritation bronchique. Deux des cas d'asthme professionnel avec latence avaient été exposés aux isocyanates et le troisième à la poussière de blé et au lactosérum, tandis que les agents agresseurs responsables de l'asthme professionnel sans latence étaient l'ammoniac, le chlore et des solvants. Les cas reconnus avec une maladie professionnelle pulmonaire avaient été exposés principalement dans les industries du matériel de transport (n = 3) et dans les industries des aliments (n = 2).
Les médecins avaient jugé que la maladie était très probablement ou probablement reliée au travail chez tous les cas acceptés et chez 86 % des cas refusés. La même proportion (86 %) des cas acceptés et des cas refusés avaient été référés à la CSST par leur médecin.
En conclusion, la présente étude montre une faible participation des médecins sentinelles. L'approche proposée ne permet donc pas une surveillance adéquate des cas d'asthme professionnel. Étant donné le petit nombre de cas déclarés, il est difficile de tirer des conclusions de la description de leurs caractéristiques. On note toutefois que les principales raisons pour ne pas soumettre de réclamation à la CSST sont liées à l'investigation clinique (non concluante ou en cours) et que les sujets rapportent des impacts sur la situation professionnelle (perte d'emploi) et financière (diminution de salaire). Finalement, une faible proportion des sujets qui soumettent une réclamation à la CSST sont reconnus atteints d'une maladie professionnelle pulmonaire et 18 % ont un asthme personnel aggravé ou non par le travail.