Portrait des situations d’éclosion de COVID-19 dans les milieux de travail du Québec de juin 2020 à décembre 2021

Une vigie des situations d’éclosion dans les milieux de travail, autres que ceux de soins aigus et d’hébergement de longue durée, de garde et scolaires (ci-après, désignée par vigie-SAT), a été réalisée entre juin 2020 et décembre 2021.

Durant la période couverte, cette vigie a permis de suivre de façon continue et rapide les secteurs d’activité économique et les régions du Québec touchés par des éclosions, en utilisant les résultats de test de dépistage TAAN des cas confirmés de travailleurs et les informations issues des enquêtes sur les contacts de ces derniers. Toutefois, étant donné les changements de priorisation des efforts de saisie des éclosions au Registre dès la mi-décembre 2021 en raison de la hausse importante du nombre de cas et la surcharge des capacités d’enquête, il est devenu impossible d’obtenir des données exhaustives sur les éclosions en milieu de travail. Cela a entrainé l’arrêt du processus de vigie-SAT.

Portrait global

  • Au total, la vigie-SAT a permis de recenser 8 421 milieux de travail ayant été touchés par au moins une situation d’éclosion de COVID-19 au Québec : 13 % de ces milieux (n = 1 096) ont connu deux éclosions ou plus.
  • En tout, 10 100 situations d’éclosion ont été dénombrées, pour un total de 39 494 cas confirmés de travailleurs associés à ces situations.
  • Près de 54 % de toutes les situations d’éclosion (n = 5 408) ne comptaient que deux cas confirmés de travailleurs, alors que celles de trois à cinq cas représentent un peu plus du tiers de l’ensemble des situations d’éclosion (n = 3 341), et celles avec six cas et plus, 13 % (n = 1 351).
  • Le taux cumulatif de situations d’éclosion était de 393 éclosions par 10 000 établissements et le taux cumulatif de cas confirmés de travailleurs reliés aux éclosions était de 1 220 cas par 100 000 travailleurs.
  • Les milieux de travail ont été plus fortement touchés durant la deuxième vague que lors des deux suivantes (3e et 4e vague). De fait, le nombre hebdomadaire moyen de situations d’éclosion et de nouveaux cas de travailleurs confirmés qui étaient associés à la 2e vague sont plus élevés : 180 éclosions c. 145 et 75, et 741 nouveaux cas c. 549 et 233 respectivement.
  • Globalement, les nouveaux cas confirmés de travailleurs associés à des éclosions en milieux de travail représentaient en moyenne 13 % de l’ensemble des nouveaux cas rapportés dans la population générale en âge de travailler (c.-à-d. entre 15 et 65 ans).

Portrait par secteurs d’activité économique

  • Neuf secteurs sur 20 affichaient les taux cumulatifs de cas les plus élevés; ils cumulent la majorité des situations d’éclosion (86 %) et de cas confirmés de travailleurs (88 %) (voir les 20 secteurs à l’annexe 1).
  • Par ordre décroissant de nombre cumulatif de cas associés aux éclosions, il s’agit des secteurs de la fabrication, des commerces de détail, de la construction, des services d’hébergement et de restauration, des transports et entreposage, des commerces de gros, des services administratifs, de soutien, de gestion des déchets et services d’assainissement, des autres services (sauf les administrations publiques) et de l’agriculture.
  • Les secteurs de la fabrication et des commerces de détail cumulaient entre eux 49 % des cas (19 251/39 494) et 42 % des situations d’éclosion (4 245/10 100).
  • Le secteur de la fabrication a été particulièrement touché. De fait, le taux cumulatif de cas dans ce secteur (2 653 cas confirmés par 100 000 travailleurs) est deux fois plus élevé que celui associé à l’ensemble des secteurs.
  • Bien qu’au 9e rang en termes de nombre absolu de cas cumulatifs, le secteur de l’agriculture arrive en 2e position en termes de taux cumulatif de cas confirmés (1 621 cas confirmés par 100 000 travailleurs). Il faut rappeler que la main-d’œuvre saisonnière de ce secteur comprend des travailleurs étrangers temporaires (TET). Ces travailleurs ont des conditions de vie particulières (hébergement de groupe) qui les rendent plus vulnérables à la transmission du virus. Plusieurs cas de TET ont été comptabilisés lors d’éclosions survenues durant la période de quarantaine obligatoire à leur arrivée au Québec ou lorsque le travail a débuté.
  • Les neuf secteurs ayant les taux cumulatifs de cas les plus élevés sont également les secteurs les plus touchés par des éclosions de grande taille (6 cas et plus).
  • Le secteur de la fabrication cumule 41 % (554/1 351) des éclosions de grande taille et 47 % (7 827/16 663) des cas confirmés de travailleurs qui leur sont associés.

Conséquemment, le secteur de la fabrication affiche un taux cumulatif de cas associés aux éclosions de grande taille (1 627 cas/100 000 travailleurs) trois fois plus élevé que le taux provincial (520/100 000), et un taux cumulatif d’éclosions de grande taille (320 éclosions/10 000 établissements) six fois plus élevé que le taux provincial (53/10 000).

Portrait par sous-secteurs d’activité

  • La fabrication d’aliments (abattage et conditionnement de la viande principalement, conserveries de fruits et légumes, produits de boulangeries…);
  • Les magasins d’alimentation (supermarchés, entreprises de livraison de repas, épiceries-entrepôts…);
  • Les grossistes-marchands de produits alimentaires (grossistes et distributeurs de fruits et légumes, de confiseries, épiceries-entrepôt…);
  • Les cultures agricoles.
  • Aussi, les sous-secteurs rattachés à la chaîne d’approvisionnement de biens, et également jugés services essentiels durant la pandémie ont été fortement touchés par des éclosions de grande taille, plus précisément :
  • La fabrication de produits en bois (portes et fenêtres, produits de scierie…), produits métalliques (portes et fenêtres, quincaillerie de base…), matériel de transport (assemblage d’avions et pièces d’avions, motoneiges…), pièces pour véhicules automobiles et produits en plastique et en caoutchouc pour l’avionnerie;
  • Les magasins de marchandises diverses (centres de distribution, magasins à rayons de grande surface, épiceries-entrepôts…);
  • Les concessionnaires de véhicules et de pièces automobiles.

Régions les plus touchées

  • Dix régions sociosanitaires sur 18 cumulent la grande majorité des situations d’éclosion et de cas confirmés de travailleurs qui leur sont associés (95 %).
  • Par ordre décroissant de nombre de cas confirmés de travailleurs associés aux éclosions, il s’agit des régions de Montréal, Montérégie, Capitale-Nationale, Chaudière-Appalaches, Laval, Mauricie-Centre-du-Québec, Lanaudière, Estrie, Laurentides et Saguenay-Lac-Saint-Jean.
  • Le Grand Montréal (Montréal, Montérégie, Laval, Laurentides et Lanaudière) cumulait la plus grande part de situations d’éclosion et de cas confirmés de travailleurs durant la 2e, 3e et 4e vague de la pandémie (soit un peu plus de 60 %).
  • Le Grand Québec (Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches) cumulait également beaucoup d’éclosions et de cas, notamment durant la 3e vague, où le nombre de milieux rejoignait presque celui du Grand Montréal à la semaine débutant le 11 avril 2021.
  • Huit régions ont présenté des taux de cas supérieurs au taux provincial (1 220 cas/100 000 travailleurs). Il s’agit de : Estrie, Chaudière-Appalaches, Laval, Montréal, Mauricie-Centre-du-Québec, Saguenay-Lac-Saint-Jean, Lanaudière et Capitale-Nationale.
  • Parmi ces régions, six ont été plus fortement touchées par des éclosions de grande taille et affichent des taux de cas confirmés de travailleurs plus élevés que le taux provincial (520 cas/100 000), soit Chaudière-Appalaches, Montréal, Estrie et Saguenay-Lac-Saint-Jean, Laval, Mauricie-Centre-du-Québec, auxquelles s’ajoute la région du Bas-Saint-Laurent.

Malgré certaines limites, le portrait élaboré à partir des données de la vigie-SAT mise en place au Québec confirme que les milieux de travail constituent des sites avérés de transmission de la COVID‑19, et que ces milieux ont ainsi pu contribuer à la transmission du virus dans la communauté. En outre, dans une optique de prévention de la transmission des infections à partir des milieux de travail vers la communauté et vice versa, le rapport fait ressortir l’importance d’accorder aux milieux de travail la même attention que ceux de soins aigus et d’hébergement de longue durée, de garde et scolaire, lorsqu’il est question de surveillance des éclosions en contexte de pandémie.

Enfin, en prévision d’une future pandémie, quelques approches prometteuses sont présentées pour rehausser le processus de vigie nationale des maladies infectieuses respiratoires dans les milieux de travail québécois.

Auteur(-trice)s
Richard Martin
M.A., conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Sujet(s)
COVID-19
Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-95810-9
Notice Santécom
Date de publication