Étude sur la qualité de l'eau potable dans sept bassins versants en surplus de fumier et impacts potentiels sur la santé - Incidence des maladies entériques potentiellement transmissibles par l'eau : analyse des hospitalisations et des cas déclarés aux di

Des microorganismes pathogènes d'origine animale, responsables de symptômes gastro-entériques, peuvent être transmis aux humains par l'ingestion d'eau contaminée. Dans ce contexte, la présente étude visait l'évaluation de la fréquence des infections entériques potentiellement transmissibles par l'eau et dont l'origine pourrait être attribuable à des animaux de ferme. Deux bases de données sanitaires ont été utilisées à cette fin : la banque des hospitalisations (Med-Écho) et celle des maladies à déclaration obligatoire du Québec (MADO).

Le principal objectif de l'étude était de vérifier l'incidence des cas de maladies avec symptomatologie gastro-entérique aiguë chez les populations demeurant sur le territoire de municipalités considérées comme en surplus de fumier. L'état de surplus de fumier pour une municipalité était établi selon l'apport de phosphore provenant des déjections animales qui excède le besoin des cultures (bilan de phosphore selon la classification du ministère de l'Environnement du Québec [MENV]). Par ailleurs, le lien entre l'apparition de maladies gastro-intestinales et la source d'eau utilisée (puits ou réseau d'aqueduc) et son traitement (chloré ou non) a aussi été examiné.

Les données ont été compilées pour la période de 1995 à 1999 inclusivement. Le territoire étudié se subdivisait en municipalités dites exposées (en surplus de fumier) et témoins (non exposées à un surplus de fumier). Les municipalités exposées étaient localisées à l'intérieur de sept bassins versants considérés comme en surplus de fumier par le MENV : Chaudière, Etchemin, Boyer, Bayonne, L'Assomption, Yamaska et Nicolet. Trois types de municipalités témoins, non en surplus de fumier, ont été considérés :

  • municipalités agricoles localisées à l'extérieur des sept bassins versants considérés comme en surplus de fumier;
  • municipalités non agricoles situées à l'extérieur de ces sept bassins versants;
  • municipalités non agricoles localisées à l'intérieur des sept bassins versants considérés comme en surplus de fumier.

Compte tenu des différentes caractéristiques de ces groupes, seul celui de municipalités agricoles situées à l'extérieur des bassins à l'étude a été retenu comme témoin dans les analyses approfondies.

La comparaison de l'incidence des cas de maladies entériques aiguës ayant nécessité une hospitalisation (registre Med-Écho) a d'abord révélé que 90 % des cas étaient d'étiologie inconnue; les diagnostics les plus fréquents étaient la gastro-entérite et la colite. Quant aux taux spécifiques d'hospitalisations, selon le groupe d'âge, ils sont les plus élevés chez les moins de 5 ans et chez les personnes de 65 ans et plus.

Parmi les résultats concernant les hospitalisations (Med-Écho), on observe que le risque d'infections d'origine entérique, possiblement transmissibles par l'eau, et potentiellement d'origine animale, est plus élevé dans les municipalités en surplus de fumier que dans les municipalités témoins (rapport de taux standardisés ou RTS = 1,43) lorsque la population de tout âge est étudiée. De plus, parmi les municipalités dont la majorité de la population est principalement approvisionnée par de l'eau provenant de puits domestiques (privés), on a observé un risque plus élevé dans les municipalités en surplus de fumier comparativement aux municipalités témoins (RTS = 2,09).

L'analyse des hospitalisations, pour des maladies entériques possiblement transmises par l'eau potable et dont l'étiologie est inconnue, révèle aussi certains risques plus élevés dans les municipalités en surplus de fumier comparativement aux témoins (RTS = 1,10 pour l'ensemble de la population et RTS = 1,68 chez les moins de 5 ans). De plus, chez les moins de 5 ans, dans les municipalités approvisionnées par une eau de surface, dans celles approvisionnées par une eau souterraine ainsi que dans les municipalités dont la population est approvisionnée principalement par de l'eau provenant de puits domestiques (privés) et dans les municipalités approvisionnées avec une eau non chlorée, les risques sont plus élevés dans les municipalités en surplus de fumier comparativement aux municipalités témoins : RTS = 1,93, RTS = 1,56, RTS = 1,24 et RTS = 2,12 respectivement. Finalement, chez les enfants âgés de 0 à 4 ans, un risque plus élevé dans les municipalités en surplus de fumier est observé dans celles présentant un bilan de phosphore supérieur à 9 kg/ha, comparativement aux municipalités témoins dont le déficit en phosphore est inférieur à -9 kg/ha.

Quant aux maladies à déclaration obligatoire (MADO), les analyses révèlent que 93 % des cas recensés d'infections possiblement de sources hydriques sont potentiellement d'origine animale. Il faut noter ici que 50 % des infections signalées seraient attribuables à la bactérie Campylobacter sp. De plus, les enfants de moins de 5 ans constituent le groupe le plus souvent mis en cause par les infections possiblement de sources hydriques. Par ailleurs, de manière générale, le risque d'infections transmissibles par l'eau et possiblement d'origine animale n'est pas statistiquement différent entre les municipalités en surplus de fumier et les municipalités témoins. Cependant, on observe un risque plus élevé dans les municipalités en surplus de fumier comparativement aux municipalités témoins lorsque la majorité de la population s'approvisionne en eau par des puits domestiques privés (RTS = 1,24) ainsi que chez les enfants de moins de 5 ans dans les municipalités avec un réseau d'aqueduc chloré (RTS = 1,27). De plus, pour la population totale, on observe un risque de maladies infectieuses transmissibles par l'eau potable et possiblement d'origine animale plus élevé dans les municipalités en surplus de fumier qui ont un bilan de phosphore supérieur à 9 kg/ka comparativement aux municipalités témoins dont le déficit en phosphore est inférieur à -9 kg/ha. Un effet protecteur modéré (RTS=0,73) est cependant observé lorsque le bilan de phosphore est de 1 à 9 kg/ha.

En conclusion, l'étude révèle un risque plus élevé de maladies entériques possiblement transmissibles par l'eau dans les municipalités considérées comme en surplus de fumier. Il est cependant impossible de statuer sur l'origine agricole de ce risque plus élevé. Bien que les résultats laissent croire à la possibilité d'un effet attribuable aux activités de production animale, il faut considérer certaines limites de l'étude : la mesure assez imprécise de l'exposition individuelle aux surplus de fumier, en considérant les données agrégées par territoire de municipalités, l'absence d'information sur la consommation individuelle d'eau ainsi que sur l'exposition à d'autres facteurs de risque de gastro-entérites. Il est ainsi possible que la situation observée soit attribuable à des facteurs qu'il était impossible de considérer dans une telle étude, comme un contact direct avec les animaux de ferme, plus fréquent chez les personnes habitant en milieu agricole. D'autres études sont nécessaires pour caractériser ce risque plus élevé de maladies gastroentériques possiblement transmissibles par l'eau et possiblement d'origine animale dans les municipalités en surplus de fumier.

Auteur(-trice)s

  • Germain Lebel
    M. A., M. Sc., conseiller scientifique, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie
  • Patrick Levallois
    M. D., M. Sc. FRCPC, médecin spécialiste. Institut national de santé publique du Québec
  • Suzanne Gingras
    Institut national de santé publique du Québec
  • Pierre Chevalier
    Ph. D., conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec

ISBN (imprimé)

2-550-43514-1

Notice Santécom

Date de publication