Définitions provisoires des cas de réinfection par le SRAS-CoV-2 à des fins de vigie

Le présent document vise à fournir des définitions provisoires à des fins de vigie des cas de réinfection par le SRAS-CoV-2. Ces définitions ne sont pas destinées au suivi clinique des cas ni à la gestion des cas présomptifs ou confirmés de réinfection et des contacts, mais à des fins de décompte des cas pour la vigie.

Réinfection

Une réinfection par le SRAS-CoV-2 est un nouvel épisode d'infection chez un individu ayant déjà été infecté au moins une fois par ce virus, avec ou sans manifestations cliniques au premier ou aux épisodes subséquents. Bien qu'une première infection à SRAS-CoV-2 confère habituellement une bonne protection contre la réinfection dans la majorité des cas, certains individus resteront ou redeviendront non protégés (1). Des cas avérés de réinfection par le SRAS-CoV-2 ont été démontrés par l'identification de virus génétiquement distincts recueillis chez des individus ayant vécu deux épisodes infectieux (2). Comme l'excrétion du SRAS-CoV-2 peut persister pendant plusieurs semaines, lorsqu'une personne présente un nouvel épisode peu de temps après le premier, il peut être difficile de différencier s'il s'agit d'une prolongation de l'excrétion virale, d'une réactivation de l'épisode initial ou d'une réinfection.

La détection de virus génétiquement distincte entre deux épisodes par séquençage du génome entier (SGE) est la méthode la plus reconnue sur le plan scientifique pour confirmer une réinfection par le SRAS-CoV-2. Si les deux virus appartiennent à la même lignée phylogénétique, l'horloge phylogénique du virus, définie comme l'accumulation de nouvelles mutations durant une période de temps donnée (environ 2 mutations ponctuelles par mois), permet de distinguer les cas de réinfections de ceux d'excrétions prolongées ou de réactivations. Advenant que la lignée génétique d'appartenance du virus qui a été détecté lors de l’épisode subséquent n'existait pas dans la période du premier épisode, le SGE des isolats pairés chez un même individu ne serait pas nécessaire pour confirmer une réinfection. Bien que le SGE et l'analyse phylogénétique permettent d'exclure l'hypothèse d'une excrétion prolongée ou d'une réactivation avec le même virus, cette méthode est mal adaptée à des fins de vigie en temps opportun. En effet, elle requiert beaucoup de temps d'analyse et d'efforts pour retracer les échantillons cliniques des premiers épisodes conservés dans la biobanque (CoVBanQ) de Génome Québec. À cause du délai pour obtenir les résultats, la vigie basée uniquement sur ce critère serait très peu réactive.

Selon l'état actuel des connaissances, l'identification des cas de réinfection par le SRAS-CoV-2 en utilisant comme critère principal l'intervalle de temps entre deux épisodes infectieux est une approche simple et applicable en temps opportun pour la vigie. La spécificité serait élevée lorsque cet intervalle est long, c'est-à-dire 90 jours ou plus. Un intervalle plus court augmenterait la sensibilité mais aurait une spécificité moins élevée. Une revue systématique de la littérature scientifique a montré que la durée maximale d'excrétion du SRAS-CoV-2 dans les voies respiratoires supérieures était généralement de moins de 60 jours et pouvait rarement persister jusqu'à 83 jours (3). Sur cette base, la valeur prédictive positive (VPP) d'une réinfection avec un test d'amplification d'acides nucléiques (TAAN) positif 90 jours ou plus après un premier épisode devrait être très élevée. Compte tenu des données sur la durée maximale d'excrétion du virus lors d'un épisode, la VPP d'une réinfection lorsque l'intervalle est de 60 à 89 jours devrait être vraisemblablement élevée. Toutefois avant d'ajuster les présentes définitions pour inclure cet intervalle plus court, le SGE et l'analyse phylogénétique des virus retrouvés durant cet intervalle devront démontrer que la proportion de réinfection est élevée. Entretemps, la vigie devrait rapporter à titre indicatif les épisodes survenus dans un intervalle compris entre 60 et 89 jours, mais sans les considérer comme des cas de réinfections.

Définitions provisoires des cas de réinfection

Les présentes définitions provisoires s'inspirent des critères élaborés par les Centers for Disease Control and Prevention américains, par Public Health England, par Santé publique France, ainsi que par des auteurs ayant publié des articles révisés ou non par les pairs sur des études concernant les réinfections possibles de la COVID-19 (4-6). À notre connaissance, l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) n'a pas diffusé de telles définitions (en date du 20 mai 2021). Habituellement, le Québec se base sur les définitions de l'ASPC selon une logique d'harmonisation au niveau pancanadien.

Les éléments composant ces définitions se basent sur des critères cliniques, épidémiologiques et de laboratoire. Ces derniers concernent la confirmation de l'infection par TAAN du SRAS-CoV-2 et la caractérisation du virus au moyen du SGE, permettant d'établir un niveau de certitude sur la plausibilité de la réinfection. La culture virale ou la détection d'antigènes et celle d'anticorps à des fins de sérodiagnostic n'ont pas été considérées ici, car ces épreuves de laboratoire ne sont pas utilisées couramment au Québec.

La vigie de la COVID-19 au Québec inclut non seulement les cas confirmés en laboratoire par TAAN, mais aussi les cas confirmés par lien épidémiologique avec des cas confirmés en laboratoire. Bien que la VPP de la COVID-19 pour les cas confirmés par lien épidémiologique soit vraisemblablement élevée, ces épisodes ne devraient pas être retenus à des fins de vigie des réinfections. En effet, ils ne représentent qu'une faible proportion (1,5 %) de l'ensemble des cas déclarés et ils amènent un niveau de complexité additionnel pour la confirmation d'une réinfection. De plus, ces cas confirmés par liens épidémiologiques n'ont pas de prélèvements d’échantillons cliniques ni de résultats d’analyses de laboratoire pouvant être utilisés pour une analyse de SGE à des fins de validation d'une réinfection. Pour la vigie, une réinfection devrait requérir qu'un cas ait eu un TAAN du SRAS-CoV-2 positif pour chacun des épisodes.

Définition de cas de réinfection par le SRAS-CoV-2 pour la vigie

Une réinfection par le SRAS-CoV-2 est un nouvel épisode infectieux par ce virus chez un individu ayant déjà été infecté au moins une fois par ce virus, avec ou sans manifestations cliniques au premier ou aux épisodes subséquents; chacun des épisodes doit avoir été confirmé par un TAAN du SRAS-CoV-2.

Réinfection confirmée par analyse phylogénétique :

Épisode infectieux causé par un virus d’une lignée génétique distincte de celui de l’épisode précédent, peu importe l’intervalle de temps qui les sépare, OU par un virus de même lignée génétique mais avec une différence de plus de 2 mutations par mois;

OU

Épisode infectieux causé par un virus d’une lignée génétique ou d’un niveau d’évolution qui n’existait pas dans la période de temps de l’épisode infectieux précédent.

Réinfection présumée par l’intervalle de temps entre les deux épisodes infectieux :

Épisode infectieux confirmé par TAAN du SRAV-CoV-2 positif 90 jours ou plus après la date de début d’un épisode infectieux précédent.

Ces définitions de cas de réinfections s’appliquent aussi à un 3e épisode infectieux (ou plus s’il y a lieu) chez un même individu. Les cas pourraient aussi être stratifiés selon d’autres critères :

  1. Présence de TAAN négatifs entre les deux épisodes infectieux
    Ce critère suggère que l’excrétion du virus lors de l’épisode infectieux précédent était terminée avant que survienne l’épisode subséquent. Ceci est particulièrement clair lorsque le cas a eu deux TAAN négatifs successivement. Cependant, comme il n’est plus recommandé de faire des TAAN pour s’assurer de la fin de l’excrétion virale, ce critère a peu d’applications pour la vigie et ne devrait pas servir à justifier la reprise de cette pratique.
  2. Présence de manifestations cliniques :
    La présence de manifestations cliniques peut être l’élément déclencheur menant un individu à consulter et incitant le médecin clinicien à retester le patient et à diagnostiquer une réinfection par le SRAS-CoV-2. La présence de manifestations cliniques lors d’une réinfection pourrait être associée à une contagiosité plus élevée, mais ceci n’est pas confirmé pour le moment. Lorsqu’une personne présente des manifestations cliniques compatibles avec la COVID-19 peu de temps après un épisode précédent, un TAAN positif pour le SRAS-CoV-2 ne suffit pas pour confirmer une réinfection par ce virus. Ces manifestations cliniques peuvent être causées par d’autres agents pathogènes respiratoires et il est nécessaire de réaliser des TAAN multiplexes ciblant les virus respiratoires pathogènes communs pour rejeter cette possibilité. Une réinfection avec le SRAS-CoV-2 peut survenir avec ou sans manifestations cliniques compatibles avec la COVID-19.

Références

  1. Young, K., Prematunge, C., and Waddell, L. (2021) Rapid Review on Protective lmmunity. Emerging Sciences Group Public Health Agency of Canada. Document disponible sur demande de phac.evidence­ [email protected].
  2. Bruneau A, Trudelle A, De Serres G, lrace-Cima A, Valiquette L, Villeneuve J, Fafard J. COVID-19 : Prise en charge des personnes considérées rétablies et présentant ultérieurement un test positif pour le SRAS-CoV-V3 25 mars 2021. Institut        national de santé publique du Québec. Disponible au https://www. inspq.qc.ca/publications/3032-personnes-retablies-nouveau-test-positif-covid19
  3. Cevik M, Tate M, Lloyd 0, Maraolo AE, Shafers J, Ho A. SARS-CoV-2, SARS-CoV, and MERS-CoV viral load dynamics, duration of viral shedding, and infectiousness: a systematic review and meta-analysis. Lancet Microbe 2021 e13-22. Disponible au https://doi.org/10.1016/ S2666-5247(20)30172-5
  4. Centers for Disease Control and Prevention. lnvestigative criteria for suspected cases of SARS-CoV-2 reinfection (ICR). Disponible au https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/php/invest-criteria.html
  5. Public Health England. Investigation and management of suspected SARS-CoV-2 reinfections: a guide for clinicians    and infection specialists. 15 mars 2021. Disponible au https://www.gov.uk/government/publications/covid-19-investigation-and-management-of-suspected­ sars-cov-2-reinfections/investigat ion-anci-management -of-suspected-sars-cov-2-reinfections-a-guide­ for-clinicians-and-infection-specialists
  6. Santé publique France. Définition de cas de réinfection au SARS-CoV-2 (COVID-19). 16 mars 2021. Disponible au https://www.santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-covid-19/covid-19-outils-pour-les-professionnels-de-sante