Recommandation de prophylaxie postexposition de la maladie de Lyme

L’installation progressive des tiques Ixodes scapularis, responsables de la transmission de Borrelia burgdorferi, et la recrudescence de cas de maladie de Lyme acquis au Québec amènent les autorités ministérielles à revoir les interventions visant à prévenir cette maladie, dont celle de recourir à la prophylaxie postexposition (PPE) à la suite d’une piqûre de tique. C’est dans ce contexte, qu’en décembre 2015, le Ministère a confié à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) le mandat de préciser si la recommandation actuellement en vigueur au Québec devait être maintenue et, le cas échéant, de définir les modalités de son application.

Cette recommandation adoptée par la Table de concertation nationale en maladies infectieuses se retrouve dans le Guide d’intervention de la maladie de Lyme édité par le ministère de la Santé et des Services sociaux en 2013. Elle a ensuite été reprise par l’INSPQ en 2014 dans l’avis scientifique Proposition d’un programme de surveillance intégré pour la maladie de Lyme et les autres maladies transmises par la tique Ixodes scapularis au Québec.

Dans cet avis, la recommandation était rédigée ainsi :

« Aux fins de cet avis, il est important de noter que dans les régions où la proportion de tiques infectées par Borrelia burgdorferi est supérieure à 20 %, lors de piqûre de tique, le médecin de famille peut recommander l’usage d’un traitement préventif unique à base de doxycycline (Lambert et al., 2013; Wormser et al., 2006) lorsque l’ensemble des conditions suivantes sont réunies :

  • il s’agit probablement de l’espèce de tique I. scapularis, au stade adulte ou de nymphe;
  • la tique est restée attachée à l’humain pendant plus de 36 heures ou présente un niveau d’engorgement de sang important;
  • la prophylaxie peut être commencée dans les 72 heures suivant le retrait de la tique;
  • le traitement à la doxycycline n’est pas contre-indiqué ».

Pour répondre à ce mandat, l’INSPQ a tout d’abord réalisé une revue de la littérature ainsi qu’une synthèse des recommandations déployées ailleurs au Canada et aux États-Unis. Cette démarche n’a pas permis d’identifier de nouvelles évidences pour appuyer une mise à jour de la recommandation. C’est dans ce contexte que l’INSPQ a constitué un groupe d’experts pour le soutenir dans ce mandat.

Le groupe d’experts a amorcé les travaux à l’été 2016. Il a tout d’abord répertorié les principaux constats sur la zone géographique d’application de la PPE et sur chacun des critères énoncés dans la recommandation en vigueur en tenant compte du contexte québécois actuel. Par la suite, il a pris position sur le maintien de la PPE au Québec et a proposé des mesures spécifiques pour améliorer l’applicabilité des différents éléments de cette recommandation.

Recommandations

À la lumière des échanges, le groupe d’experts est d’avis que la prophylaxie postexposition peut être offerte au Québec aux personnes piquées par une tique sous certaines conditions.

Le groupe suggère que la zone d’application de la PPE au Québec soit le territoire de centre local de services communautaires (CLSC) où au moins une municipalité a une proportion de tiques infectées par Borrelia burgdorferi égale ou supérieure à 20 %. Cette proportion sera identifiée à l’aide des activités de surveillance acarologique active et passive d’origine humaine. Comme ces activités comportent certaines limites, le groupe d’experts propose que la PPE puisse aussi être recommandée aux personnes piquées par une tique dans les territoires de CLSC où une moyenne de trois cas de maladie de Lyme, ou de dix cas de maladie de Lyme par 100 000 habitants y ont été acquis sur une période de trois ans.

Pour améliorer le critère visant l’identification de la tique Ixodes scapularis, les experts suggèrent que les professionnels de la santé reçoivent une formation adaptée à leur lieu de pratique.

Le critère portant sur le nombre d’heures pendant lesquelles la tique est restée accrochée à la peau peut guider le professionnel de la santé pour discriminer une tique d’un insecte ou d’un autre type d’arthropode car peu ou pas d’insectes ou d’arthropodes restent accrochés à la peau pendant plus d’une journée au Québec. Les experts suggèrent de modifier ce critère en réduisant le nombre d’heures de 36 h à ≥ 24 h, comme le font déjà d’autres juridictions afin de permettre au patient et au clinicien de trouver des repères plus facilement pour identifier le nombre d’heures où la tique est restée accrochée.

Les experts suggèrent aussi que le critère visant le délai entre le retrait de la tique et l’administration de la PPE (72 h) soit le premier à être considéré par le clinicien chez un patient piqué par une tique, car ce critère est facilement vérifiable. De plus, ils suggèrent qu’aucun changement ne soit apporté au critère qui porte sur les contre-indications à la doxycycline.

En conclusion, les experts sont d’avis que la prophylaxie postexposition puisse être offerte aux personnes piquées par une tique au Québec sous certaines conditions. Ces conditions sont présentées dans un outil composé d’un algorithme décisionnel et d’une liste des endroits où la recommandation s’applique. Cet outil s’adresse aux professionnels de la santé œuvrant en première ligne et pourrait être mis à jour annuellement sur la base des résultats de surveillance de l’année précédente. Il sera entériné par les directions de santé publique des régions concernées avant d’être diffusé au réseau de la santé tôt en début de saison des tiques.

Sujet(s)

Type de publication

ISBN (électronique)

978-2-550-79327-4

Notice Santécom

Date de publication