Les inégalités sociales de santé en matière de tabagisme et d'exposition à la fumée de tabac dans l'environnement au Québec
Les effets du tabagisme sur la santé des populations sont connus et scientifiquement démontrés. L’usage du tabac constitue un problème de santé publique majeur au Québec, causant, bon an mal an, le décès de plus de 10 000 Québécois et Québécoises. La dernière décennie a néanmoins été marquée au Québec par une baisse significative du tabagisme et de l’exposition des non-fumeurs à la fumée de tabac dans l’environnement (FTE). Par contre, la prévalence de ces phénomènes dans les pays industrialisés suit de manière générale un gradient socioéconomique très prononcé.
La présence d’écarts, parfois très contrastés, sur les plans de la santé, du bien-être et de la maladie entre territoires ou sous-groupes de la population québécoise n’est plus à démontrer. Les inégalités sociales de santé — terme habituellement utilisé pour évoquer les écarts de santé associés au revenu ou à la classe sociale — affectent également des problématiques telles que le tabagisme et l’exposition des non-fumeurs à la FTE. Les personnes défavorisées socialement et économiquement sont plus susceptibles de s’initier au tabagisme, fument plus longtemps, vivent plus d’échecs lorsqu’elles tentent de cesser de fumer, sont davantage exposées à la FTE, et meurent plus souvent de façon prématurée.
La réduction des inégalités sociales de santé est à l’agenda de plusieurs organisations, au Québec comme ailleurs dans le monde. D’ailleurs, la réduction des inégalités de santé et de bien-être au sein des différentes couches de la population constitue au Québec le fondement de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, au même niveau que l’amélioration de la santé et du bien-être de l’ensemble de la population. La littérature scientifique fait état de deux hypothèses visant à rendre compte, chacune à sa manière, des inégalités géographiques relatives à la santé des populations. L’explication compositionnelle postule que des différences dans les caractéristiques des individus habitant un territoire géographique donné expliqueraient les inégalités sociales de santé notées entre différents territoires. L’explication contextuelle, pour sa part, suggère que les disparités notées entre certains lieux géographiques quant à la santé de la population de résidents proviennent de différences dans les attributs des lieux mêmes, sans lien avec les caractéristiques propres aux individus. Une conception théorique récente avance que ces deux construits, composition et contexte, ne constituent pas des objets hétérogènes et que leur influence conjointe agit comme intermédiaire dans la relation entre les individus, les quartiers et les inégalités de santé.
Le présent document vise à étudier l’évolution temporelle des inégalités sociales de santé en matière de tabagisme et d’exposition à la FTE au Québec et à estimer la contribution des déterminants socioéconomiques individuels et géographiques, ces derniers reflétant à la fois les caractéristiques de la population et celles de son environnement physique et social. Afin de remplir ces deux objectifs, les valeurs de l’indice de défavorisation matérielle et sociale sont associées à des indicateurs de tabagisme et d’exposition à la FTE spécifiques à la population québécoise.
Par cet effort de mise en évidence des écarts qui existent entre les gens des milieux plus défavorisés et ceux des milieux plus avantagés sur le plan de la santé, les auteurs souhaitent soutenir les partenaires du réseau de la santé et d’autres milieux dans la recherche de solutions collectives agissant simultanément sur plusieurs fronts à la fois.