Indicateurs et seuils météorologiques pour les systèmes de veille-avertissement lors de vagues de chaleur au Québec

À la suite de plusieurs événements de canicule récents dans le monde, notamment celui de l'été 2003 en France, plusieurs pays se sont intéressés à l'établissement de systèmes d'alerte afin de prévenir les mortalités reliées à ces événements. Ce type de systèmes se base sur des indicateurs météorologiques à partir desquels des seuils doivent être déterminés. Ces seuils sont généralement établis pour la température, et leurs valeurs correspondent aux températures entraînant une surmortalité importante. Au Québec, ces systèmes sont basés sur une étude réalisée en 2005 par la Direction de la santé publique de Montréal (DSPM) et portant sur la région de l'île de Montréal, alors que le Québec présente différents climats. Plusieurs régions sociosanitaires manifestaient de l'intérêt à examiner si des seuils différents pourraient s'appliquer hors Montréal, ce à quoi tente de répondre ce rapport.

La méthodologie utilisée dans la présente étude est basée sur celle développée par Litvak et al. (2005) pour l'étude de la DSPM. En résumé, cette méthode consiste à déterminer, à partir de données historiques de mortalité et de températures (et notamment d'épisodes de températures élevées), quelles sont les valeurs-seuils de températures (températures journalières minimales et maximales simultanément) qui entraînent une hausse significative de mortalité. La détection de tendances dans les données de mortalité historiques a cependant entraîné un ajustement de la méthodologie précédente. Ainsi, la valeur de surmortalité indiquant une hausse significative de mortalité est devenue non constante, pour tenir compte de la tendance. De plus, la base de données de décès initialement étudiée contenait les décès de toutes causes confondues. Pour déterminer si l'élimination des décès n'ayant pas de lien direct avec la température avait un impact, une nouvelle base de données excluant les décès par traumatismes a aussi été étudiée.

Dans un premier temps, l'étude de la DSPM a été mise à jour (mise à jour temporelle et homogénéisation des bases de données). Cette mise à jour a entraîné des résultats très semblables à ceux de 2005. La principale différence est que l'indicateur le plus performant déterminé par la DSPM (surmortalité toutes causes) était un indicateur moyenné sur trois jours noté (Tmax3j, Tmin3j), alors que celui défini avec la mise à jour était plus performant sur une seule journée, noté (Tmax, Tmin). Les valeurs-seuils associées restent les mêmes, soit (33 °C, 20 °C). Il est à noter que le retrait des décès traumatiques a entraîné des changements dans les résultats intermédiaires de la méthode, mais l'indicateur et les valeurs-seuils identifiés restent les mêmes.

Afin de réaliser une étude similaire pour le reste de la province, il a été nécessaire de regrouper les régions sociosanitaires (RSS) en classes homogènes du point de vue météorologique et représentant des taux journaliers de décès suffisamment élevés. Le regroupement par une méthode de classification a été appliqué aux variables météorologiques des différentes RSS du Québec et a entraîné la formation de quatre classes. La classe 1 regroupe les RSS 06 et 13, la classe 2, les RSS 04, 05, 07, 12, 14, 15 et 16, la classe 3, les RSS 02, 03 et 08 et la classe 4, les RSS 01, 10 et 11. Après analyse, la classe 4 a été retirée, puisqu'elle ne présente pas d'historique de hausse de mortalité due à la température. Il est suggéré d'utiliser pour ces régions les indicateurs et valeurs-seuils établis pour la classe 3, en cas de besoin.

Les résultats obtenus sont généralement peu affectés par la méthode utilisée (en tenant compte de la tendance ou pas) ou par la base de données choisie (toutes causes confondues ou sans traumas). L'indicateur déterminé pour la classe 1 (RSS Montréal et Laval), soit (Tmax2j, Tmin2j), est différent de celui déterminé lors de la mise à jour de l'étude de la DSPM (sur la seule région de l'île de Montréal), même si les valeurs-seuils restent les mêmes. De plus, pour la classe 2, l'indicateur identifié varie entre (Tmax, Tmin) et (Tmax2j, Tmin2j) et pour la classe 3, il s'agit de (Tmax, Tmin). Cette sensibilité du choix de l'indicateur optimal a entraîné une nouvelle modification de la méthodologie.

L'introduction d'un indicateur non plus moyenné uniformément sur 1, 2 ou 3 jours, mais avec une moyenne pondérée sur 3 jours a amené des résultats différents. Tout d'abord, la même pondération « optimale » a été identifiée pour les trois classes, soit 40 % pour le jour j, 40 % pour le jour j + 1 et 20 % pour le jour j + 2 (0,4; 0,4; 0,2). Bien qu'il puisse s'agir d'une coïncidence, il peut aussi s'agir de la pondération optimale, du moins pour le Québec. De plus, la comparaison des résultats de l'utilisation de la pondération aux résultats obtenus avec la moyenne uniforme met en évidence que les valeurs-seuils de la température maximale sont peu ou pas sensibles, ni à la méthode, ni à la base de données de décès utilisée, ni au choix de l'indicateur, alors que les valeurs-seuils de la température minimale le sont.

Finalement, une validation locale basée sur des stations phares a été effectuée sur les seuils établis. Une station phare est une station de prévision considérée par les experts météorologues d'Environnement Canada comme représentative d'une région donnée. La validation s'est fait à partir des observations historiques de températures, en vérifiant localement aux stations phares le nombre d'épisodes de dépassements des valeurs-seuils et en les comparant avec les épisodes identifiés de surmortalité dus à la température. La validation a confirmé l'amélioration apportée par l'utilisation d'indicateurs pondérés sur trois jours. Cependant, elle a soulevé un problème au niveau de la délimitation stricte des classes de RSS. En effet, la validation a montré que les RSS 14 et 16, appartenant à la classe 2, mais jouxtant la classe 1, sont mieux représentées par les indicateurs et seuils définis pour la classe 1. De plus, une fois ces RSS (14 et 16) retirées de la classe 2, la validation indique que la pondération (0,4; 0,4; 0,2) s'avère moins efficace pour cette classe que la pondération uniforme sur deux jours (0,5; 0,5; 0). Cette méthode a aussi permis d'identifier des stations phares suggérées pour l'application du système de veille-avertissement, pour chaque classe de même que pour chaque RSS étudiées. De plus, l'ajout d'un seuil local d'Humidex (valeur à la station phare), en seconde étape, améliore la précision système.

En conclusion, un système de veille-avertissement canicule est proposé pour tout le Québec, avec des indicateurs de température pondérés sur trois jours et un seuil local basé sur l'Humidex. Les stations à surveiller pour chaque RSS ont été identifiées, ainsi que leurs valeurs-seuils de températures et d'Humidex entraînant vraisemblablement une surmortalité significative et justifiant un déclenchement d'alerte sanitaire. Il est à noter que les seuils d'Humidex sont présentés strictement à titre indicatif, pour l'aide à la décision. Ils doivent être utilisés en seconde étape, seulement si les seuils de températures sont atteints.

Auteur(-trice)s
Pierre Gosselin
M.D., MPH, Institut national de santé publique du Québec, Institut national de la recherche scientifique
Sujet(s)
Chaleur extrême
ISBN (électronique)
978-2-550-59896-1
Notice Santécom
Date de publication