Les variants du SRAS-CoV-2 : pourquoi s’en préoccuper?

Alors que la vaccination laisse présager la fin de la pandémie de COVID-19, le virus n’a pas dit son dernier mot. De nouveaux variants ralentissent la sortie de crise. Dans une publication Synthèse sur les variants du SRAS-CoV-2 sous surveillance rehaussée : transmission, virulence, détection et réponse immunitaire, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) résume l’état des connaissances sur trois variants préoccupants qui ont en commun des mutations qui pourraient leur conférer un avantage évolutif.

Tour d’horizon en 7 questions à Grégory Léon, conseiller scientifique à l’INSPQ.

1. Pourquoi la progression des variants du SRAS-CoV-2 représente-t-elle un enjeu de santé publique?

Les nouvelles versions du virus seraient plus transmissibles et causeraient potentiellement plus d’hospitalisations ou de décès. Aussi, certaines mutations pourraient affecter la performance des tests de dépistage ou de criblage, mais aussi l’efficacité des vaccins actuels. Avec le temps, le virus évolue et accumule des mutations dans son génome. En moyenne, deux nouvelles mutations s’ajoutent à chaque mois comparativement à la souche initiale. Certaines mutations n’ont aucun effet sur le virus, alors que d’autres peuvent le rendre plus efficace pour infecter les cellules humaines.

2. Quels sont les variants qui font l’objet d’une surveillance particulière?

Depuis le début de la pandémie, des milliers de variants ont émergé un peu partout dans le monde. La plupart d’entre eux ne semblent pas préoccupants du point de vue clinique ou épidémiologique. On s’intéresse cependant en particulier aux variants qui présentent des mutations dans la protéine de spicule (ou spike en anglais), parce que cette protéine joue un rôle clé dans l’infection. C’est aussi cette protéine qui est visée par les vaccins et les traitements par anticorps. Si elle change suffisamment, elle pourrait déjouer les anticorps. Actuellement, quatre variants de SRAS-CoV-2 font l’objet d’une surveillance rehaussée : le variant B.1.1.7 ayant émergé au Royaume-Uni, le variant B.1.351 ayant émergé en Afrique du Sud, le variant P.1 ayant émergé au Brésil et le variant B.1.525 ayant émergé au Nigéria et au Royaume-Uni. Ces variants sont maintenant rapportés dans plusieurs pays, dont le Canada. D’autres variants sont également suivis, mais ne font pas l’objet d’une surveillance rehaussée pour le moment.

3. Le variant B.1.1.7 qui a émergé au Royaume-Uni est-il en train de devenir prédominant chez les nouveaux cas de COVID-19 au Québec?

Il est attendu que le variant B.1.1.7 devienne la souche prédominante au Québec au printemps. C’est déjà le cas en Ontario et dans plusieurs pays d’Europe. La dernière modélisation de l’évolution de la COVID-19 au Québec prédit une augmentation des cas reliés au variant B.1.1.7 au Québec. Toutefois, une forte adhésion aux mesures populationnelle et le renforcement des actions de santé publique (dépistage et traçage des contacts ainsi que la campagne de vaccination) pourraient ralentir sa progression dans toutes les régions du Québec.

4. En quoi le variant B.1.1.7 est-il différent de la souche initiale?

Les études estiment qu’il serait de 1,4 à 1,8 fois plus transmissible et de 1,1 à 1,7 fois plus virulent en termes de risque d’hospitalisation ou de décès comparativement aux autres variants non préoccupants en circulation (aussi appelés variants communs). Il pourrait causer des infections d’une durée plus longue et serait associé à une charge virale plus élevée dans les voies respiratoires supérieures, ce qui pourrait contribuer à sa transmissibilité accrue. Les manifestations cliniques de l’infection avec ce variant semblent toutefois les mêmes que celle de la souche initiale. La bonne nouvelle, c’est que les vaccins et les traitements par anticorps seraient aussi efficaces contre ce variant que contre la souche initiale.

5. Des cas du variant B.1.351 ayant émergé en Afrique du Sud ont aussi été détectés au Québec. Que sait-on de ce variant?

Il serait jusqu’à 1,5 fois plus transmissible comparativement aux autres variants communs et aurait causé une augmentation des décès en Afrique du Sud. Les études sont cependant limitées. La principale préoccupation vient du fait qu’en laboratoire, les anticorps se sont montrés moins efficaces pour neutraliser ce variant, que ce soit ceux du plasma de patients convalescents, de patients vaccinés ou de certains traitements contre la COVID-19. Dans ce contexte, les entreprises Pfizer-BioNTech et Moderna ont déjà annoncé des essais cliniques pour tester respectivement l’efficacité d’une troisième dose et développent un vaccin spécifique contre ce variant. Au Québec, ce variant est prédominant en Abitibi-Témiscamingue et, sur la base des résultats des essais cliniques préliminaires, la Santé publique a décidé de ne pas administrer le vaccin d’Oxford-AstraZeneca dans cette région.

6. Comment fait-on pour identifier les cas de variants?

Étant donné que ni les symptômes cliniques ni les résultats des tests diagnostiques de la COVID-19 ne permettent de différencier l’ensemble des variants, l’INSPQ et les laboratoires participants du réseau ont mis en place des tests de criblage des variants pour tous les échantillons positifs pour la COVID-19. Ce criblage est actuellement suivi du séquençage de tous les résultats présomptifs de variants sous surveillance rehaussée à des fins de confirmation de la lignée (B.1.1.7, B.1.351, P.1 et B.1.525). Des données sur la présence de ces variants au Québec et au Canada sont disponibles sur les sites Web de l’INSPQ et du gouvernement du Canada.

7. Comment adapter notre lutte à la pandémie dans le contexte des variants?

Il faut vacciner rapidement la population, puisqu’en ce moment les variants gagnent du terrain. De plus, les mesures préventives et le traçage des contacts sont essentiels pour ralentir leur propagation. Il faut aussi continuer à surveiller l’apparition de nouvelles mutations en séquençant de façon aléatoire des échantillons positifs pour la COVID-19. Bien qu’aussi efficaces pour prévenir les formes graves de la maladie attribuables à ces variants, les vaccins actuels contre la COVID-19 devront éventuellement être mis à jour pour s’attaquer spécifiquement aux variants qui pourraient développer une résistance.


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24 mars 2021