Surveillance provinciale des bactériémies nosocomiales sur cathéters centraux aux soins intensifs : avril 2007-mars 2008
Un programme de surveillance continue des bactériémies sur cathéters centraux aux soins intensifs a été mis en place en octobre 2003 et se poursuit depuis au sein des centres hospitaliers participants à partir du portail Web de surveillance de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Depuis janvier 2007, ce programme de surveillance est devenu obligatoire pour les unités de soins intensifs ayant 10 lits et plus. Le rapport annuel 2007-2008 sera donc particulièrement intéressant afin d'évaluer si une première rétroaction des taux d'incidence de bactériémies aura eu un impact sur les taux au sein des institutions nouvellement inscrites.
Nous vous présentons maintenant les résultats de la surveillance continue des bactériémies sur cathéter pour la période d'avril 2007 à mars 2008.
L’analyse des taux de bactériémies associées aux cathéters centraux (BACC) aux soins intensifs démontre que, de façon générale, les taux sont restés stables en 2007-2008, comparativement aux années antérieures pour toutes les unités de soins intensifs à l’exception des unités de néonatologie. En néonatologie, les taux de BACC ont augmenté à 5,6/1 000 jours-cathéters comparativement à un taux agrégé de 2003 à 2007 de 3,7/1 000 jours-cathéters malgré le fait que les unités de néonatologie aient le plus faible ratio d’utilisation de cathéters centraux, avec une moyenne d’utilisation à 0,21 comparativement à 0,32 aux USI non-universitaires et 0,66 aux USI adultes universitaires. Les analyses exploratoires semblent indiquer que, plus le poids de naissance des cas de bactériémie est faible dans une unité donnée, plus leur taux de BACC est élevé, ce qui est conséquent avec les données du NHSN. Il sera intéressant de suivre cette tendance lorsque les données seront plus complètes. Par ailleurs, le meilleur moyen de mieux saisir la stratification du risque dans chacune des USI de néonatologie serait d’obtenir des dénominateurs stratifiés par poids de naissance, tel que recommandé par le NHSN.
La comparaison des taux de BACC démontre, par ailleurs, que les USI ayant participé au programme SPIN-BACC depuis 2003 ont un taux d’incidence de bactériémies plus bas que les USI s’étant jointes au programme en 2007, lors de la mise en place du programme obligatoire. Ceci peut s’expliquer, soit par l’impact positif d’un programme de surveillance à la diminution des infections nosocomiales ou par les caractéristiques propres aux unités qui ont été en mesure de se joindre au programme dès le début, par exemple un programme de surveillance qui existait avant les débuts de SPIN, une importance plus grande donnée à la prévention des infections ou encore une meilleure rétroaction des résultats de surveillance aux cliniciens avec ou sans surveillance des processus.
La nouvelle définition du NHSN en regard de l’admissibilité d’une bactériémie à être étiquetée sur cathéter central est beaucoup plus spécifique et a un impact majeur sur les taux de BACC aux USI de néonatologie et aux soins intensifs adultes universitaires, tel que démontré cette année. En résumé, les nouvelles définitions du NHSN veulent qu’une bactériémie en présence d’un cathéter central causée par un microorganisme généralement considéré comme un contaminant ne réponde plus aux critères même si le médecin débute une antibiothérapie appropriée si une seule hémoculture est positive. Le NHSN requiert maintenant 2 hémocultures positives, ce qui a un impact majeur sur les taux — particulièrement en néonatologie et aux soins adultes universitaires où la plus grande précarité des patients et la difficulté d’accès veineux — particulièrement en néonatologie — peut amener les médecins traitants à ne faire qu’une seule hémoculture et débuter l’antibiothérapie immédiatement.
Toutefois, afin de conserver notre capacité à comparer nos taux annuels avec nos données antérieures, SPIN utilisera les mêmes définitions qu’auparavant mais rapportera les taux de deux manières, soit avec les définitions SPIN et selon la nouvelle définition du NHSN afin de permettre la comparaison avec l’étalon externe.
En termes de microbiologie, la proportion des S.aureus résistants à la méthicilline (SARM) a augmenté à 42 % comparativement à 24 % l’année dernière. Cette recrudescence du SARM, bien que statistiquement non-significative, devra être suivie de près. Autre fait intéressant, le Candida sp., qui était la 2e ou 3e cause avec le S.aureus des bactériémies sur cathéters centraux aux soins intensifs, est maintenant passé derrière l’entérocoque qui demeure sensible à la vancomycine.
La causalité des décès étant parfois difficile à obtenir, nous ajouterons au questionnaire la date du décès et non seulement l’issue à 30 jours, ce qui nous permettra de valider — à la manière de la surveillance du C. difficile la corrélation entre la présence d’un décès à 10 et 30 jours avec la causalité inférée par les cliniciens.
Il sera intéressant de voir l’évolution des taux de BACC au cours de prochaines années. Les analyses sont en cours afin de déterminer le nombre minimal de périodes de surveillance nécessaires qui fournira une estimation valable du taux annuel provincial.
En conclusion, la surveillance des bactériémies sur cathéters centraux offre un grand potentiel de prévention qui pourrait être maximisé par la surveillance des processus — en particulier, lors de l’insertion et de l’entretien des cathéters centraux. Cette surveillance des processus, bien que difficile à réaliser au niveau provincial, devrait avoir lieu au niveau local. Au niveau de SPIN, une évaluation sommaire des processus pourrait être faite en estimant la durée moyenne de cathétérisation par patient dans chacune des unités, soit par un audit pour certaines périodes particulières ou en demandant le nombre de patients avec cathéters centraux par période – permettant ainsi d’inférer une durée moyenne de cathétérisation à partir du nombre de jours-cathéters recueillis.