Mise à jour des connaissances sur l'utilisation de l'amiante dans les enrobés bitumineux

La Politique d'utilisation accrue et sécuritaire de l'amiante chrysotile au Québec préconise l'utilisation accrue d'amiante dans divers secteurs d'activité économique, notamment dans celui de la fabrication d'enrobés bitumineux. Dans ce contexte, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a demandé à l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) de préparer un avis sanitaire sur les enrobés bitumineux contenant de l'amiante (EBCA).

Pour ce faire, l'INSPQ a effectué une revue de la littérature sur la production et l'utilisation actuelle de ces produits au Québec. L'INSPQ a également passé en revue les données disponibles sur l'exposition à l'amiante engendrée par les EBCA et les conditions nécessaires à leur production, leur utilisation et leur élimination d'une manière sécuritaire.

Depuis quelques années, la consommation locale d'amiante provenant des mines québécoises est demeurée stable à près de 5 000 tonnes de chrysotile par année, dont une certaine partie est mélangée aux enrobés bitumineux. Ces enrobés sont appliqués par le ministère des Transports du Québec (MTQ) sur divers tronçons routiers de son territoire et par les services de voirie de certaines villes et municipalités.

À l'échelle nationale et internationale, les données sur l'exposition professionnelle aux fibres d'amiante en lien avec les EBCA sont peu nombreuses. Toutefois, les niveaux d'exposition recensés sont, en général, supérieurs au centième (0,01) de fibre/ml et peuvent dépasser 1 f/ml, lors de certaines opérations liées à la production, à l'épandage et au retrait (planage) des EBCA.

Par comparaison, les niveaux retrouvés dans l'environnement général sont inférieurs à ceux des milieux de travail. Ainsi, en milieu rural, les concentrations ambiantes ne dépasseraient pas le dix millième (0,0001) de fibre/ml, alors qu'en milieu urbain les concentrations peuvent atteindre le millième (0,001) de fibre/ml. D'autre part, les concentrations à proximité de chaussées contenant de l'amiante se situeraient autour du millième de fibre/ml et moins.

Également dans l'environnement général, mais en présence d'une source d'émission – comme dans une ville minière par exemple – des concentrations allant jusqu'au centième (0,01) de fibre/ml ont été rapportées. De plus, les quelques données disponibles sur les concentrations de fibres d'amiante engendrées par les haldes inactives de résidus miniers indiquent des concentrations inférieures au dix millième (0,0001) de fibre/ml. Quant aux concentrations mesurées à proximité de lieux d'enfouissement pouvant contenir des déchets d'amiante, elles seraient de l'ordre du millième de fibre/ml, mais peuvent atteindre quelques fibres par millilitre lors d'activités de déchargement ou d'ensevelissement de déchets.

Des directives de pratiques pour la gestion et le contrôle de l'amiante en milieu de travail ont été recensées dans la littérature. En général, ces directives s'articulent autour de plusieurs mesures regroupées dans un plan global de prévention mis en œuvre par l'employeur et visant la protection de la santé des travailleurs. Cela comprend entre autres, l'instauration d'un programme de surveillance environnementale touchant l'amiante et les autres contaminants inhérents à la composition des enrobés bitumineux, ainsi que ainsi que la mise en place de moyens de protection lors d'opérations effectuées en présence d'amiante. En ce qui a trait aux déchets, les exigences réglementaires pour la collecte et l'élimination des déchets amiantés sont beaucoup plus rigoureuses pour les pays qui considèrent l'amiante comme une matière dangereuse que pour ceux qui, à l'instar du Québec, le considèrent comme une matière solide dont on doit uniquement empêcher la dissémination dans l'environnement. Toutefois, toutes les réglementations font une distinction entre les matériaux contenant de l'amiante (MCA) friable ou non friable, et imposent des précautions plus strictes pour l'amiante friable. Dans le cas du transport, toutes les législations consultées, y compris la québécoise, identifient les MCA friables comme des matières dangereuses.

Malgré la présence de directives de pratiques et de réglementations encadrant la fabrication et l'utilisation sécuritaires de produits à base d'amiante, l'Organisation international du travail ainsi que l'Organisation mondiale de la Santé préconisent l'arrêt de l'utilisation de l'amiante comme mesure préventive pour éliminer les maladies découlant de l'exposition à l'amiante.

À la lumière des données disponibles, plusieurs recommandations sont émises concernant divers aspects.

Tout d'abord, afin de pallier la rareté des données sur les niveaux d'exposition, une actualisation des concentrations ambiantes d'amiante est nécessaire, tant dans les milieux de travail où des EBCA sont produits et utilisés, que dans l'environnement général de diverses régions du Québec et à proximité de sources potentielles d'exposition. Ces mesurages devraient respecter les conditions optimales d'échantillonnage pour que les résultats qui en découlent soient fiables et représentatifs. En environnement général, l'analyse des fibres devrait être effectuée par microscopie électronique à transmission afin de caractériser adéquatement le type de fibres d'amiante impliquées.

Par ailleurs, bien qu'il soit possible d'identifier les tronçons routiers comportant des EBCA sous la responsabilité du MTQ, il est actuellement impossible de connaître les tronçons où des EBCA sont appliqués par les services de voirie de certaines villes et municipalités. Il est donc important d'explorer la faisabilité d'établir un mécanisme pour l'obtention des données des villes et municipalités qui pourraient utiliser des EBCA, tout en s'assurant d'un accès aux données disponibles auprès du MTQ.

En outre, dans une perspective de surveillance de l'exposition professionnelle, comme les installations qui fabriquent les EBCA ne sont pas toujours connues, il est important que des efforts continus soient déployés afin de recenser ces installations à travers le Québec.

Il va de soi que pour tous les milieux de travail, il est recommandé que les mesures préventives issues des réglementations et des directives de pratiques soient renforcées et appliquées adéquatement afin de protéger les travailleurs.

La présence de fibres d'actinolite dans quelques prélèvements effectués lors d'opérations de retrait d'EBCA n'a pas été élucidée. À cet effet, il serait souhaitable d'initier un projet pour confirmer la présence d'actinolite dans les mines d'amiante et les carrières au Québec.

Enfin, pour ce qui est des déchets d'EBCA, compte tenu que les quantités d'EBCA pourraient augmenter avec l'application de la Politique d'utilisation accrue, il est recommandé d'évaluer les mesures les plus adaptées à mettre en place afin de prévenir les expositions accidentelles à l'amiante pouvant survenir lors de travaux d'enfouissement, de terrassement ou d'utilisation future des lieux d'enfouissement de déchets amiantés, par exemple, par la réutilisation des déchets d'EBCA pour en réduire les quantités à éliminer.

Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-56441-6
ISBN (imprimé)
978-2-550-56440-9
Notice Santécom
Date de publication