Surveillance provinciale des nouveaux cas d'entérocoque résistant à la vancomycine (ERV) : septembre 2006 - août 2007
Il faut d'abord souligner qu'un taux de participation de 100 % a été obtenu lors de cette première année de collecte de données, soit de septembre 2006 à août 2007. Ceci nous permet pour la première fois d'avoir une idée globale de l'importance de l'ERV dans la province. Il est rassurant de constater que 48 % (39/81) des laboratoires n'ont isolé aucun ERV durant cette période et que 33 % (27/81) n'ont isolé que de une à neuf souches au cours de l'année. Donc, pour 81 % (66/81) des CH, l'ERV ne représente pas un problème important, dans la mesure où ces centres ne sous-estiment pas l'incidence par le fait d'un programme (théorique ou appliqué) de dépistage sous-optimal. L'ERV est un problème plus important pour 19 % (15/81) des CH.
Au niveau géographique, l'ERV a été isolé surtout à Montréal et dans les régions limitrophes (Montérégie, Laurentides, Laval) avec l'exception de la Mauricie et Centre-du-Québec où deux centres ont isolé plus de 50 souches. L'ERV a par ailleurs été détecté dans 12 des 16 régions du Québec représentées dans la surveillance. Les CH doivent donc être préparés tant pour le dépistage en laboratoire (protocole de laboratoire, milieux sélectifs appropriés, etc.) que pour la prévention et le contrôle des infections (programme de surveillance, protocole d'intervention, etc.). Une deuxième édition du guide sur les «nbsp;Mesures de contrôle et de prévention des infections à ERV au Québecnbsp;» est en cours d'élaboration.
L'ERV n'est pas isolé fréquemment à partir de spécimens cliniques (3 % des cas : 25/834), une observation conforme aux données de la littérature. Ce résultat s'explique en grande partie par le biais de l'échantillonnage. En effet, les dépistages pour la détection d'ERV sont majoritairement prélevés sur les selles et écouvillons rectaux, spécimens non associés à des infections. De plus, le pouvoir pathogène relativement faible des entérocoques en général et de l'ERV pourrait également contribuer à ce phénomène couplé à des mesures rigoureuses de prévention et de contrôle des infections dès la détection de cas de colonisation. Un sondage envoyé récemment (1er novembre 2007) aux laboratoires et aux services de prévention et de contrôle des infections dans les établissements de soins aigus devrait permettre de connaître davantage les politiques de dépistage et les mesures de surveillance et de contrôle de l'ERV observées dans les hôpitaux. La déclaration des éclosions n'est obligatoire via le système MADO que depuis 2003.
La compilation du nombre d'éclosions à ERV au Québec ainsi que la durée moyenne de ces éclosions a été faite par la DSP de Montréal de 1996 à 2004 et reprise par la suite par le MSSS. De 1996 à août 2007, on a observé une hausse du nombre d'éclosions rapportées au Québec. Alors qu'une moyenne de 6,6 éclosions par an était signalée entre 1996-2006, le nombre a augmenté à 20 éclosions en 2007. La durée moyenne des éclosions s'établissait à 101 jours pour cette même période.
Une étude complémentaire faite par la DSP de Montréal a permis d'identifier 10 éclosions dans les CH montréalais entre janvier et août 2007 d'une durée moyenne de 69,4 jours et un nombre moyen de 10 cas d'ERV par éclosion. Les éclosions à ERV sont longues, affectent plusieurs patients et sont difficiles à contrôler. Elles entraînent une charge de travail importante pour le personnel des unités de soins, les laboratoires, les équipes de prévention et de contrôle des infections et les services d'hygiène et de salubrité. De plus, elles ont un impact direct sur la gestion des lits, les admissions et les transferts inter-établissements.
Ce premier rapport SPIN-ERV comporte cependant certaines limites. La déclaration des nouveaux cas d'ERV est basée sur la surveillance en laboratoire sans complément d'information épidémiologique ni clinique : il est donc impossible d'analyser les cas sur la base du lieu d'acquisition (communautaire vs nosocomial) ni sur la base de la signification clinique (colonisation vs infection). De plus, plusieurs laboratoires réfèrent leurs échantillons à un laboratoire extérieur pour les tests de dépistage. Il devient donc difficile de calculer des taux d'incidence. Pour permettre des comparaisons géo-spatiales intra et interétablissement, il faudra développer des instruments qui soient bien définis, bien compris, et bien respectés (revue de processus) par tous les établissements. La tâche est d'autant plus difficile que plus de 97 % des nouveaux cas sont détectés par les épreuves de dépistage et non par les spécimens cliniques généralement obtenus dans un contexte symptomatique. Le défi sera d'obtenir des numérateurs et des dénominateurs fiables (ex. : 10 000 joursprésence). La densité d'exposition ainsi que le risque d'acquisition devront aussi être pris en compte. De plus, il faudrait développer un portail de surveillance similaire à celui utilisé pour faire la surveillance des bactériémies à Staphylococcus aureus où les nouveaux cas sont entrés à chaque période par le service de prévention des infections. Il serait alors possible de classer les établissements en fonction d'un taux d'incidence. De plus, l'inclusion de données cliniques permettrait de distinguer entre les cas infectés et colonisés, ce que l'étude de laboratoire actuelle ne permet pas de faire.