Évaluation du coût et des avantages potentiels d'une campagne d'immunisation contre le méningocoque de sérogroupe C au Québec
Suite à la recrudescence des infections invasives causées par le méningocoque de sérogroupe C (IMC) au Québec depuis le début de l’année 2001, le Directeur de la protection de la santé publique du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a demandé au Comité sur l’Immunisation du Québec (CIQ) de prévoir, dans la mesure du possible, l’évolution de l’épidémiologie des IMC dans la province et de donner un avis sur les stratégies de contrôle qui peuvent être envisagées, tenant compte de l’homologation au Canada d’un nouveau vaccin conjugué. Afin de répondre à cette demande, une analyse épidémiologique et économique a été réalisée afin de définir un nombre restreint de scénarios concernant l’évolution de l’incidence des IMC durant la période 2001-2006, d’estimer la probabilité de réalisation de chacun des scénarios, d’évaluer l’impact potentiel d’une campagne d’immunisation de masse, son coût et ses indices coût-efficacité. Les résultats devraient éclairer les décideurs sur l’opportunité de réaliser une campagne d’immunisation de masse avant la fin de l’année 2001 visant l’ensemble de la population âgée de moins de 20 ans au Québec.
Une campagne d’immunisation massive réalisée au Québec avant la fin de l’année 2001 a le potentiel de diminuer de façon significative l’incidence des IMC dans la population. Toutefois, l’impact d’une telle campagne en termes de cas et de décès prévenus dépend fortement de l’évolution naturelle de l’épidémiologie des IMC suite à la recrudescence observée depuis le début de l’année dans l’ensemble de la province et dans la région de Québec en particulier. Faire des prévisions quant à l’épidémiologie des IMC est un exercice particulièrement périlleux, mais les experts s’entendent pour prédire qu’un retour rapide à une situation endémique est peu probable, comme est également peu probable un scénario pire que celui observé en 1991-1995. Les deux scénarios les plus réalistes anticipent un nombre de cas d’IMC compris entre 172 et 344 durant les cinq prochaines années. Ce dernier chiffre résultant d’un scénario semblable à celui observé en 1991-1995 récolte la majorité des suffrages.
Pour tenir compte de l’incertitude entourant l’évolution de l’incidence de la maladie, une moyenne pondérée des bénéfices d’une campagne d’immunisation à été établie en se basant sur les probabilités de réalisation de chacun des scénarios. En utilisant cette méthode, le nombre de cas d’IMC qui pourraient être prévenus sur une période de 5 ans varie entre 161 et 181, en fonction du mode d’utilisation des vaccins polysaccharidique et conjugué. Les résultats d’études épidémiologiques antérieures indiquent de manière convaincante que le vaccin conjugué induit un niveau de protection supérieur quel que soit l’âge, et que l’avantage est important chez les enfants les plus jeunes (De Wals et coll. 2001; Ramsay et coll. 2001). Ainsi, l’utilisation exclusive du vaccin conjugué permettrait de prévenir une vingtaine de cas supplémentaires par rapport à un programme prévoyant l’utilisation ce nouveau vaccin chez les seuls enfants de moins de 12 ans. Contrairement au vaccin polysaccharidique, le vaccin conjugué induit une mémoire immunitaire et il est tout à fait plausible que l’immunité conférée soit de très longue durée (Lepow et coll. 1999), ce qui pourrait améliorer grandement l’utilité d’une campagne d’immunisation utilisant ce dernier vaccin. En cas de revaccination avec un vaccin polysaccharidique, comme cela pourrait être le cas pour beaucoup de personnes âgées actuellement de plus de 9 ans au Québec, un phénomène de tolérance immunitaire pourrait être observé. La tolérance se manifeste par une élévation moindre des anticorps en cas de revaccination qu’après une primovaccination, mais les conséquences cliniques de ce phénomène ne sont pas connues (Lepow et coll. 1999). L’utilisation de seul vaccin conjugué semble donc préférable pour une campagne d’immunisation de masse, mais l’hypothèse d’une disponibilité restreinte pourrait dicter l’utilisation conjointe des deux vaccins comme dans le modèle de base. L’utilisation du vaccin polysaccharidique en dessous de l’âge de 12 ans serait difficilement défendable.