Évaluation de l’exposition des inhalothérapeutes enceintes au bromure d’ipratropium et au sulfate de salbutamol
Faits saillants
À la demande de la Communauté médicale provinciale d’harmonisation du programme Pour une maternité sans danger (CMPH-PMSD), le Groupe de travail en inhalothérapie (GTI) de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a procédé à la caractérisation environnementale d’un poste de travail d’inhalothérapeute lors de l’administration de bromure d’ipratropium et de sulfate de salbutamol en aérosols par nébulisation. Cette caractérisation a été réalisée à l’aide d’échantillons de l’air ambiant dans lesquels les concentrations de particules et de médicaments ont été mesurées. Une modélisation pharmacocinétique a complété la caractérisation environnementale dans le but d’estimer la dose de médicament qui se retrouve dans la circulation sanguine de l’inhalothérapeute enceinte. En l’absence d’un modèle pour le bromure d’ipratropium, seul le sulfate de salbutamol a été modélisé.
Principaux résultats
- Les inhalothérapeutes sont exposé(e)s au bromure d’ipratropium et au sulfate de salbutamol lorsqu’ils ou elles administrent ces médicaments en aérosols par nébulisation. Les résultats de l’échantillonnage environnemental révèlent qu’à chaque prélèvement, les deux médicaments ont été détectés dans la zone respiratoire de l’inhalothérapeute.
- Le niveau d’exposition ponctuelle des inhalothérapeutes varie d’un traitement à l’autre. Il est influencé par l’état de santé respiratoire du patient, le système utilisé pour l’administration du médicament, le masque troué générant le plus de particules dans l’air ambiant, le système de ventilation en place et la survenue d’événements pendant le traitement.
- Le niveau d’exposition cumulative varie également, cette fois-ci en fonction des niveaux d’exposition ponctuelle et du nombre de traitements administrés pendant le quart de travail.
- Comme le bromure d’ipratropium et le sulfate de salbutamol ne sont pas des substances réglementées par le Règlement sur la santé et la sécurité du travail en vigueur au Québec, les valeurs de référence des fabricants pour les travailleurs et les travailleuses ont été utilisées à titre comparatif. Dans tous les cas, les concentrations mesurées et leurs paramètres statistiques étaient inférieurs aux valeurs de référence. Cependant, en l’absence d’informations fournies par les fabricants, une question demeure à savoir si ces valeurs de référence sont sécuritaires durant la grossesse.
- À la lumière des résultats de la modélisation pharmacocinétique du devenir du sulfate de salbutamol dans l’organisme de l’inhalothérapeute enceinte et de son fœtus, les probabilités de dépassement des niveaux présumés sans risque pour leur santé sont nettement plus élevées lors du pic saisonnier qui correspond à la saison grippale, durant laquelle un plus grand nombre de patients sont traités en inhalothérapie. Pour demeurer sous les valeurs de niveaux ci-haut mentionnés, la fréquence des traitements de sulfate de salbutamol en aérosols par nébulisation administrés par une inhalothérapeute enceinte ne devrait pas excéder cinq traitements par demi-journée, ou huit traitements par jour.
Limites
La démarche comporte des limites liées à l’échantillonnage environnemental des médicaments qui pour l’instant n’a été effectué qu’en milieu de soins pour adultes. Aucune mesure n’a été prise en milieu de soins pédiatriques. À ceci s’ajoutent les conditions environnementales particulières qui prévalaient au moment de l’échantillonnage fait en contexte pandémique, le petit nombre d’échantillons recueillis, le nombre maximal de traitements administrés pendant une journée d’échantillonnage qui n’a pas excédé six traitements et les limites inhérentes à la modélisation pharmacocinétique. Ces limites doivent être prises en compte lors de la généralisation des résultats à des contextes autres que ceux qui prévalaient au moment du projet.
Conclusion
Dans une optique de prévention, pour diminuer l’exposition des inhalothérapeutes enceintes, les milieux de soins pourront miser sur la présence d’un système de ventilation efficace dans les locaux où les traitements en aérosols par nébulisation sont administrés, sur un nombre de traitements maximal par quart de travail et sur l’emploi de filtres HEPA sur les embouts buccaux.