Évaluation de la pertinence d'un programme d'immunisation contre les infections pneumococciques chez l'enfant comportant un nombre réduit de doses de vaccin conjugué - Édition révisée

À la demande du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, le présent avis a été préparé afin d'évaluer la pertinence d'un programme d'immunisation contre les infections pneumococciques de l'enfant comportant un nombre réduit de doses de vaccin pneumococcique conjugué 7-valent (VPC-7). Cet avis fait suite à un premier avis émis en 2002 et tient compte des résultats de nouvelles études. La stratégie de vaccination de routine qui comporte 4 doses de VPC-7 (2, 4, 6 et 12 mois) est celle qui sert de référence. Les stratégies qui lui sont comparées comportent trois doses administrées à l'âge de 2, 4 et 6 mois, ou à l'âge de 2, 4 et 12 mois, ou encore une stratégie comportant 2 doses administrées à 2 et 4 mois. Un modèle de simulation a été développé pour estimer les bénéfices et coûts marginaux de différents calendriers et des résultats préliminaires sont présentés. Comme il n'existe aucune donnée sur l'efficacité d'un nombre réduit de doses de vaccins pour prévenir les infections pneumococciques non invasives, principalement les pneumonies non accompagnées d'une bactériémie et les otites, l'analyse est restreinte aux infections invasives.

On peut estimer que, sans programme de vaccination, un peu plus de 200 cas d'infection invasive pourraient survenir annuellement au Québec dans la population âgée de moins de 10 ans. En supposant un taux de létalité de 2 %, on pourrait s'attendre à environ 4 décès par an dans ce groupe. On observe une augmentation de la prévalence des souches ayant une sensibilité réduite aux antibiotiques usuels. Les souches résistantes à au moins un antibiotique ou multirésistantes appartiennent en majorité aux sérotypes qui figurent dans le VPC-7.

Une étude récente au Royaume-Uni a comparé l'immunogénicité d'un calendrier à 3 doses (2, 3, 4 mois) et à 2 doses (2, 4 mois) pour un vaccin pneumococcique 9-valent très semblable au VPC-7 : les niveaux d'anticorps étaient similaires dans les deux groupes lors de mesures à l'âge de 5 mois et de 12 mois, ainsi que la réponse anamnestique après une dose de rappel. Dans cette étude, les niveaux d'anticorps mesurés après deux doses (2 et 4 mois) étaient semblables à ceux observés après 3 doses (2, 4 et 6 mois) dans l'essai randomisé de la Kaiser Permanente aux États-Unis.

La situation de pénurie qui a prévalu aux États-Unis depuis l'homologation du vaccin en 2000 a été mise à profit par le CDC pour entreprendre une étude cas-témoin. Les résultats préliminaires indiquent que la protection conférée par une seule dose est inférieure à celle associée à deux doses ou plus. Des taux de protection supérieurs à 90 % sont obtenus par des calendriers à deux, trois ou quatre doses, et il n'y a pas de différence statistiquement significative entre ces différents calendriers. Dans un contexte d'immunisation avec un nombre variable de doses, aux États-Unis, on a constaté une immunité de groupe qui se traduit par une réduction de la fréquence des infections invasives causées par les sérotypes vaccinaux supérieure à ce qui était attendu, connaissant les taux de couverture vaccinale dans la population visée. Une réduction de la fréquence des infections a également été observée dans la plupart des groupes non vaccinés.

Afin de réduire au maximum les coûts d'un nouveau programme, au Québec, l'administration du VPC-7 doit se faire à l'occasion d'autres vaccinations déjà prévues à l'âge de 2 mois (1 injection), de 4 mois (1 injection), de 6 mois (1 injection) et 12 mois (2 injections). Il faut mentionner que l'immunisation contre la varicelle (une dose) doit être offerte dès l'âge de 12 mois, bien que ce vaccin ne soit pas encore inclus dans le calendrier régulier au Québec. Par ailleurs, l'immunisation contre l'influenza au cours de l'automne est maintenant recommandée pour tous les enfants âgés entre 6 mois et 23 mois, deux doses devant être administrées la première année et une seule dose par la suite.

Afin de comparer les avantages et inconvénients de différents calendriers pour l'immunisation de routine des enfants, un modèle de simulation a été développé, à partir de celui élaboré pour évaluer les rapports coût-efficacité du VPC-7 au Canada. La perspective choisie est celle d'un enfant qui ne présente pas de déficience immunitaire. Les taux de protection contre les infections invasives causées par les sérotypes contenus dans le VPC-7 ont été déterminés par des experts à partir des résultats de l'essai randomisé aux États-Unis et de ceux de l'étude cas-témoin du CDC. Les résultats des simulations montrent que la réduction de la morbidité est de 71,6 % pour le calendrier 4-6 mois, de 74,3 % pour le calendrier 2-4-6 mois, de 77,8 % pour le calendrier 2-4-12 mois et de 78,1 % pour le calendrier 2-4-6-12 mois. Avec un vaccin acheté au prix unitaire de 70 $ et un coût d'administration d'environ 8 $ par dose (7 $ pour le système de santé et 1$ pour les familles), l'immunisation d'un enfant revient à plus de 300 $ pour le calendrier comportant 4 doses et les coûts sont réduits de façon proportionnelle avec un nombre réduit de doses. Après actualisation des coûts et bénéfices au taux de 3 % par an, les indices coût-bénéfice incrémentaux du calendrier à 4 doses, par rapport aux trois autres calendriers, ont été calculés. Ainsi, passer d'un programme à 2 doses à un programme à 4 doses permet d'éviter environ 16 nouveaux cas d'infection invasive dans une cohorte de 100 000 enfants, mais le coût supplémentaire est de 15,65 millions pour la société, ce qui donne un coût incrémental de 964 000 $ par cas évité supplémentaire. En passant du programme à 3 doses le plus efficace (2, 4 et 12 mois) à un programme à 4 doses, les coûts incrémentaux deviennent faramineux : moins d'un cas évité supplémentaire pour une différence de 7,83 millions $, ce qui revient à un investissement de l'ordre de 2 millions $ pour chaque année de vie gagnée ajustée pour la qualité.

À l'heure actuelle, l'accessibilité au vaccin pneumococcique conjugué 7-valent est limité au Québec, et cela est source d'inéquité. Un programme public de vaccination visant l'ensemble des enfants devrait être implanté le plus rapidement possible. En considérant l'ensemble des données d'immunogénicité et d'efficacité disponibles, le Comité sur l'immunisation du Québec estime qu'un minimum de 2 doses de VPC-7 en bas âge est nécessaire pour assurer un niveau satisfaisant de protection à court terme. Le bénéfice procuré par une troisième dose de vaccin donnée à 6 mois semble modeste. Une dose de rappel donnée à l'âge d'un an entraîne une bonne réponse anamnestique qui peut allonger significativement la durée de la protection et amplifier l'impact d'un programme sur la transmission des souches de S. pneumoniae appartenant aux sérotypes qui figurent dans le VPC-7. Par ailleurs, l'expérience acquise avec d'autres vaccins polysaccharidiques conjugués doit être prise en compte dans la décision. Au Royaume-Uni, un programme d'immunisation contre l'Haemophilus influenzae de type b a débuté en 1992. Trois doses de vaccin conjugué étaient offertes, respectivement, à l'âge de 2, 3 et 4 mois, et aucun rappel n'était fait. Après quelques années de plein succès, le nombre de cas a augmenté chez les vaccinés et une campagne de rattrapage avec une quatrième dose a été mise en oeuvre en 2003. Ce phénomène n'a pas été observé dans les pays qui offrent une dose de rappel dans la seconde année. Toujours au Royaume-Uni, une perte de protection a été observée chez les enfants qui avaient reçu trois doses de vaccin méningococcique conjugué suivant le calendrier régulier (2, 3 et 4 mois), alors qu'un haut degré de protection subsistait jusque 4 ans après une dose de vaccin reçue après l'âge de 12 mois. Il n'est pas impossible qu'un calendrier d'immunisation comportant quatre doses de VPC-7 soit légèrement plus efficace qu'un calendrier comportant 3 doses mais la différence en termes de cas prévenus est certainement très faible, alors que le coût supplémentaire est important, ce qui se traduit par des indices coût-efficacité incrémentaux difficilement acceptables. Les économies générées par un calendrier à trois doses pourraient servir au financement d'un autre programme de prévention procurant beaucoup plus de bénéfices sanitaires que ceux associés à la quatrième dose de VPC-7. Pour toutes ces raisons, le CIQ considère que le calendrier 2, 4 et 12 mois est l'option la plus intéressante pour un programme de vaccination universelle contre les infections pneumococciques de l'enfant au Québec, tout en reconnaissant les difficultés liées aux injections multiples lors d'une même visite.

Il faudra donc prévoir une information adéquate aux parents, mentionnant l'innocuité des injections multiples simultanées par rapport aux injections différées, le risque de maladie associé au retard dans l'administration d'un vaccin, et les inconvénients liés à la prise d'un nouveau rendez-vous. Il est également crucial de prévoir des programmes d'information et de formation pour les vaccinateurs qui devront gérer l'administration de trois ou quatre vaccins lors d'une même visite.

Pour les enfants qui ont une condition médicale possiblement associée à une altération de la fonction immunitaire et qui risquent de répondre moins bien au VPC-7, le maintien d'un calendrier à quatre doses est recommandé. Dans les régions nordiques, les otites constituent un problème particulier et l'accès aux soins est réduit pour le traitement des infections qui requièrent une hospitalisation. Pour des raisons opérationnelles, le calendrier implanté au Nunavik comporte quatre doses de VPC-7 offertes respectivement à l'âge de 2, 4, 6 et 18 mois. Dans un tel contexte, le maintien du calendrier actuel est préférable.

L'évaluation de tout nouveau programme de santé est un devoir envers la population et le contribuable, d'autant plus qu'il existe des incertitudes quant à l'impact réel du programme. Dès avant la mise en oeuvre d'un programme d'immunisation avec le VPC-7, il faudra planifier son évaluation, la principale question étant l'efficacité populationnelle d'un calendrier comportant un nombre réduit de doses de VPC-7, advenant le choix de cette option.

Note(s)

Cette édition révisée remplace celle déposée sur le site Web en novembre 2004. Une erreur s'était glissée dans le premier document, page 35, dernier paragraphe, 2e ligne : on aurait dû lire 2,4 et 12 mois (et non 2,4,6, et 12).

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ISBN (imprimé)
2-550-43796-9
Notice Santécom
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