Étude sur la qualité de l'eau potable dans sept bassins versants en surplus de fumier et impacts potentiels sur la santé - Étude du risque de gastro-entérite chez les familles utilisant l'eau d'un puits domestique

Les activités de production animale intensive sont actuellement responsables de surplus de fumier dans 7 bassins versants du Québec. La présente étude a été réalisée afin de vérifier si les personnes résidant dans les municipalités en surplus avaient un risque plus élevé de gastro-entérite que celles résidant dans des municipalités qui ne sont pas en surplus.

L'enquête a été réalisée du 6 au 31 mai 2002 chez 1 164 familles résidant dans les 7 bassins versants déterminés par le ministère de l'Environnement du Québec comme ayant des surplus de fumier importants. Il s'agit des bassins des rivières Chaudière, Etchemin et Boyer, pour la région de la Chaudière-Appalaches, des bassins des rivières L'Assomption et Bayonne pour la région de Lanaudière, de celui de la rivière Yamaska en Montérégie, et Nicolet pour la région Centre-du-Québec. Ces familles avaient préalablement accepté de participer à l'enquête, menée par le ministère de l'Environnement, portant sur la qualité de l'eau souterraine dans ces territoires.

Trois mille huit personnes (3 008), soit 87 % des personnes admissibles, ont participé à l'enquête. Neuf cent vingt-trois familles (923) résidaient dans des municipalités en surplus de fumier (groupe exposé) et 241 dans des municipalités non en surplus (groupe non exposé). Les participants (ou un de leurs parents pour les moins de 14 ans) devaient remplir un questionnaire portant sur les habitudes de consommation d'eau ainsi que sur les symptômes de gastro-entérite (vomissements, diarrhée) survenus durant la dernière semaine avant la visite du technicien d'enquête. Ils devaient aussi répondre à plusieurs questions concernant les facteurs de risque de gastro-entérite (antécédents médicaux, alimentation, prise de médicaments, travail avec exposition à risque, etc.) et remplir un journal sur leur consommation d'eau ainsi que leurs symptômes dans les sept jours suivant la visite. Tous les questionnaires ont été retournés par la poste à l'Institut national de santé publique qui était responsable de réaliser l'enquête.

La prévalence de symptômes de gastro-entérite était similaire dans les deux groupes à l'étude. En effet, 9,5 % des personnes résidant dans les municipalités en surplus ont rapporté des symptômes de gastroentérite durant les 2 semaines de l'enquête, comparativement à 9,6 % pour le groupe résidant dans des municipalités sans surplus. En tenant compte des facteurs de risque de gastro-entérite, qui étaient répartis de façon inégale entre les deux groupes étudiés, le risque relatif de gastro-entérite dans le groupe exposé au surplus de fumier était estimé à 0,84 (intervalle de confiance à 95 % : 0,6-1,3). Il n'y avait pas de lien avec la consommation d'eau de robinet, ni avec la proximité de sources potentielles de contamination des puits (fosse septique et épandage des fumiers et lisiers).

Les résultats des analyses d'eau ont révélé que peu de puits échantillonnés contenaient des indicateurs de contamination fécale (Escherichia coli, entérocoques et virus coliphages F-spécifiques), soit 75 puits sur les 1 164 échantillonnés (6,4 %), et qu'il n'y avait pas de différence de contamination entre les deux groupes de territoires étudiés pour chacun des indicateurs pris individuellement. Par contre, on a observé une plus grande proportion de puits contaminés par au moins un des trois indicateurs de contamination fécale pour le territoire non exposé (9,5 % vs 5,6 % pour le territoire exposé). Le faible nombre de puits contaminés et leur proportion assez comparable dans les deux territoires étudiés peuvent expliquer en partie l'absence de différence de gastro-entérite observée entre les deux territoires.

Cette étude a des forces indéniables, dont la grande taille de l'échantillon, l'utilisation d'un questionnaire détaillé portant sur les symptômes observés dans la période d'échantillonnage des puits ainsi que sur la consommation d'eau, les antécédents médicaux et divers autres facteurs de risque de gastro-entérite. De plus, la prévalence estimée de gastro-entérite (dans ce cas, proche de l'incidence) est comparable à celle déjà rapportée dans d'autres études.

Les résultats laissent croire que l'impact des surplus de fumier sur l'apparition de gastro-entérite, s'il existe, est probablement faible. Cependant, une des limites de cette étude est qu'elle a été réalisée pendant une courte période de temps où la contamination microbienne de l'eau était faible. Des conditions climatologiques particulières, ou le cycle hydrique annuel normal, peuvent expliquer cette situation. On ne peut donc pas généraliser ces résultats à une période où les conditions environnementales seraient différentes. Un suivi répété sur une période de temps plus longue devrait être envisagé afin de confirmer les résultats observés.

Par ailleurs, l'indicateur de l'exposition individuelle utilisé était très imprécis, soit vivre dans une municipalité en surplus de fumier. Ainsi, dans le contexte d'une enquête épidémiologique de ce type, on ne peut éliminer un risque possible de contamination chez des personnes dont la source d'eau potable est située à proximité d'un champ d'épandage ou dont le puits est particulièrement vulnérable à l'infiltration de micro-organismes provenant de déjections animales.

Auteur(-trice)s
Patrick Levallois
M. D., M. Sc. FRCPC, médecin spécialiste. Institut national de santé publique du Québec
Suzanne Gingras
Institut national de santé publique du Québec
Pierre Chevalier
Ph. D., conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
ISBN (imprimé)
2-550-43513-3
Notice Santécom
Date de publication