Indice de défavorisation pour l'étude de la santé et du bien-être au Québec : mise à jour 2001
Pour contourner l’absence d’information à caractère socio-économique dans les fichiers administratifs du domaine de la santé et des services sociaux, les chercheurs ont généralement recours à des substituts (ou proxis) de type écologique. Il s’agit d’information puisée dans les recensements nationaux et produite sur la base d’unités territoriales de taille réduite, une information que l’on introduit par la suite dans les fichiers administratifs en établissant la concordance entre ces unités et les codes postaux que l’on retrouve dans les fichiers administratifs. Cette pratique a pris son essor en Grande-Bretagne, mais a essaimé dans la plupart des pays industrialisé, incluant le Canada et le Québec. Aujourd’hui, malgré les limites associées à cette pratique, elle constitue une approche privilégiée pour mesurer les disparités sociales associées à la mortalité, la morbidité sanitaire et sociale, à court et à long termes, et le recours aux services de santé et aux services sociaux.
Comme cette pratique est intimement liée aux recensements et à ses produits dérivés, tout changement survenant dans ces sources d’information aura un impact sur la construction de substituts de type écologique et, subséquemment, sur les disparités de santé et de bien-être mises en évidence. Dans le présent texte, nous relaterons la mise à jour 2001 d’un indice de défavorisation développé au Québec à partir d’information issue du recensement de 1996 et d’autres produits de Statistique Canada. Nous décrirons d’abord les changements survenus dans la construction de l’indice de défavorisation, en traitant successivement des unités territoriales de base, des indicateurs socio-économiques considérés et de leur intégration sous forme d’indice. Nous poursuivrons par l’examen des procédures d’assignation de l’indice à partir des tables de codes postaux et de leur impact sur deux bases de données du secteur de la santé, soit les décès et les naissances. En conclusion, nous aborderons les conséquences et les suites à la présente mise à jour et fournirons une liste brève des outils informatisés actuellement disponibles permettant d’utiliser l’indice de défavorisation 2001.
L’indice de défavorisation de 2001 couvre une plus forte proportion de Québécois et Québécoises qu’en 1996; 98 % contre 96 %. La structure bidimensionnelle de l’indice, matérielle et sociale, est demeurée inchangée que ce soit dans l’ensemble du Québec ou dans chacune des grandes zones géographiques. Le pouvoir de synthèse de cette structure a cependant légèrement fléchi dans les zones métropolitaines de pair avec l’accroissement des unités territoriales de base retenues pour la construction de l’indice. La situation inverse s’est produite dans les agglomérations de taille moyenne. Malgré quelques changements dans les procédures d’assignation de l’indice à partir des informations disponibles dans les fichiers administratifs que sont les codes postaux et municipaux, la précision dans l’assignation est équivalente entre 1996 et 2001; environ 3 évènements sur 4 reçoivent un indice unique ou « quasi unique ».
Si peu de changements sont survenus dans la mise à jour 2001 de l’indice de défavorisation, certains risquent d’influencer l’ampleur des inégalités sociales de santé et de bien-être qui pourraient être associées à l’indice. Ainsi en va-t-il du nombre d’unités territoriales de base qui, lorsqu’il augmente, conduit à plus d’hétérogénéité socioéconomique entre les unités et, vraisemblablement, à plus d’homogénéité à l’intérieur des unités. Bien qu’il n’ait pas été possible de vérifier cette dernière proposition, des unités de base qui seraient à la fois plus différentes les unes des autres et plus uniformes en leur sein même, pourraient signifier de plus grands écarts de santé et de bien-être entre les valeurs extrêmes de défavorisation, du fait que l’étendue et la précision de ces valeurs auront augmenté. Ainsi en va-t-il également de nouvelles populations couvertes par l’indice 2001, qu’il s’agisse de celles habitant les milieux ruraux, les petites villes, les réserves indiennes, les Terres-cries-de-la-Baie-James ou le Nunavik. Le piètre bilan de santé et de bien-être de ces populations pourraient lui aussi favoriser un accroissement des écarts associés à l’indice de défavorisation. On devra donc user de prudence dans l’étude de l’évolution des inégalités de santé et de bienêtre reliées au présent indice.
Pour favoriser un regard plus étendu sur l’évolution des inégalités de santé et de bien-être, il est prévu de reprendre le présent exercice pour l’année 1991 et de disposer ainsi d’outils permettant de suivre l’évolution temporelle des inégalités du début des années 90 jusqu’à aujourd’hui. Le thème des inégalités et de leur évolution est actuellement à l’agenda des politiques canadiennes et québécoises en matière de santé publique. Pour favoriser également une utilisation maximale de l’indice, il est prévu d’en tirer une version locale. Des travaux réalisés au Québec ont en effet montré les limites d’un indice national, quand il s’agit de repérer à l’échelle locale les variations de la défavorisation et de les mettre en relation avec l’utilisation des services, dans ce cas-ci ceux offerts par les CLSC]. Le développement de réseaux locaux intégrés de services de santé et des services sociaux au Québec commande que l’on dispose d’un indice valide et utilisable à cette échelle locale.