Surveillance des maladies infectieuses chez les utilisateurs de drogues par injection - Épidémiologie du VIH 1995-2018 - Épidémiologie du VHC 2003-2018

Le réseau SurvUDI est un réseau de surveillance épidémiologique chez les personnes UDI implanté dans huit régions du Québec et à Ottawa depuis 1995. Son objectif est la surveillance des infections par le VIH et par le VHC parmi les personnes UDI ainsi que le suivi des facteurs de risque de ces infections. Ce rapport s’adresse à tous ceux qui, dans les différentes régions du Québec, sont impliqués dans la lutte contre les ITSS auprès des personnes qui utilisent des drogues par injection. Ces données seront utiles pour ceux qui œuvrent en santé publique dans le domaine de la réduction des méfaits chez les personnes qui utilisent des drogues par injection ainsi qu’à leurs partenaires communautaires et institutionnels. Les résultats du réseau SurvUDI permettent d’adapter les interventions auprès des personnes UDI.

Pour être recrutés, les participants doivent avoir fait usage de drogues par injection dans les six derniers mois et être âgés de 14 ans ou plus. Un questionnaire est administré par un intervieweur et un prélèvement oral est obtenu pour la mesure des anticorps contre le VIH et le VHC.

Plusieurs ajouts au questionnaire ont été effectués au cours des années. Les tableaux présentant les nouvelles variables débutent donc à la période correspondante, soit principalement quatre périodes différentes : 1995-2018, 2003-2018, 2009-2018 et 2011-2018. La base de données a été fermée le 31 mars 2018; les trois premiers mois de l’année 2018 sont donc inclus ici. Pour les analyses de tendance temporelle, les tableaux et figures se terminent à la dernière année complète disponible, soit l’année 2017, à l’exception de l’incidence du VIH et du VHC qui se terminent en 2016 (l’année 2017 n’est pas incluse pour des raisons de validité).

Le document d’accompagnement PowerPoint présente des résultats plus détaillés, ainsi que plusieurs figures et tableaux.

Habitudes de consommation

La cocaïne demeure la drogue injectée par la plus grande proportion des participants au cours des six derniers mois (69,4 % pour 2009-2018), suivie par les médicaments opioïdes (63,8 %), l’héroïne (34,0 %) et le crack (14,9 %). L’injection de cocaïne ou de crack a diminué au cours des dernières années. Des variations des drogues injectées sont également observées selon les régions.

Une hausse importante de l’injection de médicaments opioïdes a été observée dans le réseau SurvUDI dans les dernières années. À titre d’exemple, la proportion de participants qui se sont injectés du Dilaudid® au cours des six derniers mois est passée de 27,4 % en 2003 à 50,1 % en 2017. Une telle hausse est inquiétante, car le risque de dépendance est très important, et la consommation d’un comprimé ou d’une capsule non prévus pour l’injection peut nécessiter jusqu’à trois ou quatre injections, ce qui augmente le nombre de manipulations et le risque de partage de matériel. Dans le réseau SurvUDI, l’injection de médicaments opioïdes est également associée à un nombre élevé d’injections dans le dernier mois (≥ 120), ainsi qu’à l’injection de restes de drogues («  wash  ») et au partage de matériel qui peut avoir lieu à cette occasion. Ces tendances doivent être surveillées et les messages adaptés afin de réduire les risques d’infection parmi les personnes qui s’injectent ces médicaments normalement conçus pour un usage per os.

Utilisation de matériel déjà utilisé par d’autres

La proportion de participants qui ont déclaré s’être injectés avec des seringues déjà utilisées par d’autres dans les six derniers mois était de 43,4 % en 1995 et de 16,1 % en 2017, soit une diminution statistiquement significative de près de 63 % (p < 0,001). Cette diminution encourageante s’est toutefois arrêtée en 2010-2011, ce qui est préoccupant. L’utilisation du matériel d’injection (autre qu’une seringue) déjà utilisé par quelqu’un d’autre est plus élevée que pour les seringues, soit autour de 25 %. Il semble nécessaire d’intensifier les interventions de prévention du partage de matériel de consommation autre que les seringues, en particulier dans notre contexte où la prévalence du VHC est très élevée.

Comportements sexuels

Les comportements sexuels à risque sont également fréquemment rapportés, notamment l’utilisation irrégulière du condom et la pratique d’activités sexuelles en contexte de prostitution. Les personnes UDI sont exposées à un risque élevé de transmission sexuelle du VIH, en plus du risque de transmission lié à l’injection.

Infection par le VIH et le VHC

Le taux d’incidence du VIH a diminué de façon statistiquement significative entre 1995 et 2016 dans le réseau SurvUDI globalement ainsi qu’à Montréal, à Québec et à Ottawa/Outaouais. Au cours des cinq dernières années disponibles pour l’analyse de tendance (2012 à 2016), il s’est maintenu entre 0,1 et 0,9 par 100 personnes-années. Le taux d’incidence du VHC a diminué statistiquement jusqu’en 2011 pour ensuite fluctuer à des niveaux très élevés, soit entre 10,6 et 21,6 par 100 personnes-années (2012 à 2016).

L’injection avec des seringues déjà utilisées par quelqu’un d’autre ainsi que la cocaïne comme drogue injectée le plus souvent sont associés significativement à l’incidence du VIH pour toute la période 1995-2018. Une association statistiquement significative est observée entre la prostitution et l’incidence du VIH pour la période de 2003 à 2018, alors que cette association était absente entre 1995 et 2002.

Une nouvelle analyse des facteurs de risque de l’incidence du VHC dans le réseau SurvUDI a été effectuée cette année. Les variables associées positivement et significativement à l’incidence du VHC (avec ajustement pour l’âge, le sexe et la région de recrutement en plus des autres variables présentes dans le modèle) sont les suivantes :

  • s’être injecté des médicaments opioïdes dans les six derniers mois;
  • s’être fait 100 injections ou plus dans le dernier mois;
  • s’injecter depuis moins de trois ans;
  • s’injecter avec des seringues ou du matériel déjà utilisés par quelqu’un d’autre;
  • s’injecter avec quelqu’un (et non toujours seul);
  • rapporter des partenaires sexuels clients dans les six derniers mois.

Dépistage et connaissance du statut sérologique

La proportion de participants ayant eu un test de dépistage du VIH au cours de la dernière année a augmenté significativement entre 2003 et 2013, mais a diminué par la suite, ce qui est préoccupant. La proportion de participants ayant eu un test de dépistage du VHC au cours de la dernière année a augmenté significativement entre 2003 et 2017, mais cette proportion demeure légèrement plus faible que pour le VIH. La proportion de participants ignorant leur statut de séropositivité pour le VIH et pour le VHC a diminué significativement au cours de la même période, mais une stabilisation est observée depuis 2011 dans le cas du VHC. Ces résultats soulignent le travail soutenu des cliniciens et des autres intervenants en réduction des méfaits. La promotion du dépistage régulier du VIH et du VHC auprès de cette clientèle doit demeurer une priorité.

Prise en charge

La proportion de personnes UDI rapportant une prise de médicaments actuelle pour le VIH et une prise de médicaments à vie pour le VHC (chez les participants ayant des anticorps contre le VHC) a augmenté significativement entre 2003 et 2017. La prise de médicaments à vie contre le VHC est toutefois beaucoup moins fréquente que la prise actuelle de médicaments contre le VIH, sur l’ensemble de la période. Ces résultats doivent être interprétés avec prudence étant donné qu’il n’est pas nécessairement indiqué de traiter toutes les infections par le VHC, car certaines guérissent spontanément. Dans SurvUDI, nous ne mesurons que la présence des anticorps et il est donc impossible de détecter les infections actives nécessitant un traitement. Les deux premières cibles d’ONUSIDA en lien avec la prise en charge du VIH (pour 2020) ont été atteintes chez les participants à SurvUDI depuis 2015, soit au moins 90 % des personnes infectées connaissant leur statut de séropositivité et 90 % de celles-ci prenant des médicaments antirétroviraux au moment de la participationb.

Conclusion

En résumé, les résultats suggèrent une amélioration de la situation pour l’infection par le VIH chez les personnes UDI. Toutefois, la situation du VHC reste préoccupante : les prévalences et les taux d’incidence d’anti-VHC sont beaucoup plus élevés que pour le VIH et les indicateurs sur la prise en charge et le traitement sont également moins encourageants. La hausse de la consommation de médicaments opioïdes par injection fait aussi craindre des impacts négatifs sur les épidémies de VIH et de VHC chez les personnes UDI du Québec.

Les efforts doivent se poursuivre afin d’améliorer la couverture des besoins en matériel d’injection stérile et adapter le matériel distribué aux changements dans les drogues consomméesc. La promotion du dépistage régulier du VIH et du VHC ainsi que la prise en charge doivent demeurer des priorités.


UNAIDS (2014) 90-90-90 - An ambitious treatment target to help end the AIDS epidemic, Joint United Nations Programme on HIV/AIDS, 40 p. http://www.unaids.org/en/resources/documents/2017/90-90-90
Cloutier R. Portrait du matériel d'injection et d'inhalation de drogues remis par les directions de santé publique aux centres d'accès du Québec : 2016-2017 à 2018-2019. Ministère de la santé et des services sociaux du Québec. Janvier 2021. https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2020/20-312-01W.pdf

Surveillance des maladies infectieuses chez les utilisateurs de drogues par injection - Épidémiologie du VIH 1995-2018 - Épidémiologie du VHC 2003-2018
Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-88576-4
ISSN (électronique)
1918-4557
Notice Santécom
Date de publication