Surveillance des maladies infectieuses chez les utilisateurs de drogue par injection - Épidémiologie du VIH de 1995 à 2016 - Épidémiologie du VHC de 2003 à 2016
Le réseau SurvUDI est un réseau de surveillance épidémiologique chez les personnes UDI implanté au Québec et à Ottawa depuis 1995. Son objectif est la surveillance des infections par le VIH et par le VHC parmi les personnes UDI ainsi que le suivi des facteurs de risque de ces infections. Ce rapport s’adresse à tous ceux qui, dans les différentes régions du Québec, sont impliqués dans la lutte contre les ITSS auprès des personnes qui utilisent des drogues par injection. Ces données seront utiles pour ceux qui œuvrent en santé publique dans le domaine de la réduction des méfaits chez les personnes qui utilisent des drogues par injection ainsi qu’à leurs partenaires communautaires et institutionnels.
Plusieurs changements ont été observés au cours des années, et les analyses effectuées ont souvent permis d’adapter les interventions auprès des personnes UDI.
Pour être recrutés, les participants doivent avoir fait usage de drogues par injection dans les six derniers mois et être âgés de 14 ans ou plus. Un questionnaire est administré par un intervieweur et un prélèvement oral est obtenu pour la mesure des anticorps contre le VIH et le VHC.
Une hausse importante de l’injection de médicaments opioïdes a été observée dans le réseau SurvUDI depuis quelques années. À titre d’exemple, la proportion de participants qui se sont injecté du Dilaudid® au cours des six derniers mois est passée de 27,4 % en 2003 à 50,7 % en 2015. Une telle hausse est inquiétante car le risque de dépendance est très important, et la consommation d’un comprimé ou d’une capsule non prévus pour l’injection peut nécessiter jusqu’à trois ou quatre injections, ce qui augmente le nombre de manipulations et le risque de partage de matériel. Cette tendance doit être surveillée attentivement afin de réduire les risques d’infection parmi les personnes qui s’injectent ces médicaments normalement conçus pour un usage per os. Des recommandations visant l’injection à risque réduit de médicaments opioïdes ont été produites par l’INSPQ1,2.
La proportion de participants qui a déclaré s’être injecté avec des seringues déjà utilisées par d’autres dans les six derniers mois était de 43,4 % en 1995 et de 14,4 % en 2015, soit une diminution statistiquement significative de près de 67 % (p < 0,001). Cette diminution est très encourageante mais souligne aussi l’ampleur du travail de prévention qu’il reste à accomplir. L’utilisation du matériel d’injection (autre qu’une seringue) déjà utilisé par quelqu’un d’autre est plus élevée que pour les seringues, soit autour de 25 %. Il semble nécessaire d’intensifier les interventions de prévention du partage de matériel de consommation autre que les seringues, en particulier dans notre contexte où la prévalence du VHC est très élevée.
Les comportements sexuels à risque sont également fréquemment rapportés, notamment l’utilisation irrégulière du condom et la pratique d’activités sexuelles en contexte de prostitution. Les personnes UDI sont exposées à un risque élevé de transmission sexuelle du VIH, en plus du risque de transmission lié à l’injection.
Après une diminution significative observée entre 1995 et 2009, le taux d’incidence du VIH est maintenant stable. Il s’est maintenu entre 0,5 et 1,0 par 100 personnes-années entre 2010 et 2014, ce qui est similaire ou légèrement élevé comparativement aux taux observés dans plusieurs autres pays dont la France, les États-Unis et l’Australie. Une diminution statistiquement significative du taux d’incidence du VHC a été observée entre 1998 et 2011, mais une augmentation significative a été observée de 2011 à 2014. Cette hausse pourrait avoir un lien avec l’augmentation de l’injection de médicaments opioïdes au Québec.
L’injection avec des seringues déjà utilisées par quelqu’un d’autre ainsi que la cocaïne comme drogue injectée le plus souvent sont demeurés associés significativement à l’incidence du VIH de façon constante pour toute la période 1995-2016. Une association statistiquement significative est observée entre la prostitution et l’incidence du VIH pour la période de 2003 à 2016, alors que cette association était absente entre 1995 et 2002.
La proportion de participants ayant eu un test de dépistage au cours la dernière année a augmenté significativement entre 2003 et 2015, autant pour le VIH que pour le VHC, alors que la proportion de participants ignorant leur statut de séropositivité tant pour le VIH que pour le VHC a diminué significativement au cours de la même période. Les deux premières cibles d’ONUSIDA pour 2020 ont d’ailleurs été atteintes chez les participants à SurvUDI en 2015, soit au moins 90 % des personnes infectées connaissant leur statut de séropositivité et 90 % de celles-ci prenant des médicaments antirétroviraux au moment de la participation. Ces résultats soulignent le travail soutenu des cliniciens et des autres intervenants en réduction des méfaits.
La prise en charge médicale des personnes UDI semble demeurer toutefois insuffisante, particulièrement pour l'infection par le VHC. La proportion de personnes UDI rapportant une prise de médicaments actuelle pour le VIH et une prise de médicaments à vie pour le VHC (chez les participants ayant des anticorps contre le VHC) ont augmenté significativement entre 2003 et 2015. La proportion de personnes UDI rapportant une prise de médicaments à vie chez les participants ayant des anticorps contre le VHC est toutefois beaucoup moins grande que celle des personnes UDI rapportant la prise actuelle de médicaments pour le VIH. Cette comparaison doit être interprétée avec prudence dans le cas de l’hépatite C compte tenu de l’évolution rapide des pratiques cliniques de traitement au cours des dernières années.