Vers un nouveau Plan d’action gouvernemental en matière de violence conjugale : réflexions de santé publique - Mémoire déposé au Secrétariat à la condition féminine
La violence conjugale, un problème de santé publique
- Selon les données de l'Enquête sociale générale sur la victimisation réalisée en 2014, on estime qu'au Québec près de 160 000 personnes ont été victimes de violence physique ou sexuelle de la part d'un conjoint ou d'un ex-conjoint au cours des cinq ans précédant l'enquête.
- La violence conjugale entraîne des blessures, mais aussi des problèmes de santé chroniques, une moins bonne santé mentale, des troubles mentaux ainsi que des répercussions sur la santé reproductive. Les expériences de violence semblent avoir un effet cumulatif sur la santé des victimes ainsi que sur les enfants qui y sont exposés.
- L’INSPQ salue l’intention du Gouvernement d’élaborer un nouveau Plan d’action gouvernemental en matière de violence conjugale. Il s’agit là d’une condition essentielle à la concertation des divers acteurs et secteurs qui doivent être mobilisés pour la prévenir ou la faire cesser.
Élargir le spectre de la prévention : une priorité
- Aucun facteur ne peut expliquer à lui seul la violence conjugale exercée ou subie. L’importance de prévenir, en amont, les diverses causes de la violence conjugale, et de promouvoir des rapports amoureux sains et égalitaires dès le plus jeune âge, tout au long du parcours de vie et au sein de tous les groupes de la population doit être réitérée.
- Les inégalités entre les hommes et les femmes sont reconnues comme un facteur important associé à la violence conjugale. La consolidation de politiques sociales qui visent à favoriser l’insertion des femmes sur le marché du travail, à lutter contre la pauvreté et les inégalités économiques entre les hommes et les femmes, ou encore à prôner des rapports plus égalitaires, à la maison comme au travail, est dès lors à encourager.
- Il faut continuer d’agir sur les normes sociales. Ainsi, la diminution de la tolérance sociale et de la banalisation de la violence doit se faire en ciblant une variété de canaux d’information pour des publics variés, notamment les médias et les réseaux sociaux. Les mesures facilitant la diffusion par les médias d’une information adéquate et rigoureuse sur la violence conjugale sont à renforcer. Aussi, pour améliorer l’impact des campagnes de sensibilisation, celles-ci doivent notamment s’appuyer sur les principes du marketing social, adopter une approche positive, impliquer les hommes et cibler une variété de publics peu rejoints jusqu’à maintenant (ex. : personnes aînées, personnes de la diversité sexuelle ou encore issues de l’immigration).
- La violence conjugale est influencée par les caractéristiques des milieux de vie dans lesquels évoluent les personnes (ex. : niveau de soutien social, criminalité). Pour élargir les efforts de prévention au-delà du contexte scolaire, améliorer la sécurité et mobiliser une variété d’acteurs, il est nécessaire d’investir de nouveaux milieux, en particulier les communautés locales (ex. : les municipalités) et les milieux de travail.
Mettre en place les conditions propices à l’identification précoce de la violence
- Les intervenants du réseau de la santé et des services sociaux susceptibles d'être en contact avec des victimes devraient être davantage mis à contribution dans l'identification précoce de la violence conjugale ; il est donc essentiel de déployer des efforts pour rendre accessibles des formations et des outils développés à cette fin.
- Les barrières liées à l’identification précoce de la violence conjugale par les intervenants du réseau de la santé devraient être réduites. Entre autres, les autorités des établissements devraient attester de l’importance du dossier de la violence conjugale dans les activités cliniques et mettre de l’avant des conditions nécessaires pour faciliter l’implication des professionnels, garantir la sécurité des personnes impliquées et améliorer l’identification précoce des situations de violence.
Mieux documenter et comprendre la violence conjugale
- La collecte et l’analyse, sur une base régulière, de données issues d’enquêtes populationnelles, de statistiques policières et des décès liés à la violence conjugale devraient être réalisées, afin de mieux intervenir et prévenir la violence conjugale.
- Ces données permettent de suivre l’évolution de la violence conjugale au Québec, d’en comprendre ses principales caractéristiques, en plus de soutenir le développement de la recherche autour de tendances émergentes (ex. : impact des nouvelles technologies) ou auprès de populations en contexte de vulnérabilité (ex. : jeunes de la diversité sexuelle).
- Les diverses manifestations de la violence étant interconnectées et partageant des racines communes, les initiatives qui facilitent l’échange d’expertise en prévention de la violence devraient être davantage soutenues. Diverses actions (ex. : politiques sociales liées aux conditions de vie, encadrement de la consommation d’alcool) présentent le potentiel d’influencer la violence conjugale, même si elles ne sont pas déployées ni évaluées en ce sens. Déjà reconnue, la pratique d’évaluation d’impact sur la santé pourrait être utile à l’appréciation de ces actions sur la violence conjugale.