Dépistage de l'amiantose, de 2006 à 2010, chez les travailleurs de sept métiers de la construction du Québec
Le réseau de santé publique en santé au travail a réalisé un dépistage de l'amiantose, entre 2006 et 2010, auprès des travailleurs de sept métiers de la construction du Québec. En analysant les résultats des activités de ce dépistage, les intervenants de ce réseau ont rapporté déployer beaucoup d'énergie pour ne diagnostiquer que peu de cas. De plus, ils ont relaté avoir identifié, sur les radiographies de dépistage, d'autres anomalies graves comme de possibles cancers, sources d'anxiété chez les travailleurs. Le réseau de santé publique en santé au travail a alors demandé à l'Institut national de santé publique du Québec 1) d'établir la prévalence et l'incidence des anomalies parenchymateuses compatibles avec une amiantose et des autres anomalies reliées à l'exposition à l'amiante chez ces travailleurs, 2) de décrire les anomalies dépistées selon les variables sociodémographiques et professionnelles et 3) de vérifier le résultat du suivi médical des travailleurs dépistés avec de possibles amiantoses, des masses ou d'autres anomalies sévères.
Le dépistage de l'amiantose a été offert aux 9 030 travailleurs inscrits à la Commission de la construction du Québec (CCQ), en 2006, à titre de calorifugeur, de tuyauteur-plombier, de chaudronnier, de tôlier-ferblantier, de mécanicien en protection des incendies, de manœuvre en enlèvement d'amiante et de manœuvre en démolition d'amiante. Ces travailleurs devaient être actifs, être inscrits à la CCQ depuis au moins 15 ans et ils devaient avoir été exposés à l'amiante au moins un an. Le dépistage comprenait la réalisation d'une radiographie pulmonaire respectant les critères du Bureau International du Travail de 1980 et cette radiographie devait avoir été interprétée par un lecteur B. Les travailleurs devaient également remplir un questionnaire d'histoire professionnelle d'exposition à l'amiante.
Au total, 2 872 travailleurs ont été retenus dans l'étude. Ils comprenaient 2 712 travailleurs actifs auxquels se sont ajoutés 160 travailleurs considérés retraités, puisqu'ils étaient âgés de 66 à 76 ans. Les travailleurs actifs étaient âgés en moyenne de 52,8 ans, ils avaient été exposés à l'amiante la première fois en 1976 (médiane) et la durée moyenne de leur exposition à l'amiante était de 14,6 ans. Plus de la moitié des travailleurs actifs étaient des tuyauteurs-plombiers (55,5 %), 19,9 % étaient des tôliers-ferblantiers, 9,0 % des calorifugeurs, 6,9 % des chaudronniers, 4,9 % des mécaniciens en protection des incendies, 1,9 % des manœuvres en démolition d'amiante et 1,8 % des manœuvres en enlèvement d'amiante.
Un pour cent des travailleurs actifs présentaient des anomalies parenchymateuses compatibles avec une amiantose, 16,8 % des anomalies pleurales compatibles avec une exposition à l'amiante et 14,3 % d'autres anomalies. Les calorifugeurs montraient les proportions les plus élevées d'anomalies compatibles avec une amiantose (2,5 %) et d'anomalies pleurales compatibles avec une exposition à l'amiante (30,7 %), alors que les mécaniciens en protection des incendies montraient les proportions les plus faibles.
Les prévalences des anomalies étaient plus élevées chez les travailleurs retraités que chez les travailleurs actifs. Les retraités présentaient 4,4 % d'anomalies parenchymateuses compatibles avec une amiantose, 47,5 % d'anomalies pleurales compatibles avec une exposition à l'amiante et 34,4 % d'autres anomalies. Ceci s'explique par le fait que les travailleurs retraités étaient en moyenne plus âgés, avaient été exposés la première fois à l'amiante il y a plus longtemps et avaient été exposés durant une plus longue période de temps que les travailleurs actifs. Les tuyauteurs-plombiers retraités présentaient les proportions les plus élevées d'anomalies compatibles avec une amiantose (5,3 %), suivis des calorifugeurs (4,3 %).
L'incidence des anomalies pulmonaires a pu être décrite chez 551 travailleurs actifs et retraités qui avaient passé plus d'une radiographie de dépistage de l'amiantose. Sept travailleurs (1,3 %) montraient de nouvelles anomalies compatibles avec une amiantose, 55 (10,0 %) des anomalies pleurales compatibles avec une exposition à l'amiante et quatre (0,7 %) des anomalies compatibles avec un cancer.
Les résultats du suivi médical de 333 travailleurs actifs et retraités présentant des anomalies importantes à la radiographie de dépistage ont été recherchés. Aucun suivi n'avait été effectué chez 23,4 % d'entre eux, car l'anomalie était déjà connue ou parce que le suivi était jugé non nécessaire. Chez 50,1 % des travailleurs, le suivi n'avait pas été documenté.
Dans le cas des 35 personnes qui présentaient des anomalies parenchymateuses compatibles avec une amiantose, 22 résultats de suivis ont pu être obtenus. Sept de ces 22 personnes avaient reçu un diagnostic d'amiantose. Quatre amiantoses supplémentaires avaient été identifiées parmi des travailleurs présentant d'autres anomalies que des anomalies parenchymateuses compatibles avec une amiantose lors du dépistage, pour un total de 11 cas. Six étaient des calorifugeurs et cinq des tuyauteurs-plombiers. Dans le cas des 26 anomalies compatibles avec un cancer, 11 suivis cliniques ont été retracés, mais aucune tumeur maligne n'a eu de confirmation diagnostique.
En conclusion, le pourcentage élevé de cas dont le suivi médical n'a pas été documenté ne permet pas de connaître la prévalence réelle des amiantoses et des autres anomalies pulmonaires. Nous ne pouvons donc pas prendre une décision quant au maintien ou non du programme de dépistage à partir des données disponibles. La poursuite du programme de dépistage bénéficierait d'une organisation qui s'assurerait que les diverses étapes de recueil, d'enregistrement, d'analyse des données et de documentation du suivi médical soient effectuées.