Avis portant sur le projet pilote d'invitation personnalisée pour le dépistage du cancer du col utérin

Le projet pilote soumis à l'examen du Comité d'éthique de santé publique et faisant l'objet du présent avis vise à augmenter la participation au dépistage du cancer du col utérin des femmes n'ayant jamais subi de cytologie cervicale (ou test de Papanicolaou, aussi appelé test Pap) ou n'en ayant pas eu depuis trois ans ou plus. Le moyen privilégié est l'envoi d'une lettre personnalisée invitant les femmes à se faire dépister. Le caractère personnalisé de la lettre tient à ce qu'elle est adressée directement à la femme et qu'elle lui souligne sa situation à l'égard du dépistage, selon les dossiers consultés; cette situation ne répondant pas aux recommandations des experts. Une lettre de rappel est prévue 90 jours après la première lettre, si la femme n'a pas donné suite à l'invitation de passer un test de dépistage. À titre de projet pilote dans un territoire géographique circonscrit, le projet cherche à apprécier l'acceptabilité et l'efficacité de ce moyen de promotion du dépistage du cancer du col utérin.

La réalisation du projet pilote, tel que proposé, repose sur la création d'une banque de données permettant d'identifier les femmes appartenant au groupe cible. Cette banque serait créée à partir d'un croisement de renseignements de la Régie d'assurance maladie du Québec (RAMQ) avec ceux recueillis par des laboratoires d'analyse de cytologie de la région ciblée. Dans un premier temps, on retiendrait du fichier des laboratoires les coordonnées des femmes dont les dossiers indiquent un test de dépistage datant de trois ans ou plus. Ensuite, par soustraction, on retiendrait le nom et les coordonnées des femmes possédant un dossier à la RAMQ, mais pas dans les laboratoires, l'hypothèse étant que ces femmes n'ont jamais passé de test de dépistage du cancer du col utérin.

Après avoir identifié différentes préoccupations éthiques, le Comité a choisi de centrer son examen sur la question de la légitimité de l'identification de ces femmes qui, peut-être volontairement, n'ont jamais eu de test Pap ou pas depuis au moins trois ans, pour les relancer et les inviter à se faire dépister.

Le Comité identifie trois principales valeurs en tension au regard de cette question : la bienfaisance, la vie privée et l'autonomie. Le cancer du col utérin est, à toute fin pratique, peu fréquent et les taux de mortalité associés sont faibles. Le taux de participation au dépistage était estimé à 74 % en 2008, en hausse de 3 % par rapport à 2003. Les données appuyant la stratégie de promotion du dépistage par invitation personnalisée montrent des gains modestes. L'impact populationnel attendu sur la santé des femmes – la bienfaisance – serait donc assez faible. Dans la mesure où tel est le cas, la méthode utilisée pour identifier les femmes ciblées par la lettre perd proportionnellement une partie de ses assises justificatives. La création de la banque de données proposée pour identifier des femmes au comportement non conforme, en dehors de tout mécanisme leur permettant de donner leur assentiment à une telle mesure, apparaît disproportionnée par rapport aux bénéfices populationnels de l'intervention proposée, au chapitre de la prévention du cancer du col utérin.

Pour le Comité, procéder à une invitation personnalisée sur la base proposée ici n'apparaît pas légitime, dans le contexte particulier du projet pilote. Dans cette perspective, le Comité recommande d'explorer des pistes plus soucieuses de la vie privée des femmes afin d'augmenter le dépistage du cancer du col utérin.

Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-60883-7
ISBN (imprimé)
978-2-550-60882-0
Notice Santécom
Date de publication