Volet santé publique du Plan québécois de lutte à une pandémie d'influenza – Mission santé

Le volet santé publique du Plan québécois de lutte à une pandémie d’influenza — Mission santé (mars 2006), soumis à l’examen du Comité d’éthique de santé publique (CESP), comporte deux caractéristiques distinctives. D’une part, l’éventualité d’une pandémie d’influenza, telle qu’elle est appréhendée, soulève la perspective de choix tragiques. Dans un contexte où une maladie contagieuse dont la létalité est élevée se propage à un grand nombre de personnes et où les ressources humaines comme les ressources matérielles (notamment les médicaments antiviraux) sont limitées, le contrôle de la mortalité et de la morbidité se pose avec acuité. D’autre part, la situation est marquée d’une importante incertitude scientifique. Si, pour la première fois de l’histoire, on se dit en mesure de « voir venir » la pandémie, il n’y a pas d’assurance que le virus H5N1 sera vraiment celui qui conduira à une pandémie et, si c’était le cas, des questions subsistent encore, entre autres sur la nature du virus pandémique, le moment de la survenue d’une pandémie et sa portée en termes de gravité. En ce sens, bien qu’elle puisse instruire la préparation à une telle situation de risque, la science ne peut suffire à apporter des réponses aux choix qui se poseront, des choix qui mettent à l'épreuve les liens sociaux.

Il apparaît central, pour le CESP, de tenir compte du fait que la confiance et l’adhésion nécessaires à l’efficacité des mesures proposées reposent en grande partie sur la perception de justice des mesures et sur la perception que le processus de décision est lui-même juste (impartial, équitable) et transparent. L’avis met en relief la communication comme dimension éthique d’une gestion démocratique des risques et des choix sociaux qu’ils soulèvent.

Le Comité a travaillé à partir du plan déposé au printemps 2006 et aussi à partir des travaux plus détaillés et des échanges avec les professionnels responsables de ce volet. Les échanges tenus lors d’un séminaire réunissant les directeurs de santé publique, les professionnels responsables de l’élaboration du volet santé publique ainsi que des partenaires nationaux et régionaux sur les Enjeux éthiques liés au volet santé publique du plan de lutte à la pandémie d’influenza, le 20 janvier 2006, ont aussi alimenté la réflexion du Comité.

Les premières préoccupations portées à l’attention du Comité ont concerné la stratégie antivirale. Celle-ci a occupé une large part des discussions, au sein du Comité et avec les responsables du volet santé publique du plan. L’examen de cette stratégie illustre l’éventail des enjeux relatifs à la justice sociale et à la solidarité, en interface avec les dimensions éthiques, scientifiques (efficacité, prudence) et opérationnelles de même qu’avec les dimensions éthiques de nature procédurale (la communication et la participation, en lien avec la transparence); des enjeux aussi présents, à différents degrés, dans les autres stratégies soumises à l’examen du Comité.

Ainsi, chacune des stratégies soulève des préoccupations relatives à l’information, qu’il s’agisse de l’information à la population ou à certains sous-groupes particuliers, tels les gestionnaires ou les professionnels de la santé, par exemple. Nécessaire, l’information n’est cependant pas suffisante à répondre à certains enjeux, par exemple ceux liés à l’établissement de priorités pour l’application des stratégies antivirale et vaccinale. Il s’agit ici de choix sociaux qui dépassent le cadre d’application d’une connaissance scientifique, une science forcément incertaine face à ce risque appréhendé. Le CESP recommande que des mécanismes de consultation permettent d’entendre ce que la population saisit des enjeux et de discuter des avenues de réponse en vue de leur ajustement éventuel. Ceci s’inscrit, pour le Comité, dans la volonté de reconnaître et renforcer la compétence des individus et dans celle de favoriser leur engagement solidaire face à une éventuelle pandémie. La période prépandémique représente un momentum pour une telle participation qui pourrait s’exercer via des mécanismes déjà en place, les forums de la population par exemple. La mise en place d’échanges et de consultation avec les groupes d’intervenants concernés est aussi recommandée.

Dans l’éventualité où l’utilisation des antiviraux à des fins de prévention (prophylaxie) est retenue, le CESP aborde la question des priorités en recommandant que la priorité soit donnée à certains professionnels de la santé; il recommande d’identifier plus précisément les travailleurs visés et d’inclure les médecins de première ligne en cabinet privé dans les scénarios des priorités. Le Comité recommande aussi de ne pas interdire la constitution de réserves privées d’antiviraux à moins de démontrer que cela empêche la consolidation nécessaire à la réserve publique. La consolidation de cette dernière, recommande le Comité, devrait être soumise à la consultation afin de mieux préciser le niveau de protection attendu.

La stratégie relative à la vigie et à la surveillance épidémiologique donne lieu à un ensemble de recommandations articulées autour des axes suivants : assurer une surveillance la plus complète possible, assurer le respect de la confidentialité et de la vie privée, assurer la qualité et l’efficacité de la surveillance, de manière équitable, entre les régions et, enfin, assurer la diffusion adéquate de l’information et réduire le risque de stigmatisation. D’autres recommandations du Comité ont un caractère plus pointu, rappelant que le devoir d’anticipation exige de prévoir les éléments requis à l’application des mesures (le matériel nécessaire à l’application de la stratégie vaccinale de masse, par exemple). Deux dernières recommandations concernent l’anticipation des enjeux éthiques particuliers à la mise en oeuvre des mesures envisagées.

Enfin, le Comité situe ses recommandations dans une perspective évolutive, comme celle dans laquelle se situe le plan lui-même. Il rappelle qu’une perspective globale, qui dépasse le mandat qui lui a été confié, nécessite de prendre en considération l’ensemble des volets du plan de lutte. D’autres aspects d’ordre macroscopique soulèvent aussi d’importantes questions éthiques parmi lesquelles : l’influence de l’activité scientifique et celle de l’industrie pharmaceutique, incluant le respect de la propriété intellectuelle et, enfin, l’iniquité entre les pays et les continents et la nécessaire solidarité face à une menace qui les affecterait tous.

Sujet(s)
Éthique, Influenza
Type de publication
ISBN (électronique)
2-550-47521-6
ISBN (imprimé)
2-550-47520-8
Notice Santécom
Date de publication