Sommaire des résultats d’antibiorésistance des souches de Neisseria gonorrhoeae au Québec : 2021

Brigitte Lefebvre, Ph. D., Laboratoire de santé publique du Québec
Annie-Claude Labbé, M.D., CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de Montréal
Judith Fafard, M.D., Laboratoire de santé publique du Québec

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Le Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ), en collaboration avec le réseau des laboratoires du Québec et le ministère de la Santé et des Services sociaux, maintient un programme de surveillance des infections gonococciques. L’analyse des données de ce programme permet d'établir un portrait de l’antibiorésistance des souches isolées au Québec. Ce sommaire met l’emphase sur les résultats obtenus au cours de l'année 2021. Cette année, les données sont présentées en pourcentage de résistance et non de sensibilité, ce qui constitue un changement dans la présentation des données en comparaison aux années antérieures. Les détails méthodologiques sont disponibles dans les rapports antérieurs déposés sur le site web du LSPQ.

Résultats

Ce sommaire d’antibiorésistance porte sur 1 520 souches reçues au LSPQ en 2021. Le pourcentage de résistance à l’azithromycine (≥ 2 mg/L) a atteint un sommet en 2021 avec 39 % (tableau 1); celui des quatre dernières années fluctuait entre 24 % et 31 % (figure 1).

Tableau 1 - Sommaire des antibiogrammes de N. gonorrhoeae au Québec en 2021 (n = 1520)
Antibiotiques Pourcentage*
S I R NS
Céfixime 100 --- --- 0,0
Ceftriaxone 100 --- --- 0,0
Azithromycine 61,0 --- 39,0 ---
Ciprofloxacine 49,4 0,2 50,4 ---
Gentamicine Aucun critère d'interprétation ---

S : sensible; I : intermédiaire; R : résistant; NS : non sensible
* Selon les critères du CLSI (M100-S30).

 

Il est à noter que la majorité des souches de 2021 qui sont résistantes à l’azithromycine (95 %; 561/593) possèdent une concentration minimale inhibitrice (CMI) de 2 mg/L, ce qui correspond à une seule dilution au-dessus de la CMI de 1 mg/L (sensible). 

Selon les recommandations de l’Institut national d’excellence de la santé et des services sociaux (INESSS), qui sont mises à jour périodiquement, cet antibiotique ne doit pas être utilisé en monothérapie (depuis 2018). En août 2020, des modifications importantes ont été apportées en lien avec l’usage de l’azithromycine : pour le traitement de la personne atteinte d’une infection urétrale, endocervicale ou rectale et pour leurs contacts, les deux options sont 1) ceftriaxone 250 mg en monothérapie (sauf si l’infection à C. trachomatis ne peut pas être exclue) ou 2) céfixime 800 mg en combinaison avec azithromycine 2 g (plutôt que 1 g). Une troisième modification, portant sur le traitement de l’infection à Chlamydia trachomatis, vise entre autres à réduire l’usage de l’azithromycine. Ainsi, la doxycycline devrait être privilégiée; l’azithromycine (1 g) devrait être réservé aux personnes avec un problème anticipé d’adhésion au traitement (INESSS, 2020a).

En 2021, la résistance à la ciprofloxacine a diminué à 50 %, elle a varié entre 67 % et 74 % au cours des quatre dernières années.

Alors que trois souches non sensibles à la céfixime ont été identifiées en 2017, dont une aussi non sensible à la ceftriaxone (Lefebvre et al., 2018), aucune souche non sensible aux céphalosporines de 3e génération (C3G) n’a été identifiée en 2021.

Tableau 2 - Sensibilité réduite* aux céphalosporines de troisième génération chez N. gonorrhoeae au Québec, 2011 – 2021
Années (Nombre de souches testées) 2011
(n=797)
2012
(n=772)
2013
(n=714)
2014
(n=906)
2015
(n=1031)
2016
(n=1260)
2017
(n=1478)
2018
(n=1836)
2019
(n=1747)
2020
(n=1167)
2021
(n=1520)
Céfixime 0,25 mg/L 6
(0,8 %)
4
(0,5 %)
3
(0,4 %)
2
(0,2 %)
20
(1,9 %)
3
(0,2 %)
14
(0,9 %)
6
(0,3 %)
10
(0,6 %)
28
(2,4 %)
4
(0,3%)
Ceftriaxone 0,12 mg/L 1
(0,1 %)
3
(0,4 %)
3
(0,4 %)
35
(3,9 %)
37
(3,6 %)
4
(0,3 %)
0 1
(0,1 %)

5

(0,3 %)

0

1
(0,1 %)
Ceftriaxone 0,25 mg/L 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

n : nombre de souches testées; * Selon les critères recommandés par l’OMS (OMS, 2012).

Tel que détaillé au tableau 2, l’augmentation de la proportion de souches présentant une sensibilité réduite (SR) aux C3G, observée en 2014-2015, n’a pas été soutenue pendant les années subséquentes.

En 2020, on a observé une hausse de SR à la céfixime avec 28 souches (2,4 %) présentant une concentration minimale inhibitrice (CMI) de 0,25 mg/L (OMS, 2012). En 2021, seulement 4 souches présentaient une SR à la céfixime (0,3 %) et une autre souche une SR à la ceftriaxone (0,1 %).

Tableau 3 - Résistance* aux antibiotiques de N. gonorrhoeae au Québec, 2011 – 2021
Années (Nombre de souches testées) 2011
(n=797)
2012
(n=772)
2013
(n=714)
2014
(n=906)
2015
(n=1031)
2016
(n=1260)
2017
(n=1478)
2018
(n=1836)
2019
(n=1747)
2020
(n=1167)
2021
(n=1520)
Céfixime 0
(0 %)
0
(0 %)
0
(0 %)
0
(0 %)
2
(0,2 %)
1
(0,1 %)
3
(0,2 %)
0
(0 %)
12
(0,7 %)
7
(0,6 %)
0
(0 %)
Ceftriaxone 0
(0 %)
0
(0 %)
0
(0 %)
0
(0 %)
0
(0 %)
0
(0 %)
1
(0,1 %)
0
(0 %)
0
(0 %)
0
(0 %)
0
(0 %)
Azithromycine 8
(1,0 %)
13
(1,7 %)
12
(1,7 %)
61
(6,7 %)
128
(12,4 %)
251
(19,9 %)
457
(30,9 %)
506
(27,6 %)
482
(27,6 %)
277
(23,7 %)
593
(39,0 %)
Ciprofloxacine 281
(35,3 %)
367
(47,5 %)
276
(38,7 %)
332
(36,6 %)
477
(46,3 %)
750
(59,5 %)
994
(67,3 %)
1351
(73,6 %)
1296
(74,2 %)
852
(73,0 %)
766
(50,4 %)

n : nombre de souches testées; * Selon les critères du CLSI (M100, 31e édition, 2021).

Alors que la résistance à la ciprofloxacine oscillait entre 35 % et 48 % de 2011 et 2015, elle s’est maintenue entre 60 % et 74 % entre 2016 et 2020. Elle a diminué à 50 % en 2021 (tableau 3). 

La gentamicine a fait son apparition dans les guides de traitement pharmacologique en 2018 (INESSS, 2020a; INESSS, 2020b). Aucun critère d’interprétation de la sensibilité n’est défini par le Clinical and Laboratory Standards Institute (CLSI, 2021) pour N. gonorrhoeae. Selon ceux utilisés par le Laboratoire national de microbiologie (ASPC, 2021), 7 % des souches seraient sensibles à la gentamicine et 93 % seraient intermédiaires. En utilisant les critères du CLSI utilisés pour les entérobactéries (CLSI, 2021), le pourcentage de sensibilité est aussi de 7 %, mais 64 % seraient intermédiaires et 29 % résistantes.

Pour plus de détails, consulter les rapports de surveillance sur le site du LSPQ (Lefebvre et al., 2022) : https://www.inspq.qc.ca/lspq/rapports-de-surveillance.

Conclusion

Après quatre années de stabilisation de la résistance de N. gonorrhoeae envers l’azithromycine, un sommet historique à 39 % a été atteint en 2021. La surveillance de la sensibilité aux antibiotiques chez N. gonorrhoeae est primordiale parce qu’elle permet d’orienter les guides thérapeutiques et de soutenir la pratique clinique. D’ailleurs, malgré la pandémie de COVID-19, le LSPQ, le réseau des laboratoires et les cliniciens ont réussi à maintenir en place le programme québécois, contrairement au programme Américain (CDC, 2022).

Références