Sommaire des résultats d’antibiorésistance des souches de Neisseria gonorrhoeae au Québec : 2020

Brigitte Lefebvre, Ph. D., Laboratoire de santé publique du Québec
Annie-Claude Labbé, M.D., CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de Montréal
Judith Fafard, M.D., Laboratoire de santé publique du Québec

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Le Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ), en collaboration avec le réseau des laboratoires du Québec et le ministère de la Santé et des Services sociaux, maintient un programme de surveillance des infections gonococciques. L’analyse des données du programme permet d'établir un portrait de l’antibiorésistance chez les souches isolées au Québec avec une emphase sur les résultats obtenus au cours de l'année 2020, particulièrement en ce qui a trait aux souches non sensibles à la céfixime. Les détails méthodologiques sont disponibles dans les rapports antérieurs déposés sur le site web du LSPQ.

Résultats

Ce sommaire d’antibiorésistance porte sur 1 167 souches reçues au LSPQ en 2020, ce qui représente une baisse comparativement aux quatre années précédentes. Les données provenant d’autres sources (nombre de cas déclarés, nombre d’analyses effectuées par tests d’amplification des acides nucléiques et par culture, ainsi que leurs taux de positivité) sont en cours d’analyse afin de permettre d’estimer à quel point ce portrait est représentatif de la réalité, en cette année de pandémie de COVID-19 où l’accès aux soins et aux analyses de laboratoire a été bouleversé. Il importe donc d’interpréter les résultats de ce portrait avec prudence.

En 2017, une souche non sensible à la ceftriaxone a été identifiée au Québec (Lefebvre et al., 2018). Entre 2015 et 2019, 18 souches non sensibles à la céfixime (≥ 0,5 mg/L) ont été retrouvées (dont 12 en 2019 soit 0,7 %). En 2020, sept souches (0,6 %) non sensibles à la céfixime ont été confirmées (Tableau 1). Ces données indiquent l’émergence de souches non sensibles à la céfixime au Québec.

Tableau 1 - Sommaire des antibiogrammes de N. gonorrhoeae au Québec en 2020 (n = 1167)
Antibiotiques Pourcentage*
S I R NS
Céfixime 99,4 --- --- 0,6
Ceftriaxone 100 --- --- 0
Azithromycine 76,3 --- 23,7 ---
Ciprofloxacine 26,7 0,3 73,0 ---
Gentamicine Aucun critère d'interprétation ---

S : sensible; I : intermédiaire; R : résistant; NS : non sensible
* Selon les critères du CLSI (M100-S30).

Les sept souches non sensibles à la céfixime ont été isolées chez quatre femmes et trois hommes en provenance de cing régions socio-sanitaires. Les souches sont résistantes à la ciprofloxacine (≥ 16 mg/L), mais sensibles à l’azithromycine. Ces souches sont sensibles à la ceftriaxone (0,03-0,06 mg/L).

La sensibilité à l’azithromycine (≤ 1 mg/L) a atteint un creux de 69 % en 2017; elle est de 76 % en 2020 (Figure 1). Une baisse de sensibilité à l’azithromycine est également observée au Canada (ASPC, 2021). Selon les recommandations de l’Institut national d’excellence de la santé et des services sociaux (INESSS), qui sont mises à jour périodiquement, cet antibiotique ne doit pas être utilisé en monothérapie (depuis 2018). En août 2020, des modifications importantes ont été apportées en lien avec l’usage de l’azithromycine : pour le traitement de la personne atteinte d’une infection urétrale, endocervicale ou rectale et pour leurs contacts, les deux options sont 1) ceftriaxone 250 mg en monothérapie (sauf si l’infection à C. trachomatis ne peut pas être exclue) ou 2) céfixime 800 mg en combinaison avec azithromycine 2 g (plutôt que 1 g). Une troisième modification, portant sur le traitement de l’infection à Chlamydia trachomatis, vise entre autres à réduire l’usage de l’azithromycine. Ainsi, la doxycycline devrait être privilégiée; l’azithromycine (1 g) devrait être réservé aux personnes avec un problème anticipé d’adhésion au traitement (INESSS, 2020a).

Tel que détaillé au Tableau 2, l’augmentation de la proportion de souches présentant une sensibilité réduite (SR) aux céphalosporines de 3e génération (C3G) observée en 2014-2015 n’avait pas été soutenue. On observe cependant une hausse de SR à la céfixime en 2020, avec 28 souches (2,4 %) présentant une concentration minimale inhibitrice (CMI) de 0,25 mg/L (OMS, 2012). Toutefois, aucune souche ne présente une SR à la ceftriaxone (0,12-0,25 mg/L).

Alors que la sensibilité à la ciprofloxacine oscillait entre 52 % et 68 % de 2010 et 2015, elle se maintient à moins du tiers des cas depuis 2017. Elle est de 27 % en 2020 (Tableau 3). 

La gentamicine a fait son apparition dans les guides de traitement pharmacologique en 2018 et cet antibiotique est encore présent dans les mises à jour de 2020 (INESSS, 2020a; INESSS, 2020b). Selon les critères utilisés par le Laboratoire national de microbiologie (ASPC, 2021), 17 % des souches seraient sensibles à la gentamicine et 83 % seraient intermédiaires. En utilisant les critères du Clinical and Laboratory Standards Institute (CLSI, 2020) des entérobactéries, seulement 17 % des souches seraient sensibles à la gentamicine (75 % intermédiaires et 8 % résistantes).

Pour plus de détails, consulter les rapports de surveillance sur le site du LSPQ (Lefebvre et al., 2019) : https://www.inspq.qc.ca/lspq/rapports-de-surveillance.

 
Tableau 2 - Sensibilité réduite* aux céphalosporines de troisième génération chez N. gonorrhoeae au Québec, 2010 – 2020
Années (Nombre de souches testées) 2010
(n=920)
2011
(n=797)
2012
(n=772)
2013
(n=714)
2014
(n=906)
2015
(n=1031)
2016
(n=1260)
2017
(n=1478)
2018
(n=1836)
2019
(n=1747)
2020
(n=1167)
Céfixime 0,25 mg/L 2
(0,2 %)
6
(0,8 %)
4
(0,5 %)
3
(0,4 %)
2
(0,2 %)
20
(1,9 %)
3
(0,2 %)
14
(0,9 %)
6
(0,3 %)
10
(0,6 %)
28
(2,4%)
Ceftriaxone 0,12 mg/L 1
(0,1 %)
1
(0,1 %)
3
(0,4 %)
3
(0,4 %)
35
(3,9 %)
37
(3,6 %)
4
(0,3 %)
1
(0,1 %)

5

(0,3 %)

0
Ceftriaxone 0,25 mg/L 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

n : nombre de souches testées; * Selon les critères recommandés par l’OMS (OMS, 2012).

Tableau 3 - Sensibilité* aux antibiotiques de N. gonorrhoeae au Québec, 2010 – 2020
Années (Nombre de souches testées) 2010
(n=920)
2011
(n=797)
2012
(n=772)
2013
(n=714)
2014
(n=906)
2015
(n=1031)
2016
(n=1260)
2017
(n=1478)
2018
(n=1836)
2019
(n=1747)
2020
(n=1167)
Céfixime 920
(100 %)
797
(100 %)
772
(100 %)
714
(100 %)
906
(100 %)
1029
(99,8 %)
1259
(99,9 %)
1475
(99,8 %)
1836
(100 %)
1735
(99,3 %)
1160
(99,4 %)
Ceftriaxone 920
(100 %)
797
(100 %)
772
(100 %)
714
(100 %)
906
(100 %)
1031
(100 %)
1260
(100 %)
1477
(99,9 %)
1836
(100 %)
1747
(100 %)
1167
(100 %)
Azithromycine 909
(98,8 %)
789
(99,0 %)
759
(98,3 %)
702
(98,3 %)
845
(93,3 %)
903
(87,6 %)
1009
(80,1 %)
1021
(69,1 %)
1330
(72,4 %)
1265
(72,4 %)
890
(76,3 %)
Ciprofloxacine 622
(67,6 %)
516
(64,7 %)
402
(52,1 %)
431
(60,4 %)
571
(63,0 %)
551
(53,4 %)
503
(39,9 %)
474
(32,1 %)
477
(26,0 %)
424
(24,3 %)
312
(26,7 %)

n : nombre de souches testées; * Selon les critères du CLSI (M100, 30ième édition, 2020).

Conclusion

La surveillance de la sensibilité aux antibiotiques chez N. gonorrhoeae est primordiale parce qu’elle permet d’orienter les guides thérapeutiques et soutenir la pratique clinique. D’ailleurs, ce programme a été maintenu malgré la pandémie de COVID-19. Bien que le nombre de souches analysées au LSPQ soit moindre en 2020 qu’au cours des années précédentes, ce sommaire met en lumière l’augmentation de souches non sensibles à la céfixime au Québec en 2020; un phénomène aussi observé en 2019.

Références