Relation entre la teneur en amiante dans les matériaux et la concentration de fibres dans l'air ambiant lors de travaux de démantèlement

Le démantèlement de matériaux à base d'amiante peut générer des concentrations importantes de fibres dans l'air. L'exposition à l'amiante se mesure généralement dans la zone respiratoire du travailleur. La concentration de fibres dans l'air peut dépendre de plusieurs déterminants tels que la teneur en amiante dans le matériau, la matrice dans laquelle sont dispersées les fibres, la friabilité du matériau, les techniques de désamiantage, etc. La relation entre la concentration de fibres dans l'air et les caractéristiques du matériau n'est pas bien documentée. Peu d'information est disponible sur l'exposition des travailleurs aux fibres dans le secteur de la construction au Québec, d'où l'importance d'identifier les principaux paramètres permettant d'améliorer la surveillance environnementale des travailleurs et de porter un jugement sur l'efficacité des moyens de protection. La présente étude visait à documenter les sources d'émission et la contribution de différentes variables à la génération de fibres dans l'air lors de l'exécution de tâches spécifiques par des travailleurs de la construction.

L'approche utilisée dans le cadre de cette étude a consisté à obtenir l'accès aux données recueillies lors de la caractérisation des matériaux, de l'échantillonnage dans l'air pendant l'exécution de travaux à risque élevé et aux rapports d'intervention produits par différents partenaires. Les données d'analyse des échantillons de matériaux et des échantillons d'air, les variables dépendantes et indépendantes ainsi que tous les déterminants liés à ces variables ont été saisis dans une base de données relationnelle.

Plus de la moitié des 5383 échantillons de matériaux analysés ne contenait pas de fibres d'amiante tandis que 37 % ne comportait aucune phase fibreuse. Le chrysotile a été retrouvé dans 90 % des échantillons positifs en amiante tandis que l'amosite y était présent dans 21 % des cas et les amphiboles de type trémolite/actinolite ont été retrouvées dans moins de 4 % des échantillons. La très grande majorité des échantillons de murs, plafonds et planchers ne contenait pas d'amiante, sinon, la concentration d'amiante, majoritairement du chrysotile, y était inférieure à 7 %. Par contre, les coudes et tuyaux avaient une teneur en amiante (chrysotile et amosite) supérieure à 50 %.

Des 3000 prélèvements d'air recueillis pendant les travaux dans la zone de désamiantage, 13 % des concentrations étaient supérieures à 5 f/cc et 5 % étaient supérieures à 10 f/cc, avec une valeur maximale de 96 f/cc. Seulement 3,3 % des échantillons ont été prélevés dans la zone respiratoire des travailleurs et 52 % l'ont été en zone respiratoire de marcheurs (techniciens réalisant l'échantillonnage ou la surveillance de chantier). Plus de 42 % des échantillons ont été prélevés en poste fixe, laissant supposer que le nombre des dépassements des valeurs de références auraient été plus important si les échantillons avaient été prélevés en zone respiratoire des travailleurs. Ces observations montrent un risque potentiel pour la santé des travailleurs qui oeuvrent dans ces chantiers ou enceintes et que les mesures de maîtrise prévues par la réglementation doivent être appliquées rigoureusement.

Pendant les travaux de désamiantage, 77 % des concentrations de fibres dans les vestiaires étaient égales ou supérieures à 0,01 f/cc comparativement à 14 % pour les zones connexes. Cependant, 46 % des échantillons dans les vestiaires et 74 % dans les zones connexes ne respectaient pas les conditions optimales d'échantillonnage requises par les méthodes en MOCP. Un volume accru permettrait une détermination plus adéquate de la concentration. De plus, l'utilisation de la MET devrait être envisagée dans de telles situations où l'amiante n'est pas prédominant.

Seule la variable de la teneur en amiante amosite dans les matériaux semble permettre la déduction de la concentration de fibres dans l'air quoique cette association soit faible. De plus, certaines tâches semblent être caractérisées par des émissions de poussières d'amiante beaucoup plus intenses que d'autres. Le travailleur est plus à risque d'être exposé lors d'activités comme la récupération de déchets d'amiante, l'enlèvement de matériaux et la démolition.

Les auteurs recommandent que des prélèvements d'air en zone respiratoire (comme cela est prescrit dans le Code de sécurité pour les travaux de construction et le Règlement sur la santé et la sécurité du travail) soient favorisés pour mieux cerner l'exposition du travailleur et s'assurer de l'efficacité des moyens de maîtrise. Ces prélèvements devraient être effectués pendant l'exécution des tâches susceptibles d'émettre le plus de poussière et ce, afin de s'assurer que le travailleur possède la protection respiratoire appropriée et que les moyens de maîtrise mis en place, tel le mouillage, sont vraiment efficaces.

ISBN (électronique)
978-2-89631-348-8
ISBN (imprimé)
978-2-89631-374-1
ISSN (électronique)
0820-8395
Notice Santécom
Date de publication