Surveillance des bactériémies nosocomiales panhospitalières : avril 2007-mars 2008
La surveillance des bactériémies nosocomiales à l’intérieur des centres de soins de courte durée du Québec (SPIN-BACTOT) qui s’est déroulée du 1er avril 2007 au 31 mars 2008 représente la troisième phase de surveillance effectuée par le groupe de travail SPIN. Elle s’inscrit à la suite des projets SPIN-1 et SPIN-2 qui ont eu cours en 1998 et 2000-2001 respectivement et qui démontraient le problème de l’incidence des bactériémies acquises en milieux de soins et l’importance d’en faire une surveillance systématique et continue.
La surveillance SPIN-BACTOT 2007-2008 s’est révélé un franc succès auprès des CH avec un taux de participation élevé (55 %) malgré le fait qu’elle s’effectuait sur une base volontaire. Ceci témoigne l’intérêt des responsables de la prévention et du contrôle des infections à participer à un programme de surveillance tant au niveau local que provincial.
Durant la période de surveillance, 2 156 bactériémies d’origine nosocomiale ont été déclarées pour un taux global de 8,8/10 000 jours-présence. Ceci représente une augmentation de l’incidence par rapport aux surveillances antérieures où les taux s’élevaient à 6,7/10 000 jours-présence la première année et à 5,7/10 000 jours-présence la seconde année.
Une des raisons pouvant expliquer l’augmentation du taux de bactériémie est l’ajout de 26 centres à la surveillance 2007-2008. L’analyse comparative des taux globaux des CH qui ont participé aux surveillances antérieures démontre une stabilité des taux due à une fluctuation vers le haut et vers le bas des taux de certains CH, mais que l’ajout des 22 centres non universitaires a fait passer le taux d’incidence moyen de 4 à 6,3/10 000 jours-présence. La taille et le type de clientèle de certains de ces CH peuvent expliquer en partie l’accroissement du taux.
Il est intéressant de remarquer que dans le contexte d’une augmentation globale du taux de bactériémie nosocomiale la proportion relative des bactériémies associées aux cathéters a diminué de SPIN-1 à SPIN-BACTOT. Depuis 2003, nous avons en place un programme de surveillance continue des bactériémies sur cathéter aux soins intensifs de ces infections, dans le but de les diminuer. Par contre, la proportion de bactériémies secondaires aux infections urinaires est plus importante et demeure la cause la plus fréquente de bactériémies nosocomiales secondaires qui pourraient justifier un programme de prévention spécifique.
On note une augmentation significative du taux d’incidence des CHU qui ont participé aux surveillances antérieures, passant de 7,9 à 11,1/10 000 jours-présence. Ceci pourrait s’expliquer par le fait qu’au cours des 10 ans qui se sont écoulés depuis la première année de surveillance, le réseau de la santé a connu un accroissement de la lourdeur de la clientèle et de la complexité des services offerts en milieu de soins. Les longs intervalles entre chaque période de surveillance rendent toutefois l’interprétation des données difficile.
Les résultats de la surveillance font ressortir des taux d’incidence 4 fois plus élevés dans les unités de soins intensifs des CHU (36,7/10 000 jours-présence) que dans leurs unités de soins généraux et spécialisés (8,8/10 000 jours-présence), une différence significative (p < 0,0001).
Cette différence est principalement attribuable aux bactériémies primaires associées aux cathéters intra-vasculaires qui sont de 2 à 2,5 fois plus fréquentes que dans les CH selon les unités géographiques.
La redéfinition des bactériémies sur cathéters centraux par le NHSN en janvier 2008 aurait eu pour effet de rejeter 9 % des bactériémies déclarées dans la présente surveillance, dont 60 % provenaient des unités de soins intensifs de néonatologie, un impact significatif sur les taux d’incidence. Pour fin de comparaison avec les résultats de surveillance locale et provinciale des années antérieures, les anciennes définitions seront maintenues en vigueur dans le programme de surveillance. Des analyses comparatives avec les nouvelles définitions seront effectuées pour fin de comparaison avec les données NHSN américain.
Outre l’hyper-alimentation chez les poupons, le diabète est la condition sous-jacente la plus fréquemment présente au moment des bactériémies chez tous les patients hospitalisés. Chez les patients de soins ambulatoires, la néoplasie non hématologique active est la condition principale, suivie du diabète.
Le S. aureus est le pathogène le plus souvent isolé des hémocultures, suivi du staphylocoque à coagulase négative. Toutefois, ce sont le S. aureus et l’E. coli qui sont les microorganismes les plus fréquemment associés à la mortalité globale, tandis que dans les USI, ce sont plutôt les entérobactéries et le S. aureus.
Le taux de mortalité associé directement ou indirectement aux bactériémies est de 6 % de façon globale. Notons par ailleurs, que le lien de causalité entre la bactériémie et le décès n’a été déclaré que dans 48 % des cas. Ceci laisse présager un taux de mortalité associé aux bactériémies substantiellement plus élevé. Les complications ayant été suivies dans 93 % des cas. La récente expérience avec le Clostridium difficile a démontré la difficulté d’établir le lien causal entre l’infection nosocomiale et le décès. Il serait probablement plus juste de répertorier la mortalité brute à 10 et 30 jours.
Les bactériémies d’origine nosocomiale représentent un fardeau non négligeable en termes de morbidité et mortalité dans les centres de soins de courte durée au Québec. Le taux global de bactériémie surpasse actuellement celui des diarrhées associées au C. difficile qui, pour les mêmes CH et la même période, affichaient un taux provincial de 7,7/10 000 jours-présence, et de loin inférieur aux taux de bactériémie obtenus dans les unités de soins intensifs. La diminution enviable des taux provinciaux d’infection au C. difficile des dernières années démontre la faisabilité et la capacité du système de santé à s’investir dans la prévention et le contrôle des infections nosocomiales.
La surveillance étant l’un des meilleurs outils dans la lutte des infections nosocomiales, il sera intéressant de suivre l’évolution des taux de bactériémies dans le temps à l’aide du programme de surveillance des bactériémies nosocomiales panhospitalières. Ce programme offre de nombreux avantages dont celui de fournir une méthodologie et des définitions standardisées ainsi que le support nécessaire aux professionnels en prévention et contrôle des infections des centres participants. Il permet aux CH qui ont de petites unités de soins intensifs et qui ne participent pas à la surveillance des bactériémies sur cathéters centraux aux soins intensifs la possibilité de participer à une surveillance au niveau provincial. De plus, l’analyse locale des données permet de suivre l’évolution des taux d’incidence et de cibler des interventions.
Il serait souhaitable qu’un plus grand nombre de CH participe au programme de surveillance afin de générer des barèmes nationaux servant à l’étalonnage des données locales de surveillance et améliorer la qualité et la sécurité des soins administrés aux patients dans nos institutions. Pour ce faire, il faut assurer une stabilité des ressources en prévention et contrôle des infections dans les centres puisque ce n’est pas le manque d’intérêt mais plutôt le manque de ressources qui est le plus souvent cité comme raison principale à la non-adhésion au programme.