Portrait québécois et évaluation du risque à la santé de la réutilisation des eaux usées domestiques traitées pour l’irrigation de grandes surfaces gazonnées

La réutilisation des eaux usées traitées est intéressante d’un point de vue de conservation, économique et environnemental. Plusieurs usages sont possibles, l'irrigation agricole et urbaine (terrains de golf, bordures d’autoroute, cimetières, parcs) étant la plus développée. Un intérêt s’est manifesté au Québec pour ce dernier usage. Cette pratique pourrait cependant comporter certains risques à la santé de nature microbiologique (virus, bactéries, protozoaires, parasites) et c’est pourquoi plusieurs pays et organisations internationales ont choisi de l’encadrer par une réglementation ou des lignes directrices statuant entre autres sur la qualité de l’effluent utilisé, le niveau de traitement à prodiguer et les mesures de réduction de l’exposition à appliquer.

Entre autres, l'United States Environmental Protection Agency (US EPA) a publié en 2004 des lignes directrices pour la réutilisation des eaux usées. Ces dernières sont basées sur l’approche du 0 indicateur fécal, c’est-à-dire qu’elles visent l’absence d’indicateur bactérien fécal comme les coliformes totaux, fécaux ou les Escherichia Coli dans les eaux usées traitées réutilisées. Le critère établi est de 0 coliforme fécal/100 ml (moyenne) et ne doit jamais dépasser 14 coliformes fécaux/100 ml pour les usages intéressant les Québécois. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a, en 2006, mis à jour ses lignes directrices fondées sur une analyse de risque microbiologique et sur des données épidémiologiques. Les critères sont formulés en termes d'efficacité du traitement ou de mesure de contrôle de l’exposition utilisée. Lorsque seul un traitement est utilisé, on vise l’enlèvement de 6-7 log de rotavirus (qualité de l’effluent similaire à celle exigée en Californie soit une moyenne de < 30 coliformes totaux/100 ml) alors que lorsque l’on ajoute des mesures de contrôle de l’exposition efficaces pour enlever environ 3 log de rotavirus, on peut se permettre d’utiliser un effluent de moindre qualité (< 1000 coliformes fécaux/100 ml).

Une analyse de risque microbiologique conduite avec les données disponibles les plus représentatives de la situation québécoise en vient aux conclusions suivantes :

  • Lorsque le traitement est le seul point de contrôle pour minimiser les risques à la santé liés à la réutilisation des eaux usées pour l'irrigation municipale, ce dernier devrait permettre l’enlèvement de 4 à 5 log de micro-organismes (traitement de niveau tertiaire), selon le micro-organisme pathogène ou indicateur considéré. La qualité de l’effluent utilisé devrait alors correspondre à < 10 coliformes fécaux/l (< 1/100 ml).
  • Lorsque des mesures de contrôle de l’exposition permettant l’enlèvement de 4 log de micro-organismes (ex. : accès interdit au public pendant et après l’irrigation, zone tampon) sont ajoutées, un traitement permettant l’enlèvement de 0 à 3 log de micro-organismes (traitement de niveau secondaire), selon le micro-organisme pathogène ou indicateur considéré, pourrait être appliqué pour obtenir une qualité d’effluent < 104 coliformes fécaux/l (< 103/100 ml).

Ces conclusions sont similaires aux recommandations formulées dans la dernière version des lignes directrices de l’OMS (2006). Elles tiennent compte du fait que le risque pour la population est non volontaire et que la population ne tire aucun bénéfice de l’exposition.

Portrait québécois et évaluation du risque à la santé de la réutilisation des eaux usées domestiques traitées pour l’irrigation de grandes surfaces gazonnées
Auteur(-trice)s
Caroline Huot
M.D., M. Sc., FRCPC, médecin spécialiste, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie
ISBN (électronique)
978-2-550-56053-1
ISBN (imprimé)
978-2-550-56052-4
Notice Santécom
Date de publication