Les schémas d'aménagement et de développement du territoire : une cible d'intervention de santé publique efficace?
Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) est appelé comme plusieurs autres ministères à contribuer à l'avis gouvernemental préparé par le ministère des Affaires municipales et des Régions (MAMR) en cours de processus de révision des schémas d'aménagement des municipalités régionales de comté (MRC).
La réalisation du mandat est décentralisée vers les régions, au sein même des directions de santé publique (DSP) dans les agences de la santé et des services sociaux (ASSS). Les équipes de santé environnementale, mandatées à cette tâche, voient cette contribution comme une opportunité de participer à la planification d'un développement harmonieux et durable du territoire et d'optimiser les actions favorables à la santé et au bien-être de la population de leur territoire.
Cela fait maintenant dix ans que la santé publique est impliquée dans le processus de révision des schémas d'aménagement et de développement (SAD) des MRC. Après toutes ces années, les intervenants de santé environnementale des DSP mandatés pour répondre à la consultation menée par le MAMR ainsi que la Direction de la protection de la santé publique du MSSS, qui chapeaute le processus de formulation de l'avis de santé, se questionnent quant à l'impact réel de leur implication dans ce dossier. C'est ainsi qu'un mandat de la Table nationale de concertation en santé environnementale (TNCSE) a été accordé à l'Unité Santé et environnement de la Direction Risques biologiques, environnementaux et occupationnels de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) afin qu'elle procède à un examen global de la situation et réponde aux questionnements des intervenants directement impliqués.
En plus de répondre à cette préoccupation, cette étude vise à bonifier la contribution du MSSS au processus. Pour ce faire, deux objectifs spécifiques sont poursuivis :
- Dresser un portrait des efforts déployés par le réseau de la santé publique dans le processus de révision des SAD et plus sommairement, aux efforts concernant la réponse aux règlements de contrôle intérimaire (RCI);
- Mesurer les impacts des interventions de la santé publique à différentes étapes du processus de révision des SAD, plus spécifiquement au niveau des avis gouvernementaux et du contenu des schémas d'aménagement et de développement révisés des MRC produits entre septembre 1996 et décembre 2004.
Pour répondre aux objectifs spécifiques de cette étude, nous avons eu recours à une méthodologie basée à la fois sur des méthodes quantitatives (description de l'implication de la santé publique à travers l'analyse d'une banque de données du MAMR, le SIGAT) et qualitatives (interprétation des contenus des avis de santé et des entrevues et de la documentation écrite disponible). C'est ainsi qu'une cinquantaine de documents produits à la fois par le MAMR, par les DSP et par les MRC ont été analysés. De plus, la réalisation d'entrevues auprès des intervenants de santé publique des régions à l'étude, complétée par la consultation générale de l'ensemble des intervenants régionaux impliqués actuellement dans le dossier des schémas d'aménagement, a permis d'assurer une certaine exhaustivité des données qualitatives recueillies.
Les efforts déployés par le réseau de la santé publique ont été mesurés à partir de cinq grands thèmes : la mobilisation et l'adaptation des ressources, la circulation de l'information et des connaissances, les relations entretenues avec les MRC et la quantité de commentaires produits.
Les données recueillies montrent qu'au sein de la DSP, les ressources humaines et financières rattachées à l'émission des commentaires sont relativement similaires et minimales dans toutes les régions. Un professionnel de santé environnementale agit comme responsable du dossier. C'est à lui que revient l'initiative de compléter les commentaires en sollicitant les collègues de son équipe ou au sein d'autres équipes de sa DSP de l'agence de santé et des services sociaux afin d'incorporer une dimension santé publique élargie. Le soutien à l'interne de la DSP et au sein de l'agence en général est souvent difficile à obtenir et les efforts de collaboration inter-équipe et inter-direction entrepris ne sont pas toujours couronnés de succès. De manière générale, le dossier semble peu valorisé à l'échelle régionale et centrale, ce qui conduit, dans certains cas, à un sentiment d'insatisfaction. La lourdeur et la complexité du processus même ont contribué à en décourager plus d'un, le mandat apparaissant surtout comme un mandat administratif et sans éclat. Ce constat pourrait s'expliquer par le fait que l'obligation de commentaire, une responsabilité ministérielle, est confiée à une instance régionale autonome. Malgré ce fait, on constate que l'ensemble des équipes de santé environnementale s'implique dans le processus, en particulier au début du processus. Des disparités entre les régions sont toutefois observées.
L'impact est apprécié en examinant les dimensions sanitaires qui ont été finalement retenues dans le schéma d'aménagement. Différents facteurs influencent la portée de ces avis, nous tentons d'en cerner quelques-uns. L'intérêt des professionnels à s'impliquer dans le processus de révision des schémas d'aménagement est également décrit.
Nos observations indiquent que l'absence de cadre législatif et réglementaire propre à la santé publique agit comme facteur limitant grandement l'impact des interventions de santé publique dans ce domaine. Le fait de s'impliquer à l'échelle locale en créant des liens avec les MRC pourrait être un facteur qui favoriserait un impact plus grand. Le fait que la santé publique émette – selon ses champs de compétence – des commentaires transposables au territoire a un impact visible dans la révision des SAD des MRC, que ces commentaires soient à caractère obligatoire ou facultatif pour les MRC. L'impact de la santé publique sur les schémas d'aménagement et de développement du territoire est toutefois indéniable, même s'il est parfois long à se faire reconnaitre.
Le travail sur le processus de révision des schémas d'aménagement entraîne des retombées positives incontestables sur les pratiques des professionnels responsables du dossier. Il s'agit pour plusieurs d'une occasion d'améliorer la connaissance de leur territoire tout en jetant un regard différent sur les priorités à l'échelle régionale. Même si l'importance du dossier n'est pas toujours reconnue à l'interne des agences ou au sein même des équipes de santé environnementale, le fait de scruter le dossier d'aménagement du territoire ouvre une brèche vers une meilleure collaboration inter-équipe au sein de la direction de santé publique.
Depuis 1996, début de la participation au processus de révision des schémas d'aménagement, le contexte politique et légal, ainsi que les enjeux de santé liés à l'environnement, ont grandement changé. L'implication de la santé publique en aménagement du territoire devra s'adapter afin de tenir compte de la réalité d'aujourd'hui.