Un portrait des services intégrés de dépistage et de prévention des infections transmissibles sexuellement et par le sang (SIDEP) 2004-2005
En réponse à une demande du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) de suivre l'activité « organisation des SIDEP » du Programme national de santé publique, depuis la parution des orientations en la matière (2001), la présente étude trace un portrait d'ensemble de l'« organisation des SIDEP », 2004-2005, à l'échelle du Québec.
La problématique
L'« organisation des SIDEP » repose sur la transformation des services de dépistage anonyme du VIH en des services intégrés de dépistage et de prévention des infections transmissibles sexuellement et par le sang (SIDEP) visant à rejoindre les populations vulnérables aux ITSS. Les orientations du MSSS sont larges de manière à permettre l'adaptation des SIDEP aux réalités régionales. Tour à tour, les acteurs des paliers régional et local les interprètent et les ajustent en fonction des ressources, des exigences et des contraintes relatives aux différents contextes. L'objet SIDEP se transforme. D'autre part, les changements souhaitables sont importants, dont l'offre ciblant les populations vulnérables dans leur milieu qui est plus complexe et plus difficile à réaliser que ne l'est le dépistage en CLSC. Des conditions dans l'environnement, comme le manque de reconnaissance de ce travail, le sousdéveloppement des connaissances dans ce secteur, la rareté des ressources de première ligne et l'absence de crédits supplémentaires pour les SIDEP, pourraient ne pas favoriser l'intervention hors CLSC au profit de celle en CLSC qui répond aux demandes de dépistage de personnes à faible risque. À ces différents enjeux, s'ajoute celui rattaché à la transformation du réseau et à l'élaboration des projets cliniques dans lesquels les SIDEP ont à prendre place.
L'étude rend compte de la « diversité de formules » prévue dans ces orientations et de l'état d'implantation des SIDEP, examine plus attentivement l'intervention hors CSSS (CLSC) auprès des populations vulnérables et propose des pistes en soutien à la mise en oeuvre de ces services. L'approche qualitative est privilégiée. Les sources d'information sont documentaires et de première main auprès des responsables régionaux des SIDEP ainsi que d'infirmières et d'intervenants impliqués dans l'intervention hors CLSC.
Les résultats
Les principaux résultats font voir une diversité dans la conception et dans l'« organisation des SIDEP ». Les réalités régionales sont différentes quant à l'ampleur des ITSS sur leur territoire, à la concentration ou à la dispersion des populations vulnérables aux ITSS, à la concentration de la population en général, à l'existence plus ou moins importante de zones urbaines, à l'étendue du territoire ainsi qu'aux ressources financières et humaines allouées. Quatorze régions sur dix-huit possèdent au moins un SIDEP organisé ou en organisation sur leur territoire en 2004-2005.
Trois modèles régionaux d'organisation ressortent :
- un ou deux SIDEP;
- de multiples SIDEP, dont ceux de Montréal qui ont des mandats dédiés à des populations vulnérables précises;
- de multiples services moins différenciés dans le CLSC et répartis sur le territoire.
Tous les services de dépistage anonyme du VIH ne sont pas devenus des SIDEP, au moins trente-neuf d'entre eux le sont devenus.
La plupart des SIDEP font une réelle intégration du dépistage des ITSS en CLSC et le panier de services défini par le Groupe de travail est offert quasi complètement. Cet aspect s'inscrit bien dans la mission des CLSC et des pratiques cliniques préventives. Quant aux interventions hors CLSC, douze des dix-huit régions en réalisent avec plus ou moins d'ampleur. L'organisation est très dépendante des contextes et requiert une bonne connaissance du territoire et des populations vulnérables qui s'y trouvent. S'il y a une nette évolution dans l'organisation des SIDEP, depuis la parution des orientations, l'intervention hors CLSC mérite d'être davantage travaillée, organisée et reconnue.
Des spécificités de la pratique sont mises en évidence selon les lieux d'intervention et les populations touchées. Les établissements à vocation sociale offrent un cadre plus près du CLSC que les établissements commerciaux ou l'espace public et facilitent l'intervention. La participation de l'infirmière ou de l'intervenant aux activités récréatives est une manière d'apprivoiser les habitués. Une présence assez régulière dans les établissements, une intervention bien préparée et un appui de l'organisme sont des gages de succès. Dans les établissements commerciaux, tels que les saunas fréquentés par les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes et les lieux du travail du sexe, l'intervention est plus complexe et plus délicate. L'intervenant communautaire devient l'intermédiaire entre l'infirmière et les tenanciers; il a souvent des entrées dans ces milieux et en connaît la culture. Chaque lieu impose ses règles et l'offre de services varie afin de répondre aux besoins et aux possibilités. Enfin, dans les autres lieux comme les appartements, les parcs, la rue et les piqueries, l'organisation de l'intervention est parsemée d'incertitudes. Les contacts et les liens de confiance sont souvent à refaire, les milieux sont très instables. Quoi qu'il en soit, des infirmières et des intervenants ont développé des expertises et des savoir-faire dans différents lieux et auprès de diverses populations vulnérables qui pourraient être mis à profit.
Des perspectives de consolidation
Par ailleurs, l'étude montre que l'« organisation des SIDEP » dépend en grande partie des contextes et qu'il y a effectivement une « diversité de formules ». Bien qu'on ait tendance à en parler seulement en termes de dépistage des ITSS et à les représenter surtout dans leur intervention en CLSC, les SIDEP constituent aussi une mesure de prévention pour les populations vulnérables. Les SIDEP reposent sur les acteurs des différents paliers qui les façonnent. Dans une perspective de consolider ces services, compte tenu qu'ils sont de petits dossiers dans les CSSS et qu'ils sont fragiles, il convient de favoriser une approche plus pragmatique que normative du dossier, portée par des processus, qui réunissent les acteurs aux différents paliers en vue de partager une compréhension commune du dossier. Il faudrait participer à définir plus précisément les SIDEP sur le terrain des régions, déterminer des objectifs généraux de développement, traduire la notion de populations vulnérables sous l'angle des réalités régionales et des projets cliniques, documenter l'offre de services ciblant les populations vulnérables dans leur milieu, soutenir le transfert des connaissances dans ce domaine et reconnaître ces pratiques. Enfin, il y aurait lieu de discuter la question du dépistage des ITSS auprès des personnes vulnérables afin de lever des ambiguïtés et de résoudre des controverses. S'il faut maintenir de grandes orientations pour assurer une direction et une cohérence aux SIDEP et pour garder le cap de la lutte aux ITSS, il faut aussi intégrer les réalités des régions et mobiliser les acteurs.