Témoignage de l'Institut national de santé publique du Québec à la Commission d'examen chargée d'étudier la nature et les caractéristiques des marchettes pour bébé

Le 23 mars 2004, le Gouverneur en conseil, sur recommandation du ministre de la Santé et en vertu du paragraphe 6 de la Loi sur les produits dangereux, a rendu un décret interdisant l'annonce, la vente et l'importation du produit connu comme étant une : « Marchette pour bébé montée sur roues ou autres objets similaires et comportant une enceinte qui supporte le bébé en position assise ou debout de sorte que ses pieds puissent toucher le sol et ainsi permettre le déplacement horizontal de la marchette. » 

Dans une lettre du 21 mai 2004, un distributeur de marchettes pour bébé a demandé au ministre de la Santé le renvoi du décret devant une commission d'examen en vertu de l'article 8 de la Loi sur les produits dangereux.

Le 2 juin 2006, le ministre de la Santé a annoncé la constitution d'une Commission d'examen, conformément au paragraphe 9 de la Loi sur les produits dangereux. En vertu du paragraphe 9 de cette loi, la Commission d'examen est chargée d'étudier la nature et les caractéristiques du produit. De plus, elle doit donner au distributeur qui a fait la demande de renvoi et à toute autre personne touchée par le décret une possibilité raisonnable de comparaître devant la Commission et de lui présenter des éléments de preuve et des observations.

L'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) participe à l'enquête en comparaissant devant la Commission et en lui présentant des éléments de preuve et des observations. Les traumatismes sont parmi les objets de préoccupation de l'INSPQ. Comme les marchettes pour bébé constituent un facteur d'insécurité important, tout changement législatif susceptible d'en accroître l'accès nous préoccupe au plus haut point. De plus, l'INSPQ est particulièrement concerné par un objectif du programme national de santé publique du Québec qui stipule que d'ici 2012, on vise « réduire la morbidité et la mortalité liées aux chutes et aux blessures à domicile ».

La position de l’INSPQ est que le maintien du décret interdisant les marchettes au Canada depuis le 7 avril 2004 doit être maintenu. Les raisons sont les suivantes :

  • Il a été clairement établi que les blessures associées aux marchettes sont fréquentes, et peuvent également être graves, voire mortelles.
  • Même l’adoption de la norme ASTM n’a pas complètement réglé le problème des blessures par chute comme l’ont démontré les études de Santé Canada et de la US Consumer Product Safety Commission. De plus, cette norme n’offre aucune prévention des blessures de proximité qui, on l’a vu en Australie, peuvent représenter une proportion importante des blessures associées aux marchettes.
  • Les marchettes sont inutiles pour le développement psychomoteur de l’enfant, et sont même probablement nuisibles (en plus d’être dangereuses).
  • Les marchettes, même respectant la nouvelle norme, procurent un faux sentiment de sécurité auprès des parents qui peuvent ainsi diminuer leur supervision et leur vigilance.
  • Même avec l’adoption de la norme américaine de fabrication ASTM, il faut noter que de nombreux modèles asiatiques et européens (non conformes à la norme ASTM) sont toujours vendus dans les marchés aux puces et par des vendeurs itinérants. En ouvrant à nouveau la vente de marchettes, il serait difficile d’informer correctement la population sur les risques encourus par les différents modèles. L’interdiction totale limite la confusion.
  • De nombreux organismes crédibles en appellent eux aussi à l’interdiction des marchettes, y compris aux États-Unis. Du nombre, on souligne celui de l’American Academy of Pediatrics (AAP).
  • Selon des auteurs de la U.S. Consumer Product Safety Commission, les efforts déployés par l’AAP pour avertir les parents des dangers associés aux marchettes auraient eu un effet sur le nombre de marchettes utilisées (soit une réduction d’environ 25 % depuis que l’AAP a débuté ses efforts officiels). Cette réduction (du nombre de marchettes en utilisation) serait l’explication la plus plausible pour expliquer la forte baisse de blessures associées aux marchettes entre 1981 et 2002, de même que l’utilisation d’alternative aux marchettes soit les centres d’activités stationnaires.
  • Au Canada, les données les plus récentes issues de CHIRPP nous laissent croire qu’ici aussi, le nombre de marchettes en circulation pourrait expliquer la réduction du nombre de blessures qui y sont associées par rapport à l’ensemble des blessures subies par les enfants. Toutefois, l’adoption de nouvelles normes de fabrication n’a pas modifié le pourcentage de blessures qui surviennent par chute dans les escaliers, ces dernières provoquant généralement des blessures graves.
  • Enfin, de nombreux parents croient encore à l’utilité et à la sécurité des marchettes, et ce, malgré toutes les informations que l’on peut leur procurer. Il est bon de rappeler que des études antérieures ont bien démontré que les marchettes étaient davantage utilisées par les familles à faible revenu. Un allègement de la législation exposerait vraisemblablement encore davantage les familles déjà plus touchées par la problématique des traumatismes chez les enfants.
Type de publication
ISBN (électronique)
978-2-550-49099-9
ISBN (imprimé)
978-2-550-49098-2
Notice Santécom
Date de publication