Représentations de la consommation d'alcool pendant la grossesse et perceptions des messages de prévention chez des femmes enceintes

La consommation d’alcool est en augmentation au Québec depuis près de dix ans. Après avoir diminué dans les années 1980, puis s’être stabilisée au milieu des années 1990, elle connaît en effet une hausse depuis 1997-1998. On observe également, depuis la même période, qu’une plus grande proportion de femmes consomme de l’alcool et qu’une plus grande proportion des buveuses a des épisodes de consommation excessive. Par ailleurs, les Québécoises disent plus fréquemment que les Canadiennes des autres provinces qu’elles ont pris de l’alcool pendant leur dernière grossesse. Des différences selon le niveau socioéconomique sont également observées, la consommation d’alcool des femmes, enceintes ou non, augmentant avec le niveau socioéconomique.

L’augmentation de la consommation d’alcool dans la population générale observée au Québec, accompagnée par une plus grande normalisation et banalisation face à cette consommation, risque peut-être, si elle se maintient, d’avoir des conséquences au moment de la grossesse. L’alcool est un produit tératogène qui peut avoir des effets néfastes sur le développement du fœtus. Les études sur les effets de faibles quantités d’alcool comportent des biais méthodologiques qui limitent leur portée. Par ailleurs, il n’existe pas de preuve de l’innocuité de l’alcool consommé modérément et plusieurs pays, dont le Canada, la France et les Etats-Unis, ont adopté une approche prudente et recommandent aux femmes de cesser de prendre de l’alcool pendant la grossesse.

Les données les plus récentes sur l’usage de l’alcool et du tabac pendant la grossesse, sans être alarmantes, montrent qu’il existe un besoin évident de soutenir les femmes enceintes pour protéger leur santé et celle de leur bébé. Les résultats de notre recherche apportent une compréhension particulière de la question en s’attardant sur les connaissances, les perceptions et les représentations des futures mères à propos de ces produits. Leurs expériences et leurs visions sont des éléments à prendre en compte dans la définition des futurs outils de prévention et de promotion de saines habitudes de vie qui leur sont destinés. Les pages qui suivent résument les principaux messages qu’elles nous ont livrés au sujet de la consommation d’alcool, ainsi que ceux des professionnel-les de la santé qui les soutiennent. Nous les avons prolongés par des recommandations.

Clarifier les messages au sujet de la consommation d’alcool pendant la grossesse

Les femmes qui ont participé à la recherche ont manifesté un désir ferme de recevoir des recommandations claires et précises relativement à la consommation d’alcool. Elles souhaitent être en mesure de faire un choix éclairé et pour ce faire, elles ont besoin d’une information juste et sans détour. Elles veulent aussi connaître les effets de l’alcool sur l’enfant à naître. Elles semblent prêtes à recevoir des recommandations d’abstinence dans le contexte de la grossesse.

Recommandations :

  1. Formuler le message de s’abstenir de consommer de l’alcool pendant la grossesse et écarter la question du seuil minimum à partir duquel il y aurait des effets sur le fœtus.
  2. Harmoniser les messages de prévention au sujet de l’alcool et la grossesse au Québec. À cet effet, mettre en place un groupe de travail réunissant les instances concernées qui aurait le mandat de définir les contenus des messages de prévention au sujet de l’alcool et la grossesse au Québec ainsi que les approches à favoriser pour leur diffusion, sous la coordination de l’Institut national de santé publique du Québec.

    Le groupe de travail étudierait les propositions suivantes :
    • Informer toutes les femmes, quels que soient leur appartenance socioéconomique et leur niveau de scolarité, en évitant toute dramatisation et culpabilisation.
    • Présenter la grossesse comme un contexte particulier et un moment spécifique et circonscrit dans le temps où l’on s’abstient de prendre de l’alcool.
    • Informer sur les risques de la consommation d’alcool pour le fœtus et l’enfant à naître ainsi que sur les conséquences de ces effets.
    • Informer sur le fonctionnement du corps humain et la façon dont l’alcool affecte le fœtus.
    • Informer les femmes à risque de consommation élevée et susceptibles de vivre des épisodes de boire excessif du risque de grossesse non planifiée et des méthodes efficaces de contraception, y compris la pilule contraceptive d'urgence, ainsi que des dangeurs de la consommation d'alcool durant la grossesse.
    • Expliquer les équivalences entre les divers types d’alcool.
    • Faire connaître les ressources pouvant répondre aux questions de femmes qui auraient des inquiétudes concernant leur consommation d’alcool en début de grossesse alors qu’elles ignoraient leur état de grossesse et celles aptes à répondre aux femmes enceintes ou qui souhaitent le devenir et qui ont de la difficultés à cesser de boire.

Rejoindre la population au-delà de celle des femmes enceintes

Nous reprenons à notre compte la suggestion des participantes à la recherche et des professionnel-les de la santé rencontrés à savoir que ce ne sont pas seulement les femmes enceintes qui doivent être ciblées par les messages de prévention de la consommation d’alcool pendant la grossesse. Cibler les femmes en âge de procréer mais aussi les professionnel-les de la santé et même l’ensemble de la société permet de transmettre de l’information en sensibilisant tous et chacun à un message unique. Ceci offre l’avantage de créer un soutien plus large pour les femmes enceintes et facilite le développement d’une norme sociale en permettant la création d’un consensus. Ainsi, comme c’est le cas concernant le tabagisme, il devient quasi de sens commun que la cigarette et la grossesse ne vont pas ensemble.

Recommandations :

  1. Cibler les femmes enceintes, leurs conjoints, les jeunes femmes en âge de procréer, la population en général et les professionnel-les de la santé.
  2. Être sensible, dans les messages populationnels, aux différences entre les groupes socioéconomiques et aux profils de consommation.

Informer et former les professionnel-les de la santé en matière d’alcool pendant la grossesse

Les intervenant-es se disent peu outillés pour informer et sensibiliser les femmes enceintes et pour intervenir auprès d’elles. Ils nous ont fait part de leurs besoins de matériel pouvant les soutenir dans leur travail. Ils disent également qu’il est difficile de se maintenir à jour dans les connaissances portant sur la consommation d’alcool pendant la grossesse. Ils ont exprimé le besoin de pouvoir accéder facilement à de l’information ainsi qu’à de la formation afin d’être plus efficaces dans leur travail.

Par ailleurs, d’après les propos des femmes, les médecins ne s’attarderaient pas suffisamment à leurs habitudes de vie, en particulier la consommation d’alcool et le tabagisme, comme une composante à considérer pour la qualité du déroulement de leur grossesse et la santé du bébé à naître.

Des stratégies pour améliorer les connaissances de ces professionnel-les et pour mieux organiser les services aux femmes enceintes qui ont des troubles d’abus ou de dépendance à l’alcool les soutiendraient dans leurs interventions auprès d’elles.

Recommandations :

  1. Intégrer dans les curriculums de formation continue en périnatalité des informations sur l’évolution des pratiques de consommation, des connaissances sur les effets de l’alcool pendant la grossesse et des habiletés pour intervenir auprès des femmes enceintes qui consomment de l’alcool pendant la grossesse.
  2. En collaboration avec les associations médicales, rappeler aux médecins qui pratiquent en obstétrique l’importance de leur rôle dans la promotion de saines habitudes de vie.

Revoir les stratégies d’information destinées aux femmes enceintes

Le contexte de la maternité semble devenu de plus en plus normatif et les femmes sont soumises à un ensemble de consignes et d’interdits touchant une grande variété de comportements pendant la grossesse. La somme des informations données aux femmes doit être pensée de manière à être coordonnée et hiérarchisée afin qu’elle soit moins contraignante, plus efficace et plus complète.

Recommandation :

  1. Revoir les stratégies de sensibilisation et de transmission des informations concernant l’ensemble des informations s’adressant aux femmes au cours de la grossesse.
ISBN (électronique)
2-550-48339-1
ISBN (imprimé)
2-550-48338-3
Notice Santécom
Date de publication