Utilisation du vaccin acellulaire contre la coqueluche chez les adolescents et les adultes québécois

Lors de la conférence canadienne de consensus sur la coqueluche tenue en mai 2002, les experts ont décidé que l'objectif du programme de lutte contre la coqueluche était de réduire la mortalité et la morbidité non seulement chez les nourrissons mais dans l'ensemble de la population quel que soit l'âge des individus. Bien que la protection des adolescents et des adultes puisse avoir un impact indirect sur la protection des nourrissons, la sévérité de la morbidité due à la coqueluche chez les adolescents et les adultes a été jugé suffisante pour que la protection des adolescents et des adultes soit considérée comme un objectif valable et suffisant en soi.

L'administration d'un vaccin anticoquelucheux peu protecteur utilisé entre 1985 et 1997 a laissé un grand nombre d'enfants vulnérables et a causé depuis 1990 des épidémies de coqueluche aussi importantes que celles qui sévissaient dans les années 50. L'arrivée du vaccin acellulaire en 1998 a amélioré considérablement la situation des jeunes enfants car il est beaucoup plus efficace (85 %). Malgré cela, les jeunes nés entre 1985 et 1994 qui ont reçu le vaccin peu protecteur et qui n'ont reçu aucune dose de vaccin acellulaire constituent une cohorte particulièrement vulnérable et parmi laquelle sévira la prochaine épidémie. Compte tenu de la nature cyclique de la coqueluche, et que la dernière année épidémique remonte à 1998, on doit s'attendre à subir une autre épidémie entre 2003 et 2005 si rien n'est fait. Cette épidémie affectera alors la cohorte vulnérable qui comprend les adolescents qui fréquentent les écoles secondaires.

Par ailleurs, le nombre d'adultes (20 ans ou plus) atteints par la coqueluche a aussi augmenté considérablement depuis 1990. Leur proportion par rapport à l'ensemble des cas est passée de 4 % à 18 % entre 1990 et 2002. On estime qu'environ 10 % des adultes sont susceptibles à la coqueluche.

La morbidité due à la coqueluche chez les adolescents et les adultes n'est pas banale. Parmi les cas déclarés au système de surveillance de maladies à déclaration obligatoire (MADO) en 1998, la durée moyenne de la toux a été de 10 semaines chez les adolescents et de 12 semaines chez les adultes. Globalement 52 % des cas ont toussé plus de 9 semaines. Les adolescents et les adultes atteints de coqueluche consultent un médecin en moyenne 2,4 fois. Au cours de leur maladie, près de la moitié des patients a une aspiration nasopharyngée et une culture bactérienne, 31 % ont une radiographie pulmonaire et 13 % une radiographie des sinus. Presque tous les patients reçoivent des antibiotiques pour traiter leur maladie. Alors qu'au début des année 90 on utilisait presque uniquement de l'érythromycine (coût environ 35 $ par traitement), on utilise actuellement principalement la clarythromycine (coût environ 120 $ par traitement) parce qu'elle cause moins d'effets secondaires, en particulier l'intolérance digestive. Entre 1 % et 2 % des cas ont été hospitalisés. La durée moyenne d'hospitalisation est de 3 jours chez les patients de moins de 50 ans et de 17 jours chez ceux de 50 ans ou plus.

La proportion de cas ayant développé un pneumonie passe de 2 % chez les adolescents et les jeunes adultes à 9 % chez ceux de 50 ans ou plus.Le vaccin acellulaire contre la coqueluche combiné à la diphtérie et au tétanos (dCaT) en formulation pour les adolescents et les adultes est maintenant disponible au Canada. Une seule dose de ce vaccin dans ces groupes d'âge donne une protection d'environ 80 %. Ce vaccin est sécuritaire et n'entraîne pas plus d'effets secondaires que le vaccin combiné diphtérie-tétanos (d2T5) actuellement utilisé. Le coût du dCaT est d'environ 23 $ par dose par rapport à environ 5 $ par dose pour le d2T5.

Pour éviter l'épidémie anticipée chez les adolescents, il faudrait administrer une dose de vaccin dCaT à l'ensemble des jeunes nés entre 1985 et 1994 qui fréquentent l'école secondaire. Cette stratégie est lourde mais est la seule capable de prévenir de façon certaine la prochaine épidémie. Le scénario alternatif serait de remplacer immédiatement le d2T5 administré aux adolescents en troisième secondaire par le dCaT, ce qui permettra sur une période de 5 ans de couvrir les plus jeunes membres de la cohorte vulnérable. Avec cette seconde stratégie, il est probable qu'on n'évitera pas l'épidémie.

Recommandations

En accord avec les experts de la conférence de concertation nationale sur la coqueluche de mai 2002, le comité recommande que l'objectif du programme de lutte contre la coqueluche au Québec soit de réduire la mortalité et la morbidité due à la coqueluche non seulement chez les enfants mais dans toute la population.

Dans le but de protéger la cohorte d'adolescents restés vulnérables après n'avoir reçu que du vaccin entier, le comité recommande la vaccination avec une dose de rappel de dCaT des adolescents des écoles secondaires n'ayant jamais reçu de doses de vaccin acellulaire contre la coqueluche. Cette vaccination devrait être mise en oeuvre le plus tôt possible, idéalement dès l'année scolaire 2003-2004.

Pour s'assurer de prévenir la prochaine épidémie, la stratégie idéale est la vaccination de tous les élèves du secondaire en un seul temps. Cependant, compte tenu des ressources financières et humaines considérables nécessaires pour réaliser une campagne massive, le comité recommande de substituer dès cette année le d2T5pour le dCaT pour la vaccination scolaire des adolescents.

Il sera nécessaire de réévaluer ce programme dans 5 ans alors que les cohortes ayant reçu au moins une dose de vaccin acellulaire arriveront au niveau scolaire (troisième secondaire) où se donne la dose de rappel.

Le programme de vaccination de rappel avec le dCaT en milieu scolaire doit rejoindre les élèves de l'ensemble de la province. Le comité recommande que le Ministère s'assure que tous les CLSC de la province fassent annuellement la vaccination des élèves du secondaire en milieu scolaire en conformité avec le programme national de santé publique.

Pour les adultes, le comité recommande de substituer le dCaT au d2T5lors des doses de rappels administrées à ce groupe d'âge. Le groupe d'âge à privilégier pour éventuellement réduire la maladie chez les nourrissons serait celui des adultes de 20-39 ans.

Le comité recommande que l'information concernant la vaccination des adolescents soit consignée dans un registre vaccinal provincial de façon à bien connaître la couverture vaccinale obtenue par ce programme.

Le comité recommande que l'on continue à surveiller l'incidence de la coqueluche dans les différents groupes d'âge en portant une attention particulière aux personnes âgées. On devrait rechercher plus spécifiquement la morbidité et les risques de mortalité dans ce groupe d'âge.

Le comité recommande que soit évaluée de façon prioritaire la durée de la protection conférée par l'administration d'une dose de dCaT avant l'entrée à l'école aux enfants préalablement vaccinés avec le vaccin entier. Cette information sera essentielle pour déterminer s'il sera nécessaire de leur administrer une dose de rappel lorsqu'ils arriveront à l'adolescence.

Auteur(-trice)s
ISBN (électronique)
2-550-44982-7
ISBN (imprimé)
2-550-44981-9
Notice Santécom
Date de publication