Le radon au Québec : évaluation du risque à la santé et analyse critique des stratégies d'intervention

Le radon est un gaz radioactif d'origine naturelle qui peut s'infiltrer dans les bâtiments par les fissures et autres voies d'entrée au niveau du soubassement. Comme il est plus lourd que l'air, le radon a tendance à se concentrer dans les parties les plus basses et les moins ventilées comme dans les soussols des habitations. À la lumière des dernières connaissances qui font du radon un des contaminants environnementaux les plus importants en terme de risque de cancer, de l'intérêt grandissant pour cette problématique et considérant l'absence d'une politique provinciale sur le radon, la Direction générale de la santé publique du ministère de la Santé et des Services sociaux a mandaté l'Institut national de santé publique du Québec pour procéder à une évaluation du dossier du radon à l'échelle provinciale.

Effets sur la santé

Le radon est considéré comme un cancérigène pour l'humain. Il fait partie des classes «nbsp;Anbsp;» du United States Environmental Protection Agency et «nbsp;1nbsp;» du Centre international de recherche sur le cancer. En 1998, les membres du comité Biological Effects of Ionizing Radiations VI (BEIR VI) utilisaient les études épidémiologiques effectuées chez les travailleurs pour étayer des modèles d'analyse de risque applicables aux concentrations d'exposition retrouvées dans les résidences et accréditaient l'hypothèse que ces études semblaient supporter une légère augmentation du risque de cancer du poumon. Le comité BEIR VI a présumé que la relation entre le risque de cancer du poumon en fonction de l'exposition au radon devait être décrite par un modèle linéaire et qu'il était impossible de déterminer un seuil sécuritaire. En d'autres termes, toute exposition entraîne un risque. En rapport avec la synergie entre l'exposition au radon et le tabagisme, le comité BEIR VI a décrit l'effet par une relation plus qu'additive. Le groupe de travail de l'INSPQ a analysé, par une revue détaillée de la littérature, les évidences épidémiologiques d'un lien possible entre l'exposition au radon dans les domiciles et le cancer du poumon. Les études cas-témoins ont ainsi été examinées en s'attardant principalement aux recherches les plus solides sur le plan méthodologique. Depuis 1998, les études réalisées en milieu résidentiel viennent étayer les conclusions du BEIR VI à l'effet que l'exposition au radon dans les résidences doit être considérée, pour la population générale, comme une cause de cancer du poumon qui peut être réduite.

Concentrations mesurées au Québec

Une étude visant à documenter l'exposition résidentielle au Québec a été réalisée sur environ 900 maisons à l'échelle provinciale. À partir de cette étude, parue en 1995, et du nombre d'habitations constituant le parc immobilier (1 470 000), on a estimé à environ 3 231 (IC95 % : 147-18 065), le nombre de maisons dans la province susceptibles de présenter des concentrations en radon supérieures à 800 Bq/m3 au rez-de-chaussée. Des nombres approximatifs de 19 680 (IC95 % : 3 966-35 249) habitations pourraient présenter des teneurs supérieures à 200 Bq/m3 au rez-de-chaussée et 35 984 (IC95 % : 18 065-63 742), des concentrations supérieures à 150 Bq/m3. Les moyennes géométriques et arithmétiques des concentrations de radon au rez-de-chaussée pour l'ensemble de la province étaient respectivement de 18,0 Bq/m3 et 38,1 Bq/m3.

Valeurs de référence adoptées par divers pays

Dans la majorité des cas, les concentrations de référence définies pour les habitations n'ont pas force légale. Elles correspondent plutôt à des valeurs guide. Les valeurs de référence varient suivant les pays entre 150 Bq/m3 et 1 000 Bq/m3 pour les maisons existantes. Si on exclut ces valeurs extrêmes, elles se situent plutôt entre 200 et 400 Bq/m3. La limite de référence actuellement utilisée au Canada est de 800 Bq/m3, mais spécifie que toute exposition peut entraîner un risque et que l'on devrait viser les niveaux de radon les plus bas possibles. Cette limite est toutefois souvent considérée comme une valeur au-dessous de laquelle il n'est pas nécessaire d'agir. Cette interprétation erronée a souvent pour effet d'entraîner une inertie dans la population face à la mitigation lorsque les teneurs mesurées sont inférieures à cette valeur. Pour l'exposition domiciliaire au radon, l'International Commission of Radiological Protection (ICRP) estime que certaines mesures de correction sont presque toujours justifiées pour des expositions annuelles continues supérieures à 600 Bq/m3. Pour cet organisme, le choix d'un niveau d'action pour le radon devrait se limiter à un intervalle allant de 200 à 600 Bq/m3. Par ailleurs, plusieurs pays européens ont établi une valeur de référence pour le radon dans les milieux de travail et les bâtiments publics.

Stratégies d'intervention

Le groupe de travail de l'INSPQ a cherché à évaluer, par le biais d'une analyse de risque, les conséquences pour la santé humaine de la présence de radon dans les domiciles au Québec et l'impact possible de différents scénarios d'intervention sur la mortalité par cancer du poumon. Le nombre de décès a été calculé à partir d'un modèle du BEIR VI, appliqué à la population du Québec, en effectuant 10 000 simulations. Selon ce modèle, l'exposition résidentielle au radon expliquerait environ 10 % des décès par cancer du poumon, soit 430 des 4 101 décès par année selon le fichier des décès au Québec pour l'année 1998, dont 83,5 % feraient suite à des expositions inférieures à 150 Bq/m3. De ces cas, 60 % surviendraient chez les fumeurs, 30 % chez les ex-fumeurs et 10 % chez les personnes n'ayant jamais fumé. Les principales options d'intervention sont les suivantes : le statu quo, l'éducation sanitaire, la promotion du dépistage dans les zones à risque, le dépistage dans les zones à risque avec offre de support financier et technique pour la mitigation, le dépistage obligatoire et universel dans les résidences, le dépistage obligatoire dans les zones à risque, les modifications au Code de construction du Québec et enfin, le dépistage obligatoire dans les écoles et autres lieux publics. Ces options ont été évaluées en fonction de leur efficacité et de leur faisabilité, en tenant compte des incertitudes qui existent actuellement au Québec au sujet des valeurs prédictives des données géologiques, de l'observance de la population en l'absence de programme d'aide technique et financière, de l'accessibilité à des services de qualité en matière de dépistage et de correction et de l'efficacité à long terme de mesures de mitigation.

Aperçu des recommandations

Le groupe de travail propose une série de recommandations dont les principales sont énumérées cidessous :

  • Les risques à la santé associés au radon justifient des actions plus énergiques et un investissement de ressources supérieur à ce qui est actuellement consenti.
  • Des activités d'information et de communications, dirigées vers la population et vers les différentes organisations susceptibles d'être impliqués par la problématique du radon, ainsi que l'élaboration et la production d'un guide destiné à la prise en charge des demandes concernant des cas particuliers devraient au minimum être entreprises.
  • Les autorités responsables devraient considérer les deux options de gestion de risques jugées les plus prometteuses, à brève échéance, en termes d'efficacité et de faisabilité, soit l'adoption de mesures préventives dans le Code de construction du Québec et le dépistage du radon dans les lieux publics (écoles, garderies, lieux de travail, etc.).
  • À court terme, il y aurait lieu de mettre en place un comité de suivi sous l'égide du ministère de la Santé et des Services sociaux, impliquant d'une part un ou des représentants des organismes de santé publique concernés par la problématique du radon, soit l'Institut national de santé publique du Québec et les directions de santé publique et d'autre part les différents acteurs essentiels à l'opérationnalisation de la démarche, tels que la Société d'habitation du Québec, la Régie du bâtiment et le ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs.
  • À moyen terme, il y aurait lieu d'élaborer, sur une base populationnelle, des critères de gestion en fonction des stratégies retenues au Québec, en accord avec les recommandations internationales. La valeur de référence devra être établie en fonction de la stratégie d'intervention retenue.
Note(s)

Le document synthèse de ce rapport est également disponible.

Auteur(-trice)s
Jean-Claude Dessau
M.D., médecin-conseil, Institut national de santé publique du Québec
Fabien Gagnon
M.D., M. Sc., FRCPC, médecin-conseil, Institut national de santé publique du Québec
Benoît Lévesque
M.D., M. Sc., FRCPC, médecin spécialiste, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie
Claude Prévost
Institut national de santé publique du Québec
Jean-Marc Leclerc
M. Sc., conseiller scientifique, Institut national de santé publique du Québec
Jean-Claude Belles-Isles
Consultant indépendant
Type de publication
ISBN (imprimé)
2-550-43891-4
Notice Santécom
Date de publication