Enquête de santé auprès des Inuits du Nunavik 2004 : nutrition et consommation alimentaire chez les Inuits du Nunavik

Au cours des dernières décennies, des changements importants se sont produits dans les habitudes alimentaires des Inuits, en particulier avec l’amélioration des communications et des transports avec les régions situées au sud du Nunavik. Une grande partie des aliments traditionnels inuits ont ainsi été remplacés par des aliments commerciaux. Une situation semblable a été observée chez d’autres populations autochtones et il semble que ces populations soient vulnérables aux déficiences nutritionnelles et qu’elles connaissent une augmentation importante de problèmes de santé liés à l’alimentation. L’amélioration de la santé des Inuits est une priorité en santé publique qui exige la surveillance de leur apport alimentaire et nutritionnel, de leurs attitudes, comportements et préférences alimentaires, de même que de leur sécurité alimentaire. L’enquête de santé conduite au Nunavik en 2004 a permis de recueillir d’importantes données sur l’alimentation des Inuits et de vérifier les changements survenus à cet égard au cours de la dernière décennie.

En 1992, l’enquête de Santé Québec révélait que l’apport des aliments traditionnels inuits représentait 21 % de l’apport énergétique des Inuits adultes. En 2004, ce pourcentage a diminué et se situait à 16 %. Tel qu’observé en 1992, la consommation d’aliments traditionnels était plus élevée chez les Inuits plus âgés que chez les jeunes adultes, tandis que les aliments commerciaux représentaient une plus forte proportion de l’apport alimentaire des plus jeunes. La fréquence de consommation des viandes traditionnelles était moins élevée en 2004 qu’en 1992. Ainsi, au cours de l’année précédant l’enquête, le poisson et les fruits de mer étaient consommés près de trois fois par semaine et le caribou, près de deux fois par semaine. Le gibier à plumes et les mammifères marins étaient consommés en moyenne une fois par semaine. Près de 88 % des répondants ont déclaré avoir obtenu des aliments traditionnels du congélateur communautaire : 75 % le faisaient occasionnellement et 13 % souvent.

Les résultats de l’enquête de 2004 ont aussi révélé que le jour précédant l’enquête, l’apport en nutriments, tels que les protéines et la plupart des vitamines et minéraux, était acceptable pour plus de la moitié des Inuits adultes. De plus, l’apport en acides gras oméga-3, dont les principales sources alimentaires sont le poisson et les mammifères marins, était relativement élevé. Toutefois, l’apport en vitamines et minéraux, tels que les vitamines A, C et D, le calcium et les fibres alimentaires, était faible. Ces apports insuffisants peuvent être expliqués par la faible consommation de produits laitiers, de fruits et de légumes et de produits céréaliers à grains entiers au Nunavik. La consommation de ces aliments ne semble par ailleurs pas s’être améliorée significativement depuis 1992. À l’inverse, la consommation d’aliments et de boissons sucrés s’est révélée plus élevée en 2004 qu’en 1992. Les boissons sucrées, telles que les boissons gazeuses et les boissons aux fruits, représentaient la plus importante source de glucides des répondants le jour précédant l’enquête, et la consommation de boissons sucrées était beaucoup plus élevée chez les jeunes adultes. Enfin, les résultats de l’enquête ont aussi révélé que l’insécurité alimentaire semble être un problème majeur dans plusieurs ménages inuits. En 2004, près d’une personne sur quatre a déclaré avoir manqué de nourriture au cours du mois précédant l’enquête.

Afin de promouvoir et de favoriser la saine alimentation chez les Inuits, certaines recommandations ont été retenues à la suite des résultats de l’enquête de 2004. Ainsi, les Inuits sont encouragés à maintenir ou même à augmenter leur consommation d’aliments traditionnels, car ces aliments leur confèrent plusieurs avantages, et ce tant aux niveaux culturel, économique et sociétal qu’au niveau de la santé. L’apport élevé en acides gras oméga-3 des Inuits leur procure à cet égard une protection contre les maladies cardiovasculaires. Compte tenu de leur apport insuffisant en certains vitamines et minéraux, les Inuits devraient augmenter leur consommation d’aliments commerciaux sains tels que les fruits et légumes, les produits céréaliers à grains entiers et les produits laitiers, d’autant plus que ces aliments contribuent à réduire le risque de certaines maladies chroniques.

À l’inverse, la consommation d’aliments sucrés devrait être réduite puisqu’elle est reliée à une augmentation du risque d’obésité et de diabète. Enfin, les programmes de promotion d’une saine alimentation devraient soutenir les Inuits dans l’achat et la préparation d’aliments commerciaux sains. Les Inuits devraient par ailleurs avoir davantage accès à des aliments commerciaux variés, de qualité et à prix abordables afin de réduire l’insécurité alimentaire des ménages du Nunavik.

Auteur(-trice)s
Carole Blanchet
M. Sc., épidémiologiste, Institut national de santé publique du Québec
Louis Rochette
Institut national de santé publique du Québec
Type de publication
Notice Santécom
Date de publication