Les risques sanitaires des pesticides : des pistes d’action pour en réduire les impacts
L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) salue l’initiative du gouvernement de procéder à une consultation parlementaire sur les pesticides en vue d’une utilisation judicieuse et prudente de ceux-ci.
Les études disponibles démontrent des effets à la santé à long terme liés à l’exposition aux pesticides, surtout dans les milieux agricoles. Même s’il n’existe pas de données épidémiologiques spécifiques au Québec, la population québécoise et ses travailleurs agricoles sont concernés, puisque les pesticides analysés dans ces études sont les mêmes que ceux utilisés ici.
En bonifiant et en élargissant sa portée, la Stratégie phytosanitaire québécoise en agriculture (SPQA) serait un des leviers à privilégier pour atteindre une agriculture rationnelle et sécuritaire pour les consommateurs et pour les travailleurs.
C’est sur la base d’une plus grande transparence et d’une rigueur qu’il sera possible d’y parvenir, en se reposant davantage sur des connaissances scientifiques neutres, sur des données spécifiques au Québec et sur des pratiques optimales sur le terrain.
Des efforts supplémentaires à consentir pour encourager les pratiques de remplacement des pesticides :
- Soutenir la production biologique en lui accordant une plus grande place dans la SPQA;
- Intervenir auprès de Santé Canada pour qu’il mise sur des études indépendantes dans le processus d’évaluation en vue d’accorder l’homologation à des produits;
- Faciliter le recours à l’approche de la gestion intégrée des ennemis des cultures (GIEC) en développant la recherche et le développement dans le domaine;
- Offrir davantage de formation sur les pesticides aux travailleurs agricoles;
- Afin d’éviter les conflits d’intérêts, réserver les services-conseils à des professionnels indépendants;
- Promouvoir largement les outils d’aide à la décision existants pour faciliter la substitution des pesticides les plus toxiques par des produits à moindre risque.
Des actions pour encadrer plus rigoureusement l’industrie :
- Séparer le service-conseil agronomique des compagnies de pesticides de la vente des pesticides;
- Interdire toute stratégie de marketing encourageant l’achat de pesticides (remises, rabais, ristournes, concours);
- Départager les activités de formation et de transfert de connaissances faisant la promotion d’approches préventives des activités de nature commerciale dans les activités de type colloque ou congrès.
Des actions pour protéger la santé de la population :
- Mieux documenter les risques des pesticides pour la population par la réalisation d’études indépendantes sur l’exposition et l’épidémiologie;
- Rendre disponibles aux professionnels de la santé les données brutes de résidus de pesticides dans les aliments, de façon à permettre la bonification des analyses de risques;
- Bonifier les programmes de surveillance des résidus de pesticides dans l’eau de consommation dans les petits réseaux de distribution et dans les puits individuels en région agricole.
Des actions pour protéger la santé des travailleurs agricoles :
- Mieux documenter les risques sanitaires aigus et chroniques des pesticides pour les travailleurs agricoles, en améliorant les mécanismes de compilation des cas d’intoxication et en réalisant des études indépendantes sur l’exposition et l’épidémiologie;
- Intégrer le milieu agricole aux secteurs d’activité à prioriser énoncés dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), afin d’assurer la prise en charge des travailleurs agricoles;
- Dans l’attente de cette prise en charge, favoriser la constitution de réseaux de concertation et d’échange en matière de risques et la mise en place de mesures préventives qui dépassent le port d’équipement de protection individuelle;
- Reconnaître, lorsque justifiées par des données scientifiques, certaines maladies professionnelles liées aux pesticides reconnues par d’autres pays;
- Rehausser les critères de certification des utilisateurs de pesticides qui reposent actuellement sur l’acquisition de connaissances minimales plutôt que sur l’acquisition de compétences;
- Rendre obligatoire un cours sur les risques des pesticides et leur utilisation rationnelle et sécuritaire dans la formation universitaire en agronomie.
Une agriculture durable, faisant appel à une approche agronomique plus globale misant sur des techniques alternatives, des connaissances acquises par l’agriculture biologique et la GIEC, un travail raisonné des sols et une expertise-conseil indépendante, aiderait le milieu agricole à réduire sa dépendance aux pesticides.