Avis scientifique sur la pertinence d’offrir le Programme québécois de dépistage du cancer du sein (PQDCS) aux femmes âgées de 70 à 74 ans
Plusieurs essais cliniques randomisés (ECR) ont démontré la capacité de la mammographie de dépistage à réduire la mortalité due au cancer du sein, et des programmes de dépistage du cancer du sein ont été implantés au Québec et ailleurs. Le Programme québécois de dépistage du cancer du sein (PQDCS), comme la plupart des programmes structurés, offre une mammographie tous les deux ans aux femmes de 50 à 69 ans.
Au Québec, les femmes de 70 ans et plus peuvent continuer à recevoir des mammographies en dehors du PQDCS, avec une prescription médicale, ce que font environ 30 % des Québécoises de 70-74 ans. D’autres programmes offrent des services aux femmes au-delà de 70 ans, certains faisant une invitation systématique jusqu’à l’âge de 75 ou même 80 ans.
Si la capacité de la mammographie de réduire la mortalité est bien établie, on reconnaît aussi qu’elle entraîne des inconvénients, dont des faux positifs, des cancers secondaires à la radiation et la surdétection, c’est-à-dire l’identification des cas qui n’auraient jamais produit de problèmes de santé.
Devant le recours fréquent au dépistage au-delà de 70 ans et l’extension de l’offre aux femmes plus âgées d’autres programmes et conscient de la possibilité que les inconvénients au dépistage soient plus importants chez les femmes plus âgées, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec a demandé à l’Institut national de santé publique de se pencher sur l’opportunité et les modalités d’une inclusion éventuelle des femmes de 70 à 74 ans dans le PQDCS.
Neuf ECR ont démontré une réduction moyenne de 19 % de la mortalité par cancer du sein chez les femmes de tout âge invitées au dépistage, et de 31 % chez les femmes de 60 ans et plus. Dans le sous-ensemble de ces femmes qui ont participé au dépistage, la réduction était d’environ 45 %. Si l’on considère la réduction maximale de la mortalité qui peut être atteinte après plus de cinq ans de dépistage, la réduction de la mortalité est d’au moins 50 %. Cette réduction, plus forte que ce qui est souvent cité, est confirmée par des études non expérimentales de qualité moindre et semble être du même ordre pour les femmes de 70 ans et plus.
Les inconvénients du dépistage sont aussi présents chez les femmes plus âgées. Le phénomène de la surdétection est plus problématique, car les cancers ont tendance à évoluer plus lentement et les femmes ont une espérance de vie plus courte. Ainsi, pour 1 000 femmes participant au dépistage, le nombre de décès évitables par cinq ans de dépistage commençant à 65, 70 ou 75 ans est relativement stable (1,5-1,6 décès), mais le nombre de cas de surdétection augmente graduellement, passant de 1,9 à 65 ans, à 2,3 à 70 ans, et à 3,6 à 75 ans. Cet équilibre des avantages et inconvénients sera différent selon la personne, notamment en fonction de son espérance de vie.
Nous recommandons donc de ne pas faire d’invitation systématique au dépistage pour les femmes de 70 à 74 ans, mais plutôt de privilégier une prescription individuelle s’appuyant sur une évaluation des avantages et inconvénients individuels, une prise de décision partagée et un consentement libre et éclairé. Une fois cette prescription effectuée, le PQDCS inviterait ces femmes jusqu'à l’âge de 75 ans. Les femmes qui décident de continuer avec le dépistage au-delà de 70 ans devraient pouvoir bénéficier de tous les avantages du programme, dont l’invitation jusqu'à 74 ans, la communication des résultats par une lettre, le suivi de la prise en charge et des mesures d’assurance de la qualité. Le dépistage ne devrait pas être recommandé aux femmes ayant une espérance de vie de moins de 10 ans.