Prévention des cas de brûlures et de légionelloses associés à l'eau chaude du robinet dans les résidences privées - 2e édition

L'Institut avait pour mandat d'évaluer les risques de brûlures et de légionelloses associés à l'eau chaude du robinet dans les résidences privées, au Québec et de proposer des mesures permettant de réduire ces deux risques.

Au terme d'une analyse de la littérature scientifique et des données disponibles au Québec, l'Institut croit tout aussi important de prévenir les cas de brûlures causés par l'eau chaude du robinet (BECR) que les cas de légionelloses. Ces problèmes ont des conséquences assez comparables d'un point de vue de santé publique et dans les deux cas, il existe des mesures de prévention reconnues efficaces ou prometteuses.

Deux études récentes menées par l'Institut permettent d'estimer que les brûlures causées par l'eau chaude du robinet (BECR) occasionnent environ 33 hospitalisations et 3 décès par année, au Québec, ce qui correspond à un taux annuel de 4,5 hospitalisations et 0,43 décès par million d'habitants. Le risque de BECR est plus important chez les enfants âgés de moins de 5 ans, les personnes âgées de 60 ans ou plus et les personnes présentant une déficience physique ou mentale. Au Québec, les BECR assez graves pour nécessiter une hospitalisation ou pour causer un décès surviennent pour la très grande majorité au domicile des victimes et plus particulièrement dans la baignoire.

Par ailleurs, la littérature scientifique démontre que la contamination de l'eau par Legionella dans les résidences privées est une cause de légionelloses. Malheureusement, les données disponibles ne permettent pas de déterminer le nombre de cas de légionelloses attribuables à cette source de contamination. Cependant, sur la base d'une analyse critique de la littérature pertinente, l'Institut considère que ce problème est au moins aussi important que celui des brûlures en terme de santé publique. La littérature démontre également que le risque de légionelloses est plus important chez les personnes âgées que chez les autres groupes d'âge. D'autres facteurs de risque sont connus pour la légionellose soit le tabagisme, la présence d'une maladie pulmonaire chronique, le diabète, et toutes conditions médicales associées à un déficit immunitaire. Ces facteurs de risques sont toutefois absents chez une proportion non négligeable des cas de légionelloses acquises dans la communauté.

Dans une perspective de prévention, l'Institut croit que la meilleure stratégie pour diminuer le risque de BECR dans les résidences privées consiste à réduire à 49°C ou moins la température de l'eau à la sortie des robinets. Pour diminuer le risque de légionelloses, l'Institut propose de limiter l'exposition de la population à Legionella via l'eau du robinet. Pour favoriser l'atteinte de ces deux objectifs, l'Institut propose un train de mesures qui tient compte à la fois du type de chauffe-eau et du nombre de logements desservis par chaque appareil. Trois situations ont été analysées.

Chauffe-eau électrique desservant un seul logement : Au Québec, environ 30 % des chauffe-eau électriques sont contaminés par Legionella, même lorsque le thermostat est réglé à 60°C. Les chauffe-eau électriques seraient plus susceptibles d'être contaminés que les appareils fonctionnant au gaz ou à l'huile en raison de leur conception : la température de l'eau dans la partie basse du réservoir ne peut être élevée à un niveau suffisant pour empêcher la multiplication de Legionella. Cette situation est d'autant plus préoccupante qu'au Québec, plus de 90 % des résidences privées sont desservies en eau chaude par un chauffe-eau électrique. C'est pourquoi l'Institut recommande aux autorités compétentes d'obliger les fabricants de chauffe-eau électriques à trouver le plus rapidement possible des solutions technologiques permettant à ces appareils d'empêcher la multiplication de Legionella. En attendant l'arrivée sur le marché de ces chauffe-eau modifiés, l'Institut recommande de régler à 60 °C le thermostat des chauffe-eau électriques actuellement disponibles. Le réglage de ces appareils à une température plus basse pourrait accroître le risque de légionelloses en augmentant soit le niveau de contamination des chauffe-eau déjà contaminés ou le nombre de chauffe-eau contaminés. Pour réduire le risque de brûlures, l'Institut recommande d'installer un dispositif anti-brûlure démontré efficace à la sortie des chauffe-eau, afin d'abaisser la température de l'eau à 49°C. L'Institut recommande que ces dispositifs soient installés sur les chauffe-eau neufs à la sortie de l'usine. Cette pratique favoriserait l'application de cette mesure sachant qu'environ la moitié des chauffe-eau sont remplacés sur une période de 5 ans. En théorie, il est possible que le fait d'installer un dispositif anti-brûlure à la sortie des chauffe-eau électriques augmente le risque de contamination des robinets par Legionella si, ultérieurement, l'eau à l'intérieur des chauffe-eau devenait contaminée. Cependant, l'Institut estime ce risque plutôt faible dans les résidences privées unifamiliales notamment parce que le réseau de distribution d'eau y est généralement peu complexe. Par contre, le fait d'installer ces dispositifs sur les chauffe-eau neufs à la sortie de l'usine permettrait en quelques années d'éliminer le risque de brûlures chez la grande majorité des personnes desservies en eau chaude par ce type d'appareil, par rapport à seulement une minorité si ces dispositifs étaient installés à proximité des robinets. En effet, dans ce dernier cas, seules les personnes habitant une maison neuve ou une résidence ayant été l'objet de travaux majeurs de rénovation au niveau de la plomberie seraient protégées des brûlures.

Chauffe-eau au gaz ou à l'huile desservant un seul logement : Ces appareils sont beaucoup moins à risque d'être contaminés par Legionella que les chauffe-eau électriques. L'Institut estime que le risque de contamination est faible si le thermostat est réglé à 49°C et probablement inexistant, lorsque celui-ci est ajusté à 60°C. Cependant, la littérature scientifique ne permet pas de déterminer exactement à quel niveau le thermostat de ces appareils doit être réglé pour empêcher la multiplication de Legionella. Par ailleurs, selon les spécialistes de l'industrie, il semble que la température de l'eau à l'intérieur des chauffe-eau fonctionnant au gaz ou à l'huile augmente de plusieurs degrés au-dessus du niveau de réglage du thermostat suite à des demandes répétées en eau chaude. En raison de ce phénomène «d'emballement thermique», le risque de brûlures serait présent même si le thermostat est réglé à 49°C, impliquant en cela l'utilisation d'un dispositif anti-brûlure. Sur la base de ces informations, pour prévenir à la fois les cas de légionelloses et de brûlures, l'Institut recommande de régler à 60°C le thermostat des chauffe-eau fonctionnant au gaz ou à l'huile et d'équiper ces appareils d'un dispositif anti-brûlure démontré efficace. Il ne serait peut-être pas nécessaire de régler le thermostat de ces chauffe-eau à 60°°C pour empêcher la multiplication de Legionella à l'intérieur du réservoir mais pour le savoir, une étude serait nécessaire. Une telle étude démontrerait très probablement la nécessité de régler le thermostat de ces appareils à un niveau supérieur à 49°C. Et sauf avis contraire, si ce niveau se situait à 49°C, il serait quand même nécessaire d'installer un dispositif anti-brûlure pour contrer les dépassements de température associés au phénomène d'emballement thermique. Pour l'Institut, le réglage des thermostats à 60°C et l'installation d'un dispositif anti-brûlure démontré efficace constituent deux mesures indissociables. Pour favoriser l'application de ces deux mesures, l'Institut recommande de les rendre obligatoires pour tous les chauffe-eau neufs à la sortie de l'usine. Les chauffe-eau déjà installés dans des logements qui ne sont pas équipés d'un dispositif anti-brûlure démontré efficace devraient toutefois être réglés à 49°C pour prévenir les brûlures.

Chauffe-eau au gaz, à l'huile ou à l'électricité desservant plusieurs logements : Dans ce type d'immeuble, le chauffe-eau doit être en mesure de répondre à des besoins en eau chaude qui sont souvent importants. Pour cette raison, la température de l'eau peut difficilement être abaissée à 49°C, que ce soit dans le réservoir ou à la sortie de l'appareil. Pour réduire le risque de légionelloses dans ce type d'immeuble ou le réseau de distribution est souvent complexe, l'Institut fait siennes les recommandations publiées dans la monographie de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) traitant de la légionellose. Dans cette monographie, il est recommandé d'emmagasiner l'eau à l'intérieur du chauffe-eau à 60°C ou plus et qu'au moins une fois par jour, la température de l'eau atteigne au moins 60°C dans l'ensemble du réservoir incluant la partie inférieure. Il est également recommandé que l'eau soit distribuée jusqu'aux robinets à une température d'au moins 50°C. Dès lors, la prévention des brûlures passe obligatoirement par l'installation à proximité des robinets de dispositifs permettant d'abaisser la température de l'eau à 49°C ou moins. Si cela s'avérait impossible, il faudrait s'assurer à tout le moins qu'un dispositif anti-brûlure démontré efficace soit installé au robinet de la baignoire et de la douche. Une autre alternative pourrait être d'installer un seul dispositif anti-brûlure à l'entrée de chaque logement. Cependant, il faudrait démontrer au préalable que cette mesure est à la fois pratique, économique et faisable et qu'elle n'augmente pas le risque de contamination par Legionella de la partie du réseau de distribution située à l'intérieur des logements.

Auteur(-trice)s
Michel Lavoie
M.D., Institut national de santé publique du Québec
Benoît Lévesque
M.D., M. Sc., FRCPC, médecin spécialiste, Direction de la santé environnementale et de la toxicologie
Diane Sergerie
Institut national de santé publique du Québec et Direction de santé publique de la Montérégie
Type de publication
ISBN (imprimé)
2-550-41310-5
Notice Santécom
Date de publication