Avenues politiques : intervenir pour réduire les inégalités sociales de santé

Différents facteurs sociaux, comme l'éducation, le revenu, le travail, le milieu de vie, le logement et l'accès aux services déterminent l'état de santé des personnes. Ceux-ci interagissent et se combinent tout au long du parcours de vie. La répartition inéquitable de ces facteurs, ou déterminants de la santé, entre les groupes engendre des écarts considérables dans la santé des personnes au sein d'une même communauté, d'un pays ou entre les différents pays. Ces écarts ou distribution inégale de l'état de santé en fonction de ces déterminants au sein de la population se nomment les inégalités sociales de santé (ISS). Ces inégalités ne constituent pas un phénomène inéluctable et pourraient être réduites, selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). La problématique des inégalités sociales de santé est vaste et complexe : les dynamiques inégalitaires de pouvoir et d'exclusion, de même que certaines normes, politiques et pratiques sociales engendrent des disparités sociales et de santé.

Les données concernant l'ampleur des ISS au Québec sont éloquentes. Les écarts entre les groupes socioéconomiques sont marqués en termes d'espérance de vie et de mortalité prématurée. Par exemple, en 2006, il y aurait entre le groupe le plus défavorisé de la population et le groupe le plus favorisé un écart pour l'espérance de vie de 8,1 ans chez les hommes et de 3,9 ans chez les femmes. De même, il y aurait 93 % plus de personnes ne se percevant pas en bonne santé, 88 % plus de fumeurs quotidiens, 54 % plus de personnes insatisfaites de leur vie sociale, 28 % plus de personnes obèses, dans le groupe le plus défavorisé de la population que dans le groupe le plus favorisé. Certains groupes de la population, comme les Autochtones, seraient affectés par les inégalités sociales de santé de manière alarmante, dans certains cas.

L'intervention gouvernementale pour réduire les ISS n'est pas simple, ni univoque, et passe nécessairement par un ensemble d'interventions. En matière de réduction des ISS, les gouvernements ont développé différentes approches. Certains pays ont, par exemple, adopté une politique gouvernementale systématique et globale de réduction des ISS alors que d'autres pays ont plutôt élaboré une politique nationale de santé publique visant explicitement la réduction des ISS, ou s'attaquant en amont aux déterminants sociaux de la santé. Parallèlement à ces approches globales, plusieurs interventions sectorielles ou intersectorielles axées sur des déterminants de la santé peuvent contribuer de manière significative à combattre les ISS. Il n'existe pas de consensus scientifique sur une manière efficace d'intervenir dans la réduction des ISS, encore que certains auteurs recommandent des interventions ciblant en priorité l'accès plus égalitaire aux ressources, comme celles visant le revenu, le travail, l'accès à l'éducation et aux services. La nécessité de prendre en compte les ISS dans les interventions de l'État pour, tout au moins, ne pas les aggraver est cependant reconnue par les experts. De plus, la présente recension montre que pour réduire les ISS, les politiques sociales doivent être renforcées à la fois au niveau de la population générale (interventions universelles) et des populations défavorisées (interventions ciblées) sans stigmatiser ces dernières. À ce titre, les interventions proportionnellement ciblées, soit des actions qui visent la population générale tout en prévoyant une intervention modulée en fonction du gradient social en santé, doivent être privilégiées et renforcées. La recension des expériences étrangères permet aussi de dégager des conditions qui favorisent des retombées prometteuses, soit la mobilisation des différents acteurs autour de priorités d'action communes, la participation des citoyens aux interventions, la qualité des interventions et l'intégration des services offerts pour en favoriser l'accès.

Le Québec ne peut adopter à son échelle provinciale, une politique de même envergure que celles de plusieurs des pays présentés dans ce document; il peut, cependant, s'en inspirer en tenant compte du contexte fédéral dans lequel il intervient. Le Québec n'a pas de politique visant spécifiquement ou globalement la réduction des ISS. Le gouvernement québécois a toutefois mis en place des interventions à grande échelle qui s'attaquent aux inégalités sociales et économiques, en visant, par exemple, la pauvreté ou l'exclusion sociale. Quelques avenues à explorer par le gouvernement québécois sont soulevées, en particulier, la promotion d'une vision concertée de la réduction des ISS pour mobiliser tous les secteurs gouvernementaux, le renforcement des acquis en termes de protection sociale, de lutte à la pauvreté et d'action sur des déterminants de la santé, la mise en place d'un système de suivi et la participation des citoyens au processus décisionnel.

Note(s)

Veuillez noter que, dans cette publication, à la page 93, la référence no 322 de la bibliographie a été modifiée : « Blanchet, C., Rochette, L. Sécurité et insécurité alimentaire chez les Québécois : une analyse de la situation en lien avec leurs habitudes alimentaires. Montréal : Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), 2011, 58p. » (14 juillet 2014)