Médicaments des systèmes gastro-intestinal, urinaire, musculo-squelettique, immunitaire, autres médicaments, et canicules : rapport et recommandations

Depuis plusieurs années, les chaleurs extrêmes ou canicules sont de plus en plus étudiées par les professionnels de la santé afin d'analyser leur impact sur la population et la santé publique. Ces canicules font l'objet de recherches scientifiques rigoureuses donnant lieu à plusieurs publications. Plus récemment, la canicule de 2003, en Europe, a causé la mort de 14 802 personnes en France, 7 000 en Allemagne, 4 200 en Espagne, 4 000 en Italie, 2 045 en Grande-Bretagne, 1 400 aux Pays-Bas, 1 300 au Portugal et 150 en Belgique. Ce bilan très lourd a soulevé de nombreuses questions quant à la prévention et au manque de préparation du système de santé, en ce qui a trait aux chaleurs extrêmes. En théorie, l'augmentation du risque de troubles de la santé liés à la chaleur, allant d'un simple malaise au décès, peut être associée à toute condition compromettant la thermorégulation. Au fur et à mesure des études épidémiologiques sur le sujet, il s'avère toutefois que les populations les plus à risque regroupent des personnes remplissant au moins l'une des conditions suivantes : l'avancement en âge, l'apparition de problèmes de santé chroniques, la consommation de médicaments pour traiter certaines de ces maladies et la dépendance d'un tiers pour assurer ses besoins vitaux.

À la suite de la canicule de 2003, en France, l'ANSM (nommée autrefois l'Afssaps) a étudié quels médicaments pouvaient contribuer aux troubles de la santé liés à la chaleur. L'objectif était clair, trouver tous les médicaments susceptibles de provoquer des coups de chaleur ou le syndrome d'épuisement déshydratation. L'ANSM publia alors une revue de littérature qui se conclut par un tableau de synthèse sur les médicaments dits dangereux. Ce tableau fait depuis office de référence et se retrouve dans une majorité des écrits sur les médicaments et la canicule.

Or, depuis quelques années, un groupe de chercheurs de l'unité Santé et environnement de l'INSPQ a commencé à s'intéresser de très près à ce problème en raison du réchauffement climatique et des étés de plus en plus chauds au Québec. À la lecture du rapport de l'ANSM, une question majeure se pose alors : tous les médicaments du tableau récapitulatif ont été choisis en fonction de leurs propriétés pharmacologiques, donc théoriques, qui pourraient entraîner de graves problèmes de santé durant une vague de chaleur, mais est-ce vraiment le cas sur le terrain? Existe-t-il des écrits empiriques, des études de cohorte, cas-témoins ou expérimentales qui pourraient accréditer les conclusions de ce tableau?

Afin de répondre à cette question, l'INSPQ décide de réaliser une revue systématique de tous les médicaments listés dans le tableau de l'ANSM en ne se basant que sur des écrits publiés, décrivant les effets directs ou indirects des médicaments sur l'humain pouvant être dangereux en période caniculaire.

Pour les systèmes gastro-intestinal, urinaire, musculo-squelettique et, immunitaire et autres médicaments, sur les 4 525 publications répondant aux mots-clés (voir les méthodes) dans les différents moteurs de recherche précités, 19 ont été retenues. Toutefois, aucune d'entre elles ne visait spécifiquement l'étude de la relation médicaments-canicule. Il apparaît clairement que ce sujet n'est pas encore exploré et devrait donner lieu à des études supplémentaires.

L'absence de données épidémiologiques actuellement ne permet pas de juger de la relation entre les médicaments des systèmes étudiés et la canicule. Toutefois, la recension de leurs effets indésirables potentiellement à risque dans un tel contexte météorologique, sur la base de la revue systématique de la littérature et des sources de référence sur les pharmacothérapies, suggère que certaines classes thérapeutiques des systèmes étudiés ainsi que d'autres classes de médicaments sont susceptibles d'aggraver le syndrome d'épuisement-déshydratation et de contribuer au coup de chaleur, soit :

  • pour les systèmes gastro-intestinal et urinaire : les antiémétiques (sétrons), les procinétiques et agoniste 5-HT4 de la sérotonine, les inhibiteurs de la pompe à protons, et les sympatholytiques;
  • pour le système musculo-squelettique : les AINS et les relaxants musculaires;
  • pour le système immunitaire et les autres médicaments :
    • les médicaments antiinfectieux : les antibiotiques et autres thérapies connexes, les antifongiques et les antiviraux;
    • les médicaments immunosuppresseurs : inhibiteurs de calcineurine, antiprolifératifs/antimétaboliques, antifolates et analogues de purine;
    • les modificateurs de la maladie rhumatismale et/ou inflammatoire de l'intestin;
    • les interférons bêta (modificateurs de la réponse biologique), alpha (antiviraux) et autres;
    • ainsi que les opiacés et antigoutteux.

Il pourrait également être opportun pour les professionnels de la santé de commencer à identifier les personnes à haut risque parmi leur clientèle, non seulement en fonction de leur prise de médicaments, mais également en fonction d'autres considérations comme leur soutien familial et social au moment opportun, leur confort personnel (p. ex., air conditionné ou pas) et leur habitat (p. ex., proximité d'un centre commercial, d'un parc).

Sujet(s)

ISBN (électronique)

978-2-550-70186-6

ISBN (imprimé)

978-2-550-70185-9

Notice Santécom

Date de publication